Сүйүү

Kirghizistan

* "amour" en Kirghiz

Quelques précisions sur cette langue

Le kirghize ou qyrghyz (кыргыз тили, кыргызча, kırgız tili, kyrgyzça,قىرعىزچا, قىرعىز تىلى) est une langue appartenant au groupe des langues turques de la famille des langues altaïques. D’un point de vue typologique il s’agit d’une langue agglutinante. Il est parlé en Asie centrale, principalement au Kirghizistan (où il est la langue nationale), au Tadjikistan, au Xinjiang et en Afghanistan.
Le kirghize est parlé par environ 4 millions de personnes. On l’écrit au moyen de l’alphabet cyrillique, auquel trois lettres ont été ajoutées, mais le kirghize est parfois écrit en utilisant l’alphabet arabe, lui aussi complété. Entre 1928 et 1940, le Kirghizistan a adopté l’alphabet latin, qui reste d’un usage très sporadique.

Quelques références littéraires et cinématographiques

 

CINEMA 

Le Kirghizstan (Kirghizistan ou Kirghizie), l’une des cinq républiques d’Asie centrale de l’ex-URSS, acquiert l’indépendance en 1991 et reste un pays mal connu. Le cinéma Kirghize émerge assez tardivement, il voit réellement le jour au moment où le cinéma soviétique sort de sa longue nuit stalinienne. Dans les années 1960 le cinéma Kirghize se révèle par des documentaires signés Tolomouch Okeev, Bolotbek Chamchiev et Melis Ouboukeev, qui passeront plus tard à la fiction. Nombreux sont les réalisateurs soviétiques d’origine kirghizes qui s’inspirent de l’œuvre de l’écrivain Tchinguiz Aïtmatov, traduit dans une dizaine de langues dont le français.  Les films comme le Premier maître d’Andreï Konchalovsky et le ciel de notre enfance de Tolomouch Okeev, vont contribuer à faire connaître les paysages et les mœurs de ce petit pays méconnu. Entre 1970 et 1980 les films d’Okeev et de Chamchiev sont inconnus à l’étranger, il faut attendre la rétrospective organisée par le festival des Trois Continents à Nantes en 2001 sur les cinémas du Kirghizstan et du Kazakhstan. Les années 1990 voient la montée d’une nouvelle génération de cinéastes tel qu’Aktan Abdykalykov qui va figurer dans la programmation internationale avec des courts métrages comme La Balançoire qui obtient un Léopard d’or au Festival du court-métrage de Locarno. Il continuera sur sa lancée avec le long-métrage Le fils adoptif (1998) et Le Singe (2001). D’autres cinéastes se distinguent tels Bakhit Karagoulov qui adapte la nouvelle Une journée plus longue qu’un siècle, d’Aïmatov. Mais le manque de moyens incite les cinéastes kirghizes à chercher des fonds étrangers notamment en France, en Italie et en Suède. Depuis 2006, un renouveau du cinéma kirghize voit le jour avec plusieurs longs-métrages parmi lesquels on peut citer Un amour éternel d’Adilet Akmatov, L’Amour de la fille du ministre de Roustem Atachev, Boz Salkyn d’Ernest Abdyjaparov, Chants des mers du sud de Marat Saroulou.

 

UNE TRAVERSEE DIFFICILE (LES MONTAGNES BLANCHES)

MELIS OUBOUKEEV (1964)

Ch. Kobeguenov, A. Abaeva, B. Kydykeeva, M. Ryskoulov, B. Beïchenaliev, B. Jarikov

Ce film reflète les conséquences de la tragédie de 1916, suite à la révolte des kirghizes contre les oppresseurs tsaristes. Les Cosaques seront chargés d’appliquer une répression terrible, nombreux sont ceux qui se sauvèrent vers les montagnes en Djoungarie. Le jeune Moukach est de retour en Kirghizie après l’avènement de la Révolution au Turkestan. En ville, il fait la connaissance de la famille d’Ououljan, dont la mère est aveugle. Elle doit être mariée à un riche commerçant, mais Ououljan, avec la bénédiction de sa mère, s’enfuit avec Moukach. Mais, rattrapés, Moukach périt en sauvant sa bien-aimée.

