אהבה

Israël

* "amour" en Hébreu

" Je t'aime "
Quelques précisions sur cette langue

L’hébreu est une langue appartenant à la branche centre-nord de la famille des langues sémitiques du groupe cananéen. Elle est étroitement apparentée au phénicien et aux langues araméennes ainsi qu’à l’arabe. Elle compte plus de 8 millions de locuteurs en Israël et en diaspora. L’hébreu est l’une des deux langues officielles de l’État d’Israël, avec l’arabe.

Quelques références littéraires et cinématographiques

ISRAËL

Le cinéma d’Israël est resté longtemps méconnu en France, en raison notamment des difficultés liées à sa diffusion. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec un cinéma israélien qui se porte bien, offre une production éclectique, de la comédie au drame en passant par le documentaire, le thriller politique et le film d’animation, et remporte de nombreux prix dans les festivals internationaux. La France soutient le cinéma d’art et d’essai et plusieurs coproductions franco-israéliennes ont vu le jour depuis ces dernières années. Le pays compte une quinzaine d’écoles de cinéma, un chiffre très élevé si on le compare au nombre d’habitants (plus de 8 millions) de l’État d’Israël. Si le cinéma israélien remonte aux années 1920, le premier film de fiction Oded l’errant date de 1933. C’est cette période des années 1930 qui marque le début de la première partie (1932-1978) du documentaire Une histoire du cinéma israélien de Raphaël Nadjari (2007, coproduit avec Arte France), que je vous invite à aller voir pour mieux comprendre la complexe et riche histoire de ce cinéma, et dont la deuxième partie est consacrée aux années de 1978 à 2007. Selon plusieurs spécialistes l’industrie du cinéma israélien peut se classer en deux grandes catégories jusqu’aux années 1990 : les films « pionniers » ou héroïco-nationalistes avec des protagonistes qui interprètent des personnages exemplaires, destinés à inspirer une vocation ou un engagement dans la cause sioniste. La mythologie sioniste a longtemps nourri l’imaginaire israélien et le cinéma était un moyen d’expression pour justifier et glorifier l’entreprise sioniste en Palestine, puis en Israël, en imposant le portrait idéal du pionnier israélien : le Sabra, l’Israélien né en Israël, descendant des pionniers ashkénazes (originaire d’Europe centrale et orientale), un homme dévoué à sa mission de soldat et de travailleur de la terre : « Ce portrait se voulait le contre-modèle absolu du juif religieux de la diaspora, incapable de se défendre et vivant replié sur lui-même dans un milieu hostile ». La seconde catégorie est celle des films populaires et comiques ou bourekas (années 1960-1970) qui proposent le plus souvent des allégories sur la tension ethnique entre séfarades et ashkénazes, deux communautés en conflit, qui se réunissent à travers de jeunes couples mixtes, le mariage symbolisant l’harmonie familiale communautaire. L’idée est de montrer à travers ces films que les différences culturelles et sociales de ces deux communautés disparaîtront avec la nouvelle génération, née en Israël, grâce principalement au mariage. Dans les années 1990 le cinéma israélien traverse une crise avec le gel du budget et, pour la première fois depuis les années 1970, la production passe à moins de dix films par an. Ce constat va inciter le milieu à réagir. Katriel Schori (directeur du Fonds du cinéma israélien), et le producteur Marek Rosenbaum, rejoints par un groupe de cinéastes, lancent un mouvement destiné à sensibiliser le gouvernement. Au bout de deux ans de lutte, ils obtiennent gain de cause en 2000 avec une augmentation du budget alloué au cinéma, insuffisante certes, mais qui permet de relancer la production israélienne. À cette époque le thème religieux, qui avait jusqu’alors été peu abordé dans le cinéma israélien, va devenir un thème important, il permet de découvrir des aspects de la vie quotidienne, « vue de l’intérieur », et restés méconnus jusqu’à cette époque. Cette vague religieuse démarre avec Kadosh d’Amos Gitaï qui dénonce les travers d’une communauté ultra-orthodoxe face au mariage. Parallèlement on assiste à l’essor du cinéma indépendant avec de jeunes cinéastes qui décident de tenter l’aventure avec leurs propres moyens et, depuis 2010, une dizaine de films indépendants sont produits chaque année. On assiste aussi à l’émergence importante de plusieurs réalisatrices qui, avec leur propre sensibilité féminine, vont s’imposer dans le paysage du cinéma israélien contemporain. Citons entre autres Keren Yedaya, qui remporte la Caméra d’or au Festival de Cannes en 2004 avec Mon trésor, Ronit Elkabetz qui réalise avec son frère Shlomi Prendre femme (2004) et remporte en 2004 le Prix du public au festival de Venise, et très récemment Elite Zexer, qui avec son film Tempête de sable (2016), connaît déjà un vif succès international. À propos des réalisatrices qui, durant cette dernière décennie, sont plus présentes dans le documentaire que dans la fiction, Ronit Elkabetz disait : « Dans une société militaire marquée par une tradition guerrière, les femmes ont encore du mal à se placer au centre des décisions ; néanmoins avec le temps les choses progressent. » Depuis les années 2010 de jeunes cinéastes israéliens n’hésitent pas à s’attaquer à des sujets tabous et à présenter à travers leur filmographie les multiples facettes de la société israélienne, une occasion aussi pour eux de porter un regard critique sur celle-ci. Il est vrai qu’au fil des époques, on retrouve une même constante dans le cinéma israélien : il ne fait, évidemment, presque jamais abstraction du contexte géopolitique comme on peut le voir dans des films tels que Valse avec Bachir, Jaffa ou encore La Fiancée Syrienne.

 

CINÉMA                                     

LEAT IOTER (PLUS LENT)

AVRAHAM HEFFNER (CM noir et blanc, 1968)

Adaptation de la nouvelle L’âge de discrétion de Simone de Beauvoir

Fanny Luvitch, Avraham Ben-Yossef

Un vieux couple ravive des querelles anciennes, elles reflètent le temps qui passe, la complexité et la confusion des sentiments.

MATZOR (SIÈGE)

GILBERTO TOFANO (noir et blanc, 1969)

Sélectionné compétition longs-métrages au Festival de Cannes en 1969

Gila Almagor (Tamar), Yehoram Gaon (Eli), Dan Ben Amotz

La veuve de guerre, un sujet difficile particulièrement sensible et complexe à traiter dans le cinéma israélien, est abordé ici par un cinéaste italien. C’est l’histoire douloureuse de Tamar, une jeune veuve, dont le mari est mort pendant la Guerre des Six Jours. Des amis sympathisants l’entourent et l’incitent à rester confinée dans son rôle de veuve et à vouer sa vie à la mémoire de son époux. Quand, plus tard, elle rencontre un homme elle aimerait pouvoir tourner la page de ce drame, et aimer à nouveau. Mais Tamar se retrouve prisonnière d’un cercle familial qui n’est pas prêt à accepter l’idée qu’elle puisse prétendre refaire sa vie.

ANI OHEV OTACH ROSA (ROSA JE T’AIME)

MOSHE MIZRAHI (1972)

Michal Bat-Adam (Rosa), Gabi Oterman (Nissim, jeune), Yosseph Shiloach (Eli), Avner Hizkiyahu (Rabbi), Levana Finkelstein (Jamila)

Nous sommes dans les années 1880. Rosa, une jeune veuve, vit au cœur du vieux Jérusalem, dans une famille très conservatrice où les lois très strictes de la religion juive doivent être respectées. Elle a recueilli chez elle Nissim, le jeune frère encore adolescent de son mari, qu’elle devra, selon la tradition juive – le yibboum ou lévirat : le frère d’un homme mort sans enfant est tenu d’épouser sa belle-soeur afin d’assurer une descendance symbolique au défunt – épouser plus tard. Le cinéaste s’attache à montrer met les liens, souvent ambigus, qui peuvent se nouer entre une femme et un adolescent, d’abord, et entre un homme et une femme plus tard. Que fera cet enfant, arrivé dans la vie de Rosa à l’âge de onze ans, à l’âge adulte. Décidera-t-il de l’épouser ou de la libérer ?

HAGIGA LA’ ENAIM (SAINT COHEN)

ASSAF DAYAN (1973)

Yossef Shiloach, Avner Hizkiyahu, Talya Shapira, Moscko Alkalai

Fils de Moshe Dayan, Assaf Dayan (1945-2014) ou Assi Dayan, acteur, scénariste, producteur et réalisateur, nous raconte ici une bien curieuse histoire, celle d’un poète pris à son propre piège : le suicide. L’histoire est celle d’un poète célèbre qui, quand il décide de mettre fin à ses jours, a à chaque fois de bons amis ou les habitants de sa commune qui le sauve. Quelques jours après sa dernière tentative débarque une ancienne maîtresse du poète qui réussit à faire accepter l’idée, pour le moins étrange mais probablement guidée par un ressentiment, que le suicide du poète pourrait être bénéfique pour la cité. Elle s’en explique ainsi : sa mort pourrait être une opportunité pour redynamiser la ville qui deviendrait un lieu dédié à la mémoire du poète, avec un centre culturel et des retombées économiques. La municipalité adhère à cette idée, imagine et organise avec soin le suicide du poète mais, entre-temps, celui-ci s’est épris d’une jeune fille et refuse de coopérer. Ce nouvel amour le sauvera-t-il ? Il tente de prendre la fuite, cette fois-ci pour sauver sa peau, mais sa tentative échoue à nouveau suite à l’intervention des gens de la ville.

MICHAEL SHELI (MON MICHEL)

DAN WOLMAN (1974)

Inspiré d’une nouvelle de Amos Oz – Efrat Lavi (Hanna), Oded Kotler (Michael)

L’histoire se déroule dans les années 1950 à Jérusalem, une ville où les cours fermées représentent chacune un univers clos dont : « l’âme est scellée par des murailles de pierres ». Hanna, qui a épousé Michael, un scientifique sympathique, intelligent et bosseur, déchante vite de son union. Elle a une vive sensibilité doublée de désirs brûlants. Dans son enfance elle rêvait au mariage et quand elle y pense aujourd’hui elle constate le vide que procure un mariage insatisfait. Devenue une petite bourgeoise, elle se laisse aller à des caprices, tente de lutter contre ses fantasmes et d’accepter sa vie insipide. Une comédie musicale qui a connu un vif succès en Israël.

ESKIMO LIMON (JUKE BOX, LEMON POPSICLE)

BOAZ DAVIDSON (noir et blanc /couleur, 1977)

Nominé au Golden Globe Award du Meilleur film étranger

Yiftach Katzur (Benz), Anat Atzmon, Jonathan Segal (Momo), Zachi Noy, Dvora Kedar, Ophelia Shtrall (Stella), Menashe Varshavsky

Tel-Aviv dans les années 1960. Benz, Momo et Yudale font parti d’un groupe d’adolescents. Quand la jolie Nili arrive dans leur école, Benz tombe amoureux d’elle mais elle lui préfère Momo. Comme tous les jeunes ils aiment sortir et s’amuser. La radio bat son plein, après l’école ils filent au cinéma, se retrouvent dans des boums, chez le marchand de glace etc. Quant à leurs parents, qui appartiennent à la génération des pionniers, ils suivent leurs idéaux. Mais leurs enfants font partis de ces jeunes gens exaspérés par leurs discours sur la politique et la difficulté de la vie due au conflit israélo-palestinien. Ils ont des préoccupations de leur âge : vivre des expériences amoureuses, un premier amour…

LENA

EITAN GREEN (noir et blanc, 1981)

Fira Kanter (Lena, prix d’interprétation au Festival d’Orléans), Dov Gluckman, Boris Svidansky

La vie sentimentale de Lena est un drame. Elle fait partie des russes juifs qui ont émigré en Israël, mais son mari n’a pas eu cette chance, il est resté emprisonné en Russie. Elle tente de le faire libérer, organise des grèves et des manifestations pour attirer l’attention, l’empathie du public et celle de la presse. Lena se décide à apprendre l’hébreu et, à cette occasion, elle se sent troublée par son professeur. Elle continue néanmoins à mener son action pour faire libérer son mari, mais tout se complique pour elle quand les liens avec son professeur se resserrent et qu’elle s’éprend de lui. Sa vie publique et sa vie intime s’entrechoquent et l’image que l’on commence à avoir d’elle lui pèse de plus en plus. Son attitude provoque des tensions dans sa famille et dans la communauté russe israélienne. Pourquoi, avec un mari emprisonné très loin, et un amant israélien tout proche, ne pourrait-elle pas envisager de refaire sa vie ? Mais ce nouvel amour, son désir de mettre fin à ses tentatives vaines de soutien à son mari et l’espoir de commencer une nouvelle vie, composent sa tragédie.

HAMSIN

DANIEL WACHSMANN (1981)

Shlomo Tarshish, Yasein Shawaf, (Malka) Hemda Levi (Hava)

Ce film a fait polémique en Israël. Le réalisateur Daniel Wachsmann, un juif israélien, pose un regard critique sur les relations entre Juifs et Arabes en Israël, qui forment à ses yeux un cercle de peur, de haine et de violence. Il montre aussi la difficulté d’accepter l’autre et d’entretenir une fraternité simple et positive. Son film traite de deux sujets brûlants : les terres confisquées aux Arabes par les Juifs dans un ville agricole de Galilée et la relation amoureuse entre Hava, une jeune femme juive, et Halled, un ouvrier arabe très dévoué, qui travaille pour le fermier Gedalia et l’aide à réaliser son rêve de construire une ferme sur une terre héritée de son père.

Le hamsin, un vent chaud qui souffle du désert d’Arabie, évoque ici une métaphore, celle des forces incontrôlables qui soufflent tout sur leur passage. Les Juifs sont présentés comme des gouverneurs avides qui veulent bien que les Arabes soient leurs ouvriers, mais sans se mêler à eux. Dans certaines parties de Galilée, les Arabes sont en plus grand nombre que les Juifs et, depuis les années 70 – lorsque le gouvernement a confisqué ces terres pour y construire de nouvelles colonies juives -, la question foncière reste un sujet de tension et la cause de nombreuses émeutes arabes. La relation amoureuse entre Hava et Halled va pousser la situation à son paroxysme. Gedalia, le frère d’Hava, n’accepte pas la relation de sa sœur avec un Arabe.

AHAVA RISHONA (LE PREMIER AMOUR)

UZIEL PERES (1982)

Gita Almagor (Ziva), Yeftah Katzour, Debby Hess, Hana Goldblatt, Ori Levy

Lors d’un dîner raffiné et familial dans un bel appartement de Tel-Aviv, la situation va-t-elle tourner au vaudeville ? Toute la famille de Moshe, le mari, Elyal, le fils, et Liora, la fille, sont réunis pour fêter l’anniversaire de Ziva, la mère qui a quarante ans. Soudain la situation se complique quand un ancien amoureux, toujours épris de Ziva, sonne à la porte. Les enfants font bloc pour éviter la désunion des parents. Le cinéaste analyse les réactions, les mœurs, les caractères et les sentiments de chacun. Si le film a un ton léger, il s’en dégage aussi un ton grave dans la confusion des sentiments.

TSLILA HOZERET (PLONGÉE PROFONDE)

SHIMON DOTAN (1982)

Doron Nesher, Liron Nirgad

Une unité d’élite d’hommes-grenouilles des Forces Armées Israéliennes, des jeunes à peine sortis de l’adolescence, risquent tous les jours leur vie en participant à des opérations périlleuses. Si dans leur vie professionnelle ils affichent témérité et bravoure, ils se révèlent en revanche fragile et ténébreux dans leur vie privée. Quand ils perdent l’un des leurs au combat, ils ressentent une blessure au plus profond d’eux mêmes. Quand Mira, la veuve de leur ami, vit une relation amoureuse avec Yoav, leur cher ami disparu, les réactions sont à vif. Le réalisateur est né en Roumanie et a grandi en Israël.

NAGUA (À LA DÉRIVE)

AMOS GUTMANN (1983)

Jonathan Sagalle, Ami Traub, Blanka Metzner, Dita Arel, Ben Levine, Boaz Torgemann, Mark Hassmann

Film sur l’homosexualité, premier long-métrage d’un jeune réalisateur israélien qui à l’époque aborde un sujet rarement traité en Israël.

 

KADOSH

AMOS GITAÏ (1999)

Yaël Abecassis (Rivka), Yoram Hattab (Meir), Meital Barda (Malka), Yussuf Abu-Warda (Rav Shimon), Sami Hori (Yaakov)

Dans ce film, présenté en sélection au Festival de Cannes en 1999, Amos Gitaï dénonce une communauté ultra-orthodoxe, conservatrice et patriarcale, où la femme marginalisée apparaît comme un simple objet de reproduction. L’histoire se situe à Jérusalem, au cœur du quartier juif de Mea Shearim, où le rabbin est omniprésent et incarne à lui seul l’autorité spirituelle. Rivka aime Meïr, son mari, mais elle n’a pas réussi depuis dix ans à lui donner un enfant. Malka, sa sœur, est impatiente de rejoindre son bien-aimé Yaakov, qui a décidé de quitter la communauté à cause de sa rigueur insupportable. En effet, le rabbin intervient dans la vie de chacun et n’hésite pas à appliquer une loi archaïque et cruelle qui brise l’amour d’un couple sans enfant : il exige de Meïr qu’il répudie sa femme et se marie avec Haya. Quant à Malka il lui destine un mari, son assistant Yossef. Si Rivka se réfugie dans le silence et la prostration, Malka n’a pas l’intention d’obéir et elle décide qu’il est temps pour elle de se rebeller…

MARIAGE TARDIF

DOVER KOSASHVILI (2001)

Lior Louie Ashkenazi (Zaza), Ronit Elkabetz (Judith)

Avec ce premier long-métrage Dover Koshashvili signe une comédie enlevée et pleine d’humour, mais aussi douce-amère. L’histoire est centrée sur un fils qui, amoureux, n’arrive pas à se libérer de son emprise familiale. Zaza, juif géorgien, aime Judith, une jeune femme marocaine, divorcée et mère d’une petite fille. Mais pour ses parents il doit suivre la tradition : épouser un fille de bonne famille, vierge bien sûr, et de préférence riche. Zaza est un célibataire tardif de 31 ans et sa famille se désespère de ne pas l’avoir marié. Ses parents se décident donc à prendre les choses en main et ils organisent des rendez-vous dans des familles où une future belle fille correspond à leurs critères. Mais Zaza à l’art de fuir les situations, de jouer à l’adolescent immature, au plaisantin, et ainsi il réussit toujours à échapper à des fiançailles et à des traditions qui l’étouffent. La présentation d’ Illana, une énième épouse potentielle, dont les parents reçoivent en grande pompe Zaza, est un des moments particulièrement drôles du film. L’art de l’esquive affichée par Zaza cache en réalité un drame révélé dans la deuxième partie du film. Zaza, ses parents l’ignorent, vit une passion avec Judith, une femme que sa famille n’acceptera jamais, d’où son comportement, une manière pour lui de préserver cet amour clandestin, sensuel et fort. Prisonnier de cette passion, sa situation devient de plus en plus délicate et il va devoir prendre une douloureuse décision : choisir de suivre les codes stricts imposés par la tradition familiale où les rompre pour vivre avec la femme qu’il aime. Le cinéaste à travers cette situation dénonce le mariage arrangé qui a toujours cours dans la société israélienne d’aujourd’hui.

Ronit Elkabetz (1964-2016), actrice célèbre du cinéma israélien, scénariste et réalisatrice, est décédée à 51 ans d’un cancer. Elle partageait son temps entre Israël et la France où elle avait joué notamment dans La Fille du RER d’André Téchiné et Cendres et sang de Fanny Ardant. Présidente du jury de la sélection parallèle du Festival de Cannes en 2015, son dernier rôle a été d’incarner à l’écran La Callas, la dernière année de sa vie.

 

THE SYRIAN BRIDE (LA FIANCÉE SYRIENNE)

ERAN RIKLIS (2004)

Hiam Abbass (Amal), M.J. Khoury, Clara Khoury (Mona), Asraf Barhom (Marwan), Eyad Sheety (Hattem), Evelyn Kaplun (Evelyna)

Cette histoire reflète le drame du conflit israélo-palestinien. Mona est sur le point de se marier et s’apprête, à priori, à vivre le plus beau jour de sa vie. Mais la réalité de la situation est tout autre : pour elle ce jour s’annonce comme le plus triste de sa vie. Mona, d’origine druze, habite le plateau du Golan, situé à l’extrême sud-ouest de la Syrie, occupé par Israël depuis 1967, où les Druzes, injustement séparés, tentent malgré tout de continuer à vivre. De plus, Israël refuse de reconnaître aux Druzes la nationalité syrienne et ces derniers refusent d’adopter la citoyenneté de l’envahisseur. Mona doit épouser une vedette de la télévision syrienne, qu’elle ne connaît pas, un mariage arrangé par ses parents qui espère ainsi la destiner à une vie meilleure. Les préparatifs de la noce ont lieu et pour la famille, ce doit être une fête. Mais Mona sait que quand elle sera mariée, elle ne pourra plus revenir chez les siens et que ce mariage signifie un adieu définitif à ceux qu’elle aime. Soutenue par sa famille, principalement par sa sœur aînée Amal, Mona se sent plus forte. Mais l’absurdité de la bureaucratie atteint son comble quand toute la famille se retrouve à attendre indéfiniment au poste frontière, bloquée quelque part entre Israël et la Syrie…

Le cinéaste – qui traite d’un sujet grave (soumission des femmes et drames de l’intolérance) en mêlant comédie et drame -, signe malgré tout une chronique dure mais chargée d’espoir : le réalisateur est israélien, et la scénariste est palestinienne. Eran Riklis explique s’être inspiré d’une histoire vécue : « Le projet de La fiancée syrienne est né après avoir été témoin en temps réel de l’histoire de cette fiancée coincée à la frontière. J‘étais là par hasard, en train de tourner Borders, un documentaire, et cette histoire s’est jouée sous mes yeux. Ne pouvant l’oublier, j’ai rencontré la famille druze de Mona »

L’actrice Hiams Abbas, qui a dans ses choix défié bien des tabous, confie : « J’ai fait des choses que la religion et que mes parents réprouvaient comme partir, comme me marier avec un homme d’une confession autre que la mienne, comme divorcer, comme devenir comédienne…»

TU N’AIMERAS POINT (EYES WIDE OPEN)

HAÏM TABAKMAN (2009)

Zohar Strauss, Ran Danker, Tinkerbell, Tzahi Grad

Aaron, un juif orthodoxe, marié à Rivka et père de quatre enfants, est très respecté dans sa communauté qui suit des règles très strictes – foulard pour la femme, couches de vêtements superposés sur la peau, codification de l’acte sexuel, strict respect de la moralité et des apparences – , vit cloitrée dans un quartier réservé de Jérusalem. Il mène une vie très rangée, sans histoire et c’est un bon père de famille. Un jour sa vie bascule : Ezri, un jeune et bel étudiant de 22 ans entre dans sa boutique, il cherche du travail et un logement. Aaron ressent en sa présence un trouble qui le bouleverse. Ezri étudie dans une école talmudique, Aaron lui propose de l’employer et de le loger dans sa boutique pour le dépanner. Commence une liaison, une passion clandestine qu’Aaron ne pourra plus maîtriser et, tout doucement, il se détache de sa famille, de la vie de sa communauté. Sa boutique, une boucherie, devient le lieu où s’abritent les deux amants. Mais, sans tarder, Aaron est rattrapé par la culpabilité, la rumeur, le scandale. Subissant les pressions de son entourage, il se trouve confronter à l’heure du choix : un vrai dilemme pour lui, car il aime sincèrement sa femme et Ezri. Aaron va-t-il choisir la rupture familiale et sociale ou renoncer à sa passion ? Jamais, expliquait le réalisateur au Festival de Cannes : « le mot homosexuel n’est prononcé au cours du film : dans le monde orthodoxe, cette notion est inconcevable ». Cet interdit amène à se poser la question : comment aimer différemment dans une société figée et dirigée par des religieux n’admettant aucune notion d’individualité et de désir ? On suit d’ailleurs en filigrane dans le film une autre histoire d’amour, hétérosexuelle cette fois-ci, mais réprimée elle aussi.

JAFFA

KEREN YEDAYA (2009)

Dana Ivgy (Mali), Moni Moshonov (Reuven), Ronit Elkabetz (Osnat), Mahmoud Shalaby (Toufik), Roy Assaf (Meir), Hussein Yassin Mahajneh (Hassan), Lili Ivgy (Shiran)

Keren Yedaya est une réalisatrice engagée qui n’hésite pas à affronter des sujets dérangeants, voire explosifs, à dénoncer les hypocrisies politiques, les mensonges et les contradictions de la société israélienne. L’histoire se situe au sein d’une famille qui vit à Jaffa, considérée comme la ville d’Israël où se côtoient le plus étroitement les deux communautés israélienne et arabe. Cette particularité remonte à 1948, époque où les Israéliens s’y installent et où les descendants des Arabes refusent de quitter leur ville. Dans un garage les propriétaires, de cette petite entreprise familiale assez harmonieuse, sont israéliens et les mécaniciens arabes. Tout le monde travaille dans une bonne entente, excepté quand Meir, le fils du patron, hautain et méprisant est là et qu’il prend un certain plaisir à malmener Toufik, l’un des employés qui, selon lui, à pour principal défaut d’être arabe. Quand Meir est chez lui, il plombe aussi l’ambiance en se querellant régulièrement avec sa mère. Quant à sa sœur Mali, elle entretient secrètement une liaison avec Toufik. Enceinte, il lui paraît impossible de se confier à sa famille et les amants ne voient pas d’autres solution que de tout quitter et de partir ensemble. Mais soudain surgit un drame : à la suite d’une violente altercation entre Meir et Toufik, Meir meurt accidentellement et son agresseur se retrouve en prison. Mali va rester vivre chez ses parents, sans jamais leur avouer que le père de l’enfant qu’elle porte, est celui qui est devenu l’assassin de son frère. Un film sensible et fort qui révèle un drame humain complexe.

OUT IN THE DARK (ALATA)

MICHAEL MAYER (2012)

Nicholas Jacob (Nimer), Michael Aloni (Roy), Loai Nofi (Mustafa), Khawlah Hag-Debsy (Hiam)

Le titre Alata, qui signifie « obscurité » en hébreu, se rattache probablement au fait que les protagonistes sont voués à vivre dans l’ombre, dans le secret. Dans ce premier long-métrage Michael Mayer  a choisi de relater une histoire dure et noire, celle d’un amour contrarié. Nimer, un étudiant palestinien réfugié clandestinement à Tel-Aviv, rêve de partir à l’étranger où, espère-t-il, l’avenir sera meilleur. Un soir il rencontre Roy, un jeune avocat israélien, l’étincelle s’allume et c’est le coup de foudre. Au fil des jours leur relation s’affirme, principalement quand Nimer obtient une carte de séjour temporaire pour étudier en Israël. Roy présente Nimer à ses parents, mais ce dernier ne peut en faire autant il est impossible pour lui d’afficher son homosexualité. Roy le prend mal, mais Nimer est confronté aux dures réalités de la communauté palestinienne qui le rejette, et de la société israélienne qui ne reconnaît pas sa nationalité. Sur fond de lutte familiale, politique et sociale, Nimer doit choisir entre son désir de partir et vivre libre ou son amour pour Roy. Rappelons que les homosexuels Palestiniens sont persécutés par les leurs dans leur propre pays, leur quartier, leur famille et qu’en Israël ils sont traqués et se trouvent dans l’impossibilité d’obtenir une carte de séjour légal. Il leur reste donc une seule option, partir vivre à l’étranger. Le cinéaste s’est engagé à traiter de front ce sujet qui touche encore aujourd’hui de jeunes palestiniens : « privés de liberté, condamnés au silence et qui risquent leur vie si leur homosexualité est découverte ».

LE PROCES DE VIVIANE ANSALEM

RONIT ELKABETZ et SHLOMI ELKABETZ (2014)

Ronit Elkabetz (Viviane Ansalem), Simon Abkarian (Eisha Ansalem)

Est-ce un film d’amour ? Non, mais ce film traite du délicat problème du divorce, un événement intimement lié à la vie conjugale. Dernier film de l’actrice et réalisatrice Ronit Elkabetz (1964-2016), voir ci-dessus, une femme engagée dont la filmographie est centrée, à travers des rôles féminins, sur la dénonciation du patriarcat dans la société israélienne. L’actrice a réalisé également avec son frère, Prendre femme et Les Sept jours, où apparaissait déjà le personnage de Viviane (joué par Ronit Elkabetz). Précisons qu’en Israël tout passe par le rabbin (mariage et divorce), deux actes qui n’existent pas d’un point de vue civil. Le procès de Viviane Ansalem illustre le drame d’une femme, mariée depuis une trentaine d’années, qui tente en vain de divorcer depuis trois ans. Mais pour divorcer il faut le consentement du mari et Elisha le lui refuse. Sans jamais désespérer elle relance l’affaire auprès du tribunal où les trois rabbins, chargés du dossier, ne lui facilitent pas ses démarches. De plus, ils n’entendent pas les raisons de sa requête : le désamour, la mésentente, l’usure d’une vie commune… Aucun de ces arguments n’est recevable pour eux. Les rabbins l’interroge : votre mari vous -a-t-il battue, a-t-il été infidèle, est-ce un piètre mari, avez-vous manqué de quelque chose ? Non, donc pourquoi vouloir divorcer ? Le couple vit séparé depuis trois ans, mais Viviane tient à reprendre sa liberté. Pour un tribunal rabbinique le mari a toujours raison même si celui-ci s’obstine dans son refus. Elisha campe dans sa position, par conviction religieuse et surement aussi pour punir Viviane de vouloir le quitter. Son refus de divorcer lui permet aussi de conserver un pouvoir sur sa femme, peu importe si elle est malheureuse.

LETTER OF AGREEMENT

MICHAL ZECHARIA (CM, 2017)                                                                                                                  

Un couple, marié de longue date vit l’épreuve de l’usure et du désamour. Ensemble ils participent à une réunion de groupe destinée à aider les couples en difficulté. On leur propose comme thérapie de refaire le voyage de leur jeunesse pour tenter de retrouver leur amour d’autrefois. Un court-métrage réalisé dans le cadre de l’Université de Tel-Aviv.

SUFAT CHOL (TEMPÊTE DE SABLE)

ELITE ZEXER (2016)

Grand prix au Festival de Sundance, six Ophirs (l’équivalent israélien des Césars) dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisatrice

Lamis Ammar (Layla), Ruba Blal-Asfour (Jalila), Haitham Omari (Suliman)

C’est l’histoire sensible d’une mère et d’une fille, d’une histoire d’amour et d’un mariage forcé qui se déroulent dans un village de bédouins au sud d’Israël dans le désert du Néguev. Le village est en effervescence pour célébrer le mariage de Suliman avec sa seconde épouse. Seule Jalila, sa première épouse, jalouse de cette intruse plus jeune qui arrive dans sa maison, n’a pas le cœur à chanter ou à danser. Durant l’absence de son mari parti en lune de miel, elle découvre que sa fille Layla vit secrètement une histoire d’amour avec un garçon rencontré à l’université. Ce dernier, qui n’appartient pas à la même tribu, est d’emblée rejeté par la mère qui interdit à sa fille de le voir. Layla, qui croit que son père la laissera l’épouser, est de toute façon bien décidée à vivre sa vie et à choisir l’homme avec lequel elle se mariera. Jalila, qui a accepté la seconde épouse imposée par la loi sans montrer sa colère, n’hésite pas à se rebeller avec virulence, à la grande surprise de son mari, quand celui-ci lui annonce qu’il a prévu un mari de leur tribu pour sa fille. Cet homme ne plaît pas à sa femme, il lui semble indigne de layla. La révolte de Jalila, une attitude très rare chez les femmes habituées à se taire et à tout accepter de leur mari, est risquée : elle peut provoquer la colère de son époux et entraîner sa répudiation, une terrible humiliation pour une femme. Layla veut conquérir son indépendance, s’affirmer, mais elle se sent aussi fragilisée par ce besoin de liberté. Elle se cherche, doute, s’interroge et c’est un des aspects sensible du film. Elle a vécue entourée de femmes qui ont toujours dit oui, non par conviction pour beaucoup d’entre elles, mais par devoir. Et elle, aujourd’hui, veut rompre avec ce monde clos enfermé dans ses traditions. A-t-elle raison de vouloir s’en libérer ? L’avenir hors de la tribu est une vraie inconnue et cette angoisse la freine… Elite Zexer qui a déjà, avec ce premier long-métrage, connu la reconnaissance du public confie, dans une interview au journal Le Monde, s’être inspirée de conversations avec sa mère qui lui a parlé de sa rencontre avec une jeune femme bédouine victime d’un mariage forcé. Quand sa mère lui a dit : « Cela n’arrivera jamais à ma fille » elle a su, dit-elle, qu’elle ferait un film inspirée de cette histoire () Je voulais que le film soit le plus juste possible et, en même temps, qu’il soit universel, qu’apparaissent les questions majeures : un premier amour, des parents séparés, les relations père-fille, mère-fille. »

 

LITTÉRATURE ISRAEL

La littérature israélienne rencontre depuis plusieurs décennies un succès important en France grâce aux nombreuses traductions dans notre langue. Israël, invité d’honneur du Salon du Livre de Paris en 2008, a eu une présence très remarquée avec 39 auteurs. Cette littérature très riche m’impose de faire des choix, aussi je vous présente les auteurs les plus connus du XXe siècle et ceux appartenant à la nouvelle génération des romanciers israéliens.

ROMAN

SAMUEL-JOSEPH AGNON (1888-1970)

Prix Nobel de littérature en 1966

Né en 1888 à Buczacz en Galicie, une province de l’Empire austro-hongrois, Samuel-Joseph Tchatchkes  signe, nous dit Gil Pressnitzer dans Esprit Nomades : « Son premier conte écrit en Israël dès 1908 – Agounot -, Les épouses abandonnées, une histoire d’amour tragique entre un jeune artisan et une fille de la bourgeoisie destinée à un autre. Pour la première fois, Tchatchkès prend le pseudonyme d’Agnon qui contient les trois lettres de la racine de Agounot, ce qui veut dire abandonné ou plus exactement âme en déroute qui n’arrive pas à rencontrer l’âme sœur. Et ce pseudonyme deviendra en 1924 son nom de famille officiel. » En 1913 il vit en Allemagne où il épouse Esther Marx et en 1915 il fait la connaissance de l’homme d’affaires et philanthrope Shlomo Zalman Schocken, une rencontre déterminante pour lui. Propriétaire des éditions Schocken Verlag, qui publient les meilleurs auteurs juifs de l’époque, Schocken devient rapidement son père spirituel. Décelant dans les écrits du jeune Agnon un talent prometteur, il décide de lui apporter son soutien financier et de lui donner de précieux conseils pour parfaire sa voie littéraire. Dès son enfance, il partage une existence rythmée par la prière, l’étude et les rites de la foi juive, il étudie la Bible et le Talmud, son père l’initie à la littérature juive traditionnelle et moderne, et sa mère à la littérature allemande. Ses premiers écrits d’ailleurs s’apparentent au néo-réalisme allemand. Pendant la première guerre mondiale il quitte la Palestine, où il vivait depuis 1907, pour se rendre en Europe notamment en Allemagne. En 1924 l’incendie à Bad Homburg, une ville d’eau en Allemagne, où sa bibliothèque et ses manuscrits sont détruits, le décide à rentrer en Israël. Il s’installe à Jérusalem dans le quartier de Talpiot où il vivra jusqu’à la fin de sa vie, dans une maison ouverte à la visite jusqu’à ce jour. Samuel-Joseph Agnon a laissé une œuvre aussi riche que diverse (romans, contes, nouvelles), couronnée par plusieurs prix littéraires (Israël, Bialik) où il évoque essentiellement « la déchirure entre le vieux monde juif et le monde moderne ». En 1966 il est le premier écrivain de langue hébraïque à recevoir le prix Nobel qu’il partage avec la poétesse juive allemande Nelly Sachs (1891-1970)

Bidmei Yamcha, À la fleur de l’âge

(éd. Gallimard 2003) – Trad. Laurent Schuman 

Une histoire d’amour considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’auteur et de la littérature. Tirtza est inconsolable depuis la mort de Léa, sa mère, décédée prématurément « à la fleur de l’âge ». Peu avant sa disparition, un matin, elle l’a vue se mettre devant la fenêtre pour lire des lettres qu’elle avait sorti d’un coffret fermé à clé dans son secrétaire : « Un peu avant le soir, elle ficela les lettres à l’aide d’un cordon et les porta à sa bouche pour un ultime baiser puis les jeta, avec la clef, dans le poêle. » Sa fille, qui l’avait vu brûler cette liasse de lettres  était poursuivie, obsédée par cette une image. Que signifiait son geste, pourquoi était-elle nostalgique, cachait-elle un secret ? Tirtza se lance dans des recherches pour tenter de comprendre. Elle se rapproche de Mintchy, la meilleure amie de sa mère, et lui fait part de son besoin de connaître des détails de sa vie qui pourraient l’éclairer sur ces mystérieuses lettres. Elle apprend que, jeune, sa mère à aimer Akavia Mazal, un intellectuel viennois, qui voulait l’épouser. Mais quand ce dernier a demandé la main de sa bien-aimée à son père, il refusa : « Je m’éloignai en ôtant l’anneau que Léa m’avait offert. Elle ne serait pas ma fiancée. Je sentis brusquement comme un courant d’air me pourlécher les doigts. » (Fin du Journal d’Akavia Mazal). Tirtza comprend alors le drame qu’a représenté cette rupture et la souffrance secrète de Léa. Elle saisit aussi combien le poids de la tradition peut influer sur le destin, elle découvre par la même occasion les affres de l’amour.

Une histoire toute simple

(éd. Albin Michel 1980) Trad. M. R. Leblanc

Ce roman est regroupé dans un recueil « Sur les poignées du verrou », un titre donné par l’auteur et provenant du célèbre chant d’amour biblique le Cantiques des Cantiques (v. 5), un choix qui montre l’importance que tient l’amour dans ce roman. L’histoire se situe en 1905 dans une bourgade de Galicie orientale. Hirshel, contraint par sa mère d’épouser une fille qu’il n’aime pas, comprend qu’il lui sera impossible de se marier avec la femme qu’il aime. Une histoire banale et simple, certes, mais qui sous la plume de Samuel-Joseph Agnon devient un grand roman. L’auteur saisit l’occasion, à travers ce drame intime, de peindre avec un réalisme et une fine psychologie à la manière d’un Maupassant, la petite bourgeoisie de l’époque travailleuse, arriviste, respectueuse des traditions, égoïste, ingrate, veule, intéressée, etc.

La dot des fiancées

(éd. Les Belles Lettres, 2003) Trad. Michel Landau et Charles Leben

L’histoire, écrite en 1934 et révisée en 1946, se situe dans la bourgade de Buczacz en Galicie où est né l’écrivain. Nous suivons le surprenant parcours de Rabbi Yidel, (rabbi ne se rapporte pas à rabbin, mais signifie un homme pieux en langage populaire), un ‘hassid qui vit dans une grande pauvreté et consacre l’essentiel de son temps à la lecture de la Torah et au culte divin. Il habite dans une cave sombre avec sa femme et ses enfants. Sa seule richesse est un coq, nommé rabbi Zara’h, qui le réveille le matin. Ses filles, Guitelé, la plus jeune a dix sept ans, Blumé dix-neuf ans, et Peisselé, l’aînée, a vingt ans. Elles sont misérablement vêtues et vont pieds nus, mais elles ont du charme et de la grâce. Frumet, la mère, se décide à parler à son mari pour lui faire comprendre qu’il est temps de marier leurs filles : «  Jusqu’à quand resteras-tu aussi insensible et cruel qu’un corbeau envers les membres de ta famille ? » Mais, pauvre, il n’a pas de dot pour ses filles. Comment va-t-il pouvoir les mener vers le dais nuptial ? ‘hassid comprend qu’il doit sortir de son isolement et trouver de l’argent. Sa communauté lui offre de beaux habits, un cheval et voilà notre homme lancé sur les routes de Galicie, avec une carriole conduite par le cocher Nouta. Il voyage pendant de longs mois, fait des rencontres étonnantes, vit des aventures incroyables, s’entretient avec un grand nombre de personnes, traverse les shtetls et des communautés juives au folklore bigarré, avec leur hiérarchie sociale, leurs coutumes, leurs dévotions… Rabbi Yidel trouve un fiancé pour sa fille aînée, mais le voyage s’éternise au gré des rencontres et il engrange ou non des oboles versées par les uns et les autres. Finalement, ce nouveau statut d’homme qui sollicite la générosité pour constituer une dot pour ses filles l’enchante. Il se retrouve au final bien argenté, tant et si bien qu’il en oubliera ses filles et dépensera l’argent pour lui. Un roman savoureux, riche, tendre et drôle et pour savoir si ce père, métamorphosé par ce voyage, va finir par rentrer et doter ses filles : n’hésitez pas à vous plonger dans ce roman !

AHARON APPELFELD

Romancier et poète Aharon Appelfeld est né en 1932 à Czernowitz, dans une province de l’empire Austro-hongrois, située entre les Carpates et le Dniestr, une province roumaine en 1919 et située en Ukraine depuis 1940. Fils unique, Aharon a une petite enfance heureuse, entre ses parents – des intellectuels juifs assimilés : « La génération de mes parents a voulu s’éloigner du judaïsme. Cette génération était faite de juifs qui se considéraient comme européens et étaient persuadés que l’Europe les accueillait à bras ouverts. », – et ses grands-parents, des juifs pratiquants. Dès l’âge de 8 ans tout bascule, l’enfer commence : sa mère est assassinée par les nazis, une souffrance qui résonnera toujours en lui. Ensuite vient l’exil du ghetto et la longue marche forcée avec son père à travers l’Ukraine, vers un camp de Transnistrie. Séparé de son père il parvient à s’échapper du camp, il a à peine neuf ans. Contraint de survivre seul dans la forêt pendant des mois, il trouve refuge chez des paysans rustres et antisémites qui lui donnent nourriture contre travail. Il leur cache ses véritables origines et, petit garçon blond de type aryen, cela lui facilite les choses. Aharon survit entre la Pologne et l’Ukraine  au milieu de voleurs de chevaux et de prostituées, et à 11 ans il vit chez une vieille prostituée. En 1944, il rejoint l’Armée Rouge soviétique où il est commis de cuisine puis, avec un groupe d’adolescents orphelins, il traverse l’Europe pendant des mois et arrive en Italie. À la fin de la guerre commence un autre voyage, celui à travers les camps de rescapés et, grâce à une association juive, il embarque clandestinement pour la Palestine en 1946. Pris en charge par l’Alyat Hanoar le jeune homme se retrouve dans un camp de jeunesse, puis dans une école agricole. Diplômé de l’Université hébraïque de Jérusalem, Aharon Appelfeld renoue avec sa culture d’origine et étudie au département de yiddish. À la fin des années 1950, il se tourne vers la littérature, décide d’écrire en hébreu et enseignera la littérature à l’Université Ben Gourion du Néguev. Homme de gauche et membre du Parti travailliste, il a avec Judith, sa femme juive argentine, trois enfants.

Tsili

(1982, éd. Point 2015)

Un roman court qui s’apparente à une nouvelle où l’auteur empreinte beaucoup de sa vie personnelle pour évoquer le destin tragique des enfants juifs qui ