Ишқ

Tadjikistan

* "amour" en Tadjik

Quelques précisions sur cette langue

Le tadjik ou tadjike est une langue appartenant au groupe iranien de la famille des langues indo-européennes ; cette langue est très similaire au persan et au dari.
Le tadjik est parlé en Asie centrale au Tadjikistan, dont elle est la langue officielle. Il est également parlé dans des pays voisins, principalement par des minorités linguistiques, en Afghanistan, Iran et Ouzbékistan (Boukhara et Samarcande), ainsi qu’en Chine (Xian autonome tadjik de Taxkorgan).
Au Tadjikistan et en Ouzbékistan, la langue s’écrit au moyen d’un alphabet cyrillique augmenté de signes diacritiques. En revanche, dans les autres pays, elle est transcrite au moyen de l’alphabet perso-arabe.

Quelques références littéraires et cinématographiques

TADJIKISTAN

Le Tadjikistan, pays dont la majeure partie du territoire est constitué de hautes montagnes avec des sommets entre 3000 et 7500 mètres, devient indépendant en 1991 à la suite de la dissolution de l’URSS, période qui sera suivie d’une guerre civile (1992-1997). Si la société de production Tadjikfilm est fondée dès 1930, époque où sont réalisés les premiers films tadjiks comme Quand meurent les émirs (1932) de Lidia Petchorina, ce n’est que dans les années 1950 qu’apparaît une filmographie remarquée puis à partir des années 1990 que le cinéma tadjik va réellement prendre son essor. Hervé Dumont, historien du cinéma nous dit : « Le cinéaste ouzbèke Boris [Bension] Kimyagarov, né à Samarkand d’une famille juive établie à Boukhara, est considéré comme un des fondateurs du cinéma tadjik et son représentant le plus combatif face à l’emprise russo-soviétique. » Dans les années 1960, plusieurs de ses films La Bannière du forgeron et en 1966 Un temps pour la paix, destinés à faire renaître l’identité tadjik, traitent d’un sujet mal perçu par les autorités et qui en interdit l’exportation. Cependant, de par sa fonction de Premier secrétaire de l’Union tadjike des réalisateurs, Boris Kimyagarov réussit à monter à partir de 1970 les trois volets de sa trilogie tirée du Shâh-Nâmeh, consacrés respectivement à Rostam, à Sohrâb et à Siavouche. Didar Film Festival, premier festival du Film au Tadjikistan, a eu lieu pour la première fois en 2004.

 

CINEMA

 

NISSO

MARAT ARIPOV (1966, noir et blanc)

Galia Poulatova (Nisso), Iouri Nazarov (Sacha), G. Niiazov (Aziz-Khan)

Au Pamir dans les années 1920. Nisso, une jeune montagnarde vendue par sa tante à un riche marchand l’éleveur Aziz-Khan, s’échappe lors de son transfert vers son futur maître. Tombée dans la rivière elle est recueillie par Sacha, un jeune soldat russe qui lui propose de la loger. Les villageois ne voient pas tous d’une bon présage la présence de cette nouvelle venue, d’autant plus qu’Aziz-Khan menace le village qui l’a hébergée. Cependant, une bonne partie des habitants prenne la défense des amoureux, mais Aziz-Khan va tenter de la ravir…

LA LEGENDE DE ROSTAM

BORIS KIMYAGAROV (1971)

Bimbulat Vatayev (Rostam), Khashim Gadoyev, Otar Koberidze (Cavus), Svetlana Norbayeva (Tahmina)

Boris Kimyagarov, passionné de fresques historiques et de grandes épopées s’intéresse bien sûr au Shah Nameh (Le Livre des Rois), le chef-d’oeuvre du poète Firdûsî (941-1020), qui relate l’histoire de l’Iran jusqu’à la conquête arabe et dont l’influence va s’étendre bien au-delà de l’Iran jusqu’en Afghanistan et en Asie centrale. Les Tadjiks ont, d’un point de vue leur identification historico-culturelle, des racines profondes avec l’empire perse dont ils ont fait partie. Ce premier volet narre les exploits héroïques de Rostam, ses luttes contre les envahisseurs et sa rencontre avec la princesse Tahmina qui lui voue une grande admiration, l’introduit à la cour de son père et va lui proposer un curieux marché. La nuit ils deviennent amants et quand Rostam part, Tahmina enceinte met au monde neuf mois plus tard un fils Sohrâb…

ROSTAM ET SOHRÂB

BORIS KIMYAGAROV (1971)

Bimboulat Bataiev (Rostam), Svetlana Norbayeva (la princesse Tahmina), Sairam Issaïev (Sohrâb, leur fils), Otar Koberidze (le shah Kay Kâvus), Sayaram Issayeva (la guerrière Gurdâfarîd), Makhmudzhan Vakhidov (Div Tulad), Gurminch Zavkibekov (Zhandarazm), Alim Hogaev (le poète), Abdusalom Rakhimov (Gozhdehem), Mohammed Rafikov (Hadjir), Razzaq Khamrayev (Houman)

Rostam guerroie et ne peut assister à la naissance de son fils auquel il fait transmettre un bracelet portant les insignes de son clan. Le père de Tahmina est renversé par des conspirateurs et Sohrâb échappe de justesse au sabre du roi de Touran. Pour préserver son fils Tahmina est tenue de ne jamais lui révéler l’identité de son père. De son côté Rostam, obsédé par la captivité de son roi, combat sans trêve en Perse. Sohrâb grandit et peu à peu il va s’imposer comme un guerrier aussi puissant et redoutable que son père. Ses ennemis, qui ne tardent pas à deviner leur filiation, montent un complot où le père et le fils s’affronteront jusqu’à la mort. Le piège est tendu par le roi de Touran qui a juré la perte de Rostam. Pendant trois jours successifs, Rostam et Sohrâb se livrent un combat terrible, qui fait trembler ciel et terre. Rostam va jusqu’à déraciner les arbres pour les utiliser comme javelots. Le combat s’achève quand Rostam perce le cœur de Sohrâb : soudain, fou de douleur, il comprend, en découvrant au bras de son adversaire l’insigne de son clan, qu’il vient de tuer son propre fils qui agonise sous ses yeux.

LE PREMIER AMOUR DE NASREDDINE

ANTAR TOURAEV (1977)

Sokrat Abdukadyrov (Khodja, dit Nasreddine), Nino Dolidze (Souheïl, fille du khan), Ato Mukhamedzhanov (Roustam, le forgeron), Khashim Gadoyev (Talgat-bek), Zafar Javadov (un guerrier montagnard), Farukh Kasymov (le vizir Kara-Buton), Mushrafa Kasymova (Lialak, mère de Nasreddine), Abdusalom Rakhimov (Ilyas), Khaydar Shoymardanov (Mustafa, père de Nasreddine), Makhmudzhan Vakhidov (le derviche)

Adolescent Nasreddine sent l’appel du large, il quitte son village et le toit familial pour aller à la découverte du monde. Esprit pur, il ne connaît pas le mensonge et l’injustice. Ayant sauvé le khan de la menace d’un serpent, il est invité au palais où il tombe amoureux de Souheïl, la fille du seigneur, une âme pure comme lui. Le vizir, qui n’accepte pas leur amour, fait assassiné le forgeron Rustam, qui arrangeait leurs rendez-vous secrets, et Nasreddine est jeté dans un cachot. Il réussit à s’enfuir, fait ses adieux à Souheïl et part sur la Route de la soie où il rencontre un derviche qui réveillera en lui l’amour.

ASRORI OILA (SECRETS DE FAMILLE)

VALERI AKHADOV (1983)

Ato Moukhamedjanov (Soultankhodja), Choukhrat Irgachev (Rassoul), Djamilia Sadykova (Zarnigor)

Ibraguimov ou Soultankhodja, patriarche de la famille, est un homme respecté par tous et en particulier chez lui. Il souhaiterait que le clan familial reste soudé mais les temps ont changé et les jeunes ne veulent plus se laisser imposer des règles de vie. Rassoul, son gendre, est le premier à partir, il retourne vivre chez sa mère. Ibraguimov voudrait trouver un bon parti pour sa nièce Zarnigor, qu’il a élevé. Mais Daler, le frère de Rassoul, est amoureux d’elle.  Une polémique s’engage pour savoir à qui sera « vendue » Zarnigor. Cette dernière, comme Rassoul, refuse un mariage arrangé. La famille unie ne l’est plus, la cellule explose, la maison est désertée. Le cinéaste s’intéresse à la psychologie des personnages et Ato Moukhamedjanov, qui interprète le rôle autoritaire du principal protagoniste, est remarquable.

LUNA PAPA

BAKHTIAR KHUDOJNAZAROV (1999)

Chulpan Khamatova (Mamlakat, Merab Ninidze (Alik), Moritz Bleibtreu (Nasreddine), Ato Mukhamedshanov (Safar)

Présenté dans de nombreux festivals internationaux, notamment la Mostra de Venise, ce film a été récompensé par plusieurs prix dont la Montgolfière d’or au Festival des 3 continents à Nantes, le Prix Nika, la principale récompense du cinéma russe,  du meilleur réalisateur et de la meilleure contribution artistique au Festival international du film de Tokyo.

Par un soir de clair de lune la jeune Mamlakat se laisse séduire par un mystérieux inconnu qui l’enlace et elle dévale avec lui la pente d’un ravin. Le lendemain matin, elle se réveille seule au bord de la rivière. Quand elle découvre qu’elle est enceinte, son père, un vieux vétérinaire veuf qui a élevé seul ses deux enfants, est bien décidé à retrouver cet amant pour le mettre en face de ses responsabilités, dissiper l’affront qu’il fait subir à sa fille et les marier. Il part avec sa fille et son fils Nasreddine, mentalement diminué depuis son retour du front d’Afghanistan, pour retrouver le géniteur. S’en suit un road-movie déjanté, des aventures tragi-comiques, voire surréalistes, au coeur d’une Asie centrale fantaisiste et sauvage où l’on croise la folie des hommes, mais où l’humour reprend toujours le dessus et permet de garder de l’espoir. L’héroïne Mamlakat est surprenante et touchante. Le réalisateur, récompensé dans de nombreux festivals, est décédé en 2015 à l’âge de 49 ans. En attendant la mer (2012), son dernier long métrage, avait fait l’ouverture du Festival international du film de Rome.

BIHISTHT FAQAT BAROI MURDAGON (POUR ALLER AU CIEL, IL FAUT MOURIR)

JAMSHED USMONOV (2006)

Khurched Golibekov (Kamal), Dinara Drukarova (Vera), Maruf Pulodzoda (le mari de Vera) Ce film a été présenté lors de la sélection « Une Certain Regard » au Festival de Cannes (2006)

Kamal, une jeune homme marié âgé de 20 ans, n’arrive pas à avoir de relations sexuelles avec sa femme. Il consulte un médecin qui lui suggère de rencontrer une autre femme et de voir comment se passe leur relation. Il quitte son village, tente sa chance sans succès jusqu’au jour où il rencontre la belle Vera. Il la suit, la perd, la retrouve, passe la nuit avec elle. Mais à son réveil Kamal tombe nez à nez avec son mari, qui l’oblige à le suivre. Tout se complique pour lui, le mari est un mafieux pas franchement recommandable et le film bascule dans un univers noir…

QIYAMI ROZ (TRUE NOON)

NOSIR SAIDOV (2009)

Yuriy Nazarov, Nasiba Sharipova, Nasriddin Nuriddinov, Shadl Sal. Présenté au 12ème Festival du Film Asiatique de Deauville et primé au Festival International du film d’Innsbruck.

Nilufar – qui assiste le vieux russe Kirill, responsable de la station météorologique –  doit bientôt se marier avec le fils d’un voisin. Elle habite le village du bas et lui le village du haut. Depuis quelques temps Kirill n’a plus de nouvelles de sa famille, et ses lettres lui sont retournés. Interpellé, il finit par en comprendre la raison : une frontière construite à proximité du village, bouleverse la vie de ses habitants. Désormais ils ne peuvent plus aller chez le médecin, à l’école, voir leurs amis, leurs parents et les futurs mariés sont séparés par des barbelés. A travers ce film le cinéaste évoque une époque révolue, celle où les pays d’Asie centrale appartenaient à un seul pays l’URSS, et le moment où son effondrement les a séparés. Les apparatchiks vont conserver les frontières définies par Staline et officialiser une frontière tracée arbitrairement, sans se préoccuper des conséquences sur la vie des villageois séparés par des barbelés. Cette décision va aboutir à des situations aussi absurdes que l’incorporation de Samarkand et de Boukhara, connus comme des hauts lieux de la culture tadjike, à l’Ouzbékistan. Si Nosir Saidov, dénonce les frontières artificielles entre des « peuples frères », il cherche surtout à montrer le choc que provoque une telle situation dans la vie des familles et des communautés que tout rapprochait : les conditions de vie, l’isolement au cœur d’une milieu naturel rude et sauvage, les traditions, les alliances, les fêtes…

 

LITTERATURE

Il est important de rappeler que le Tadjikistan, seul Etat persanophone d’Asie centrale post-soviétique, fait remonter ses origines à la période glorieuse de la dynastie perse des Samanides (819-992) du nom de son fondateur Ismaïl Samani (849-943) – dont la statue est aujourd’hui le monument le plus imposant de la ville – considéré comme le fondateur de la nation tadjike.

Leur capitale était Boukhara, grand centre culturel du monde islamique. Sous les Samanides, les grandes villes d’Asie centrale étaient perses. C’est pourquoi à Douchanbé, actuelle capitale du Tadjikistan, le « Bâtiment de l’Union des écrivains » affiche une façade qui rappelle que le Tadjikistan faisait partie de l’empire Perse. Afin de ne jamais oublier cet héritage, ce sont des statues en pierre sculptée de Sadriddine Aïni, Omar Khayyam, Ferdowsi et d’autres écrivains persans qui trônent sur cette façade. Plus loin, face à un bassin, se trouve la statue du grand poète persan Roudakî. Les Tadjiks ont lutté pendant des siècles pour préserver leur langage et leur culture originelles, la langue persane reste pour ce peuple « la langue ancestrale ».

Le Tadjikistan a été le lieu de naissance de grands hommes de lettres, d’historiens, de poètes et de savants, parmi eux citons Roudakî, Jâmî, Avicenne, Nâsser Khosrow, Omar Khayyâm, Adîb Sâber Termezî, Nezâmî Arouzî Samarghandî, Kamâl Khojandî, que se partagent tous les persanophones. Il n’est donc pas étonnant de retrouver certains auteurs communs dans la littérature ouzbek, tadjik et persane. Sadriddine Aini (1878-1954), qui est né dans l’émirat de Boukhara va, par son œuvre, renforcer le nationalisme tadjik et renouveler la littérature en tadjik, interdite sous l’émirat (XVI-début XXè siècles). En 1926 il publie à Moscou un recueil de littérature tadjike Numūnah–’i Adabīyāt–i Tājīk, une vaste compilation d’ouvrages de poésie écrits par des poètes tadjiks pendant le Moyen Âge, au début de la période moderne et durant la période moderne. Nous sommes deux ans à peine après la création de la République socialiste soviétique autonome tadjike. Cette vaste compilation d’œuvres représente la tradition littéraire persane dans les régions de l’Asie centrale où l’on parlait le persan.

En 1927 Sadriddine Aini publie Dokhunda le premier roman en tadjik. Adapté à l’écran en 1936 par Lev Kuleshov le film, si il avait été achevé, aurait été le premier long métrage d’Asie centrale. En 1934 Sadriddine Aini assiste au Congrès des Ecrivains soviétiques en tant que représentant tadjik.  Comparé à d’autres écrivains ses écrits seront moins censurés, et pendant vingt ans il sera membre du Soviet Suprême du Tadjikistan. Son œuvre principale est Yoddoshtho.

POESIE

Rares sont les poèmes tadjiks traduits en français, je vais cependant vous citer quelques noms de poètes contemporains. Mirzo Tursunzoda (1911-1982) dont on visite la maison-musée à Douchanbé. Bozor Sobir né en 1938 qui a publié de nombreux recueils à partir des années 1950 traduits dans plusieurs langues Connection (1972), Feu dans les feuilles (1974), The Thorn Flower (1978) Les paupières de la nuit (1981), Goûter et agir (1987) et Loiq Sher-Ali (1941-2000). Parmi les poétesses les plus connues sont Gulrukhsor Safieva, la plus populaire née en 1947, et Gulya Mirzoeva qui, après des études de lettres et de cinéma à Moscou, a dirigé la rubrique poésie dans une revue littéraire à Douchanbé et publié plusieurs recueils de poésie. Elle a aussi réalisé de nombreux documentaires dont plusieurs sur l’Asie centrale.

s