 

DOLINA PREDKOV (LA VALLEE DES ANCÊTRES)

KADYRJAN KYDYRALIEV (1989)

Darkoul Kouïoukova (Saïkal), Rassoul Oukatchine (Saky) Mouktar Bakhtyguireev (Tchoro)

Un village situé au cœur des montagnes semble voué à l’abandon. Cependant quelques êtres, profondément attachés à leur terroir, décident de ne pas le quitter : la vieille Saïkal y poursuit les traditions, la veuve Zaoura et le jeune Saky, sont tentés d’aller vivre dans les villages du piémont. Saky part, avec leur unique chameau, à la recherche d’une fiancée qui accepterait de vivre là-haut. Le cinéaste met en scène cette histoire avec poésie et montre combien le peuple kirghize vit en harmonie avec la nature.

 

BESHKEMPIR (LE FILS ADOPTIF)

AKTAN ARYM KUBAT (noir et blanc et couleur, 1998)

Récompensé par de nombreux prix dont le Léopard d’Argent au Festival International de Locarno, Prix du jeune cinéma pour Mirlan Abdykalykov au Festival International de Singapour, mention spéciale du Prix FRIPESCI pour le réalisateur

Mirlan Abdykalykov (Azate « Beshkempir »), Adir Abilkassimov (Adyr), Bakit Dzhylkychiev (Bakyt), Albina Imasheva (Aïnoura), Mirlan Cinkozoev

Le cinéaste, d’abord connu sous le nom de Aktan Abdykalykov, opte pour le nom d’Aktan Arym Kubat, un nom composé de celui de son père biologique et de celui de son père adoptif. Le jeune Azate grandit insouciant dans le village montagneux de Bar-Boulak rythmé par les travaux des champs et les séances de cinéma ambulant en plein air. Il est choyé par les siens et fait les quatre cents coups avec sa bande de copains, avec qui il joue à se rouler dans la boue, à plonger dans la mare, à tenter de déloger de abeilles de leur ruche. Quand arrive les premiers émois amoureux Azate partage une complicité avec la belle Aïnoura. Jaloux son ami Ketine l’injurie sciemment et lui lance, Beshkempir ! Beshkempir signifie cinq vieilles femmes. Atterré, Azate comprend qu’il a été adopté.

L’adoption est une tradition ancestrale au Kirghizstan. Au cours d’une cérémonie rituelle, une famille nombreuse offre un enfant sevré à un couple stérile et cinq vieilles femmes lui servent de marraines. Azate parviendra-t-il à surmonter cette révélation qui le bouleverse ? Pour lui c’est la fin de l’enfance, il découvre que la vie ne se résume pas à jouer, commence la saison des interrogations, des amours… Le Fils adoptif (Beshkempir) a été coproduit par le Kirghizistan et la France.

 

BOZ SALKYN (PURE COOLNESS)

ERNEST ABDYJAPAROV (2007)

Prix Nika du meilleur film de la CEI et des pays baltes

Asem Toktobekova (Asema), Tynchtyk Abylkasymov (Sagyn), Siezbek Iskenaliev (Murat), Elnura Osmonalieva (Burma)

Ce film se réfère à une autre tradition ancestrale chez les kirghizes, l’enlèvement des épouses par la famille du prétendant, une coutume qui perdure encore. Asema, une jeune citadine, se rend chez elle avec Murat, l’homme qu’elle veut épouser. Ses parents protestent mais, bien décidée, elle part avec celui-ci dans son village natal pour rencontrer ses futurs beaux-parents. Mais Murat est volage et après une série imprévisible de péripéties, entre amour et trahison, Asema est choisie par erreur, enlevée et mariée contre son gré au jeune berger Sagyn. Malgré tout elle apprend à connaître, même peut-être à aimer, son mari et au fil des jours elle se familiarise avec bonheur à ce nouvel environnement, au cœur des majestueuses montagnes kirghizes. Même si les jeunes mariés mènent finalement une vie épanouie, le cinéaste pose le problème de la coutume rurale et séculaire de l’enlèvement des épouses.

 

PESNI JUZHNYKH MOREJ (CHANT DES MERS DU SUD)

MARAT SARULU (2008)

Prix du public au Festival des Trois Continents de Nantes en 2008

Vladimir Yavorsky (Ivan), Dzaidarbek Kunguzhinov (Assan), Irina Agejkina (Maria), Ajzhan Ajtenova

Quand Maria met au monde un enfant brun aux yeux bridés, alors qu’elle et son mari sont russes et blonds comme les blés, la naissance de ce petit garçon interpelle Ivan son mari. Ce dernier se persuade qu’Assan, son voisin kazakh, est l’amant de sa femme. La relation des deux hommes, jusqu’ici courtoise, va s’envenimer, s’embraser. Pendant quinze ans la suspicion engendre une haine silencieuse. Comme leurs ancêtres, ils sont différents, mais ils vivent ensemble sur les mêmes terres. Marat Sarulu, cinéaste kirghize, révèle à travers ses personnages la culture multi-ethnique où il a lui-même vécu. A travers ce film inspiré, il montre la richesse et la complexité d’une société mixte où chacun a besoin de savoir d’où il vient. Les deux hommes d’origine différente, russe et kazakh, sont issus d’une mixité religieuse, chrétienne et musulmane, et sociale car Yvan est confronté au mépris de sa belle-famille : n’étant pas cosaque comme sa femme, il est rabaissé au rang de moujik, un terme qui désigne une personne d’une classe sociale inférieure. Quand Sacha, le fils d’Yvan, décide de s’enfuir de la maison familiale pour aller vivre en pleine nature avec des chevaux, sa décision déclenche chez son père et chez Assan une période d’introspection qui les conduit à retrouver leurs racines.

 

LITTERATURE

En novembre 2012 Bichkek, la capitale kirghize, accueillait le premier festival dédié à la littérature d’Asie centrale. Malgré la concurrence importante, nous rapporte la revue Novastan (média franco-allemand consacré à l’Asie centrale), « les Kirghiz sont arrivés parmi les trois premiers de chacune des catégories. La deuxième place dans la catégorie « Œuvre littéraire » a été remportée par Alexandre Zelinchenko, historien et romancier kirghiz, tandis qu’Alex Sidore est arrivé troisième dans celle consacrée aux traductions. Dernièrement, un autre écrivain kirghize, Artem Khegaï, s’est vu décerné le premier prix d’un concours littéraire international organisé à Moscou. Si Tchinguiz Aïtmatov (1928-2008) est considéré comme la figure tutélaire de la littérature kirghize, des auteurs contemporains proche de son héritage – tels que Omor Soultanov ou Mousa Mourataliev – ont continué à faire rayonner la littérature kirghize dans l’ex-Union soviétique et à l’étranger. L’auteur Ioulia Eff a de grands espoirs pour les nouvelles générations, mais elle s’inquiète de voir disparaître les initiatives pour promouvoir la littérature dans le pays : « L’un des seuls programmes littéraires ambitieux, créé sous l’impulsion de l’ancienne présidente kirghize Roza Atunbaeva, a été abandonné en 2013. Il permettait d’envoyer des livres par la poste dans les zones les plus reculées du territoire kirghiz », car transmettre le goût de la lecture et de l’écriture aux jeunes ne peut que les enrichir et les amener, pourquoi pas, à devenir les écrivains kirghizes de demain.

 

CONTES ET LEGENDES

Aventures merveilleuses sous terre et ailleurs de Er-Töshtük, le géant des steppes. L’épopée du cycle de Manas

(éd. Gallimard/Unesco, première parution en 1965, Collection Connaissance de l’Orient, 1989) Trad. Pertev Boratav

L’épopée de Manas est une œuvre littéraire monumentale, anonyme mais collective, issue de la tradition orale du peuple kirghize, qui vit en symbiose avec la nature. Apparue en Asie centrale dans le massif du Tian Shan « les Monts Célestes », cette œuvre épique nous renseigne sur les traditions, les mœurs et la vie quotidienne des Kirghizes qui, avant de s’installer sur les hauts plateaux de l’Asie centrale, vivaient plus à l’Est dans l’actuelle République populaire de Mongolie. A la fin de sa vie Manas, le héros principal, s’explique sur le sort qui lui était prédestiné :

« J’ai été le khan pendant quarante-deux ans.
Ayant réuni des milans, je les ai transformés en faucons.
Ayant réuni des esclaves, je les ai transformés en un peuple,
Ainsi, j’ai créé une nation unie et puissante de vagabonds ».

 

Quand il meurt, l’épopée va se poursuivre. Son fils, Semetei et son petit-fils Seitek deviennent ses disciples. Le récit d’Er-Töshtük (13000 vers) fait partie de l’épopée de Manas. Er-Töshtük se retrouve prisonnier sous terre, mais doté d’un cheval ailé il poursuit un grand rêve, retrouver ses huit frères disparus.

Du fait de son volume, l‘épopée demandait plusieurs jours pour être entendue, d’où l’apparition de conteurs Les Manaschis, dont la vocation leur serait venue en songe à la manière des chamans. Au fil des siècles ils ont enrichi ou altéré les récits qui se contaient à l’occasion d’événements familiaux (fêtes de la puberté, mariage, naissance), de la vie des villages (nadam, foires, assemblées)

La tradition de la poésie orale – tirée notamment de l’épopée de Manas, véritable encyclopédie des mœurs kirghizes – se perpétuent grâce à des manastchis célèbres, comme Saïakbaï Karalaev (1894-1971) et Kaba Atabekov (1926-2008) considérés comme les derniers grands représentants.

 

NOUVELLE, ROMAN

TCHINGUIZ AÏTMATOV (1928-2008)

Né en 1928, Tchinguiz Aïmatov a publié ses premiers récits à l’époque où il travaillait à l’Institut agricole de Kirghizie. Quand son père, haut fonctionnaire, meurt en 1938 victime de la terreur stalinienne, il est âgé de dix ans et doit retourner dans son village natal où il découvre la vie pastorale traditionnelle au cœur des montagnes kirghizes. Il travaille au Kolkhoze et, dès l’âge de 14 ans, il devient secrétaire du soviet de son village, il grandit en étant bilingue (russe et kirghiz), et traduit en russe des œuvres d’écrivains kirghizes.  Il termine ses études littéraires à Moscou, traduit en russe des œuvres d’écrivains kirghizes, écrit d’abord en kirghiz et en 1958 il publie Djamilia, un roman qui lui apporte une notoriété soviétique et européenne. Dans les années 1960 Aïmatov entame une carrière officielle, devient directeur de l’Union des écrivains et son œuvre est couronnée de plusieurs prix. Il reçoit le Prix Lénine en 1963, pour son recueil « Nouvelles des montagnes et des steppes ». A partir de 1970 il écrit son œuvre romanesque en russe puis, à l’avènement de Gorbatchev, il est nommé rédacteur en chef de la revue Littérature étrangère, et en 1990, il est promu ambassadeur au Luxembourg. Ses principales œuvres ont été traduites en français (Djamilia, Adieu Goulsary, Il fut un blanc navire, Une journée plus longue qu’un siècle, les rêves de la louve)

Mon petit peuplier

(éd. Les Editeurs français réunis, 1864) Trad. A. Dmitrieva et Nina Branche

Deux amants, Assel et Ilias, et leur fils Samat vivent heureux jusqu’au jour où le héros a une liaison fortuite avec une femme qu’il n’aime pas. Leur bonheur s’en trouve fragilisé, détruit et Ilias comprend à quel point il aimait Assel. Cette nouvelle d’un amour perdu est pleine de poésie.

Djamilia

Trad A. Dimitrieva et Louis Aragon (Denoël et d’ailleurs, 2001)

Seït, 13 ans, éprouve pour Djamilia, la femme de son frère parti à la guerre, une très vive affection, il saisira plus tard qu’elle a été son premier amour.  Ensemble ils font les foins et accomplissent toutes sortes de tâches agricoles, remplaçant les hommes absents. L’arrivée de Danïiar, un soldat convalescent, pendant la fenaison va bouleverser cet équilibre précaire…

Dans la préface Louis Aragon évoque une nouvelle de Rudyard Kipling, qui a pour nom La plus belle histoire du monde, et poursuit : « Alors, sur le point de dire de Djamilia ce que j’en pense, j’hésite et pourtant, oui, pour moi, c’est la plus belle histoire d’amour du monde. C’est pourquoi contre toute raison, arraché à tout ce qui m’accable, j’ai traduit cette histoire… Le récit de Djamilia, je l’ai dit, c’est un enfant qui nous le fait et pour lui la découverte de ce qui se passe dans l’âme du couple qui s’ignore encore, c’est aussi la découverte du sentiment même, c’est l’oaristys de l’esprit, tout est pour cet enfant à réinventer et voilà pourquoi il nous montre l’amour, comme un métal très pur, à l’état naissant. » (Louis Aragon)

Djamilia aimait aussi chanter (…) sans honte devant les aînés. Tout cela bien sûr, ne correspondait guère à la représentation conventionnelle qu’on se faisait à l’aïl (village) de la conduite d’une bru en famille (…) Quand Djamilia riait, ses yeux d’un noir tirant sur le bleu, en forme d’amande, s’allumaient d’une jeune ardeur, et quand elle se mettait soudain à chanter les couplets salés de l’aïl, dans ses beaux yeux apparaissait un éclair non virginal.

 

POESIE

Chants du toit du monde

Rémy Dor (éd. G.P Maisonneuve et Larose, 1982)

Dans son introduction Rémy Dor nous dit : « Parmi les peuples de tradition orale, les Kirghizes ont – dès la publication de Radloff au siècle passé – attiré l’attention des spécialistes par la richesse de leur orature, et surtout l’épopée de Manas, gigantesque fresque retraçant l’émergence de la nation kirghize (…). La progression des conquêtes russes en Asie centrale, ne leur laissait pas d’autres choix que de s’enfoncer au cœur des montagnes pour préserver leur indépendance. » Ils atteignent le Pamir qui sera, en 1895, selon un accord anglo-russe scindé en trois zones : russe, afghane et chinoise. Les Kirghizes s’habitueront à leur nouvelle vie et à la réduction de leurs pâturages.

Dans ce recueil les chants sont regroupés en chants épiques et hikâye, chantefables, chants lyriques, chants narratifs, chants de cérémonies et circonstances diverses.

III Chants lyriques

Maudite sois-tu, toi que je désire !

Maudite sois-tu, toi que je désire,

Belle aux yeux noirs, ma raison de vivre !…

Jamais ne s’épuisera mon désir !

Quand elle porte son collier de corail,

Celle que j’appelle ma beauté,

Son Ami la convoite et la désire.

Si j’embrasse ses yeux noirs,

Ma courge se déploiera-t-elle

Ma tige s’allongera-t-elle ?

Ma gorge s’assèche de désir !

Quand tu sors dans le campement en longs vêtements,

Faisant saillir ta poitrine de mouflonne,

O ma beauté au vif esprit

Je marche taciturne, sans pouvoir t’exposer ma requête.

Quand tu sors dans l’enclos en longs vêtements,

Faisant saillir ta poitrine de brebis

O ma jeune et brune beauté

Je marche taciturne, sans pouvoir porter la main sur toi.

La fleur rouge de mon hivernage,

Est-ce le stipe qui pousse dans la montagne ?

Celui qui s’est embrasé au feu de ta grâce,

Celui qui souffre, est-ce le jouvenceau solitaire ?

La fleur verte de mon estivage,

Est-ce le stipe, qui pousse en couvrant les versants ?

Celui qui s’est embrasé au feu de la souffrance que tu causes,

Celui qui a du chagrin, est-ce le jouvenceau solitaire ?

Celui qui s’est embrasé au feu de ta grâce,

Celui qui souffre, est-ce le jeune homme, est-ce le jouvenceau solitaire ?

Ma beauté n’est-elle pas une jeunesse épanouie comme la pleine lune ?

Quand tu sors au clair de lune, te déhanchant

Faisant saillir ta poitrine de mouflonne,

Te déplaçant gracieusement comme une mouflonne

O ma beauté au vif esprit,

Celui qui expose sa requête ne peut estimer ta valeur :

Il ne retrouve plus ses esprits !… (…)

 

Mastana

Traversant les rivières, piétinant les cailloux (des chemins),

Franchissant de nombreux cols

Je parcours l’Alay et m’y installe pour l’été.

Parmi le peuple j’ai vu bien des jeunes files

De votre âge, ma Mastana,

Mais celles que j’ai vues parmi le peuple

Ne vous ressemblent pas, ma Mastana !

Quand je chante Mastana,

Les larmes ne cessent de couler de mes yeux.

Tu es limpide, ô Mastana,

Précieuse émeraude dans un écrin blanc !

Tu es majestueuse, ô Mastana

Plus que la totalité des anges !

Devant ton seuil est le pas de la porte.

O Mastana, intelligente et altière !…

Les liens de ta jolie yourte neuve,

Usant de ruse, fais semblant de les attacher :

Qu’ils se détache sans que je les touche,

Que se réalise le désir

Du jeune homme qui viendra dans le collier de tes bras.

(Si je vivais) devant ton seuil,

Je deviendrais ton maître, Mastana.

Si j’étais sur ta blanche figure,

Je deviendrai ta poudre de riz, Mastana.

O Mastana, tu es ma soie,

Mon tissu de haut prix !

O Mastana, tu es le joyau

Du regard de mes yeux !

O Mastana, tu es ma mosquée,

Quelqu’un de sacré pour moi !

O Mastana, tu es mon candi,

La douce parole qui fond dans ma bouche !

O Mastana, tu es mes doigts

Qui s’agitent dans ma main !

O Mastana tu es ma forteresse

Que le ciel dépasse avec peine !

Cet été estivons dans l’Alay :

Qu’en dis-tu, Mastana ?

Si nous nous aimons dès notre jeunesse

Demanderas-tu plus encore, Mastana ?

Tes intentions sont droites

Ton dessus de coiffe a glissé

Elle le remet en place, Mastana !

O mon amie que j’aime, voilà où nous en sommes !…

Considère et résous (notre problème), Mastana !

Joignons-nous à une caravane

Et partons au-delà de Samarkand !

Sacrifions-nous l’un à l’autre, que faire d’autre ?…

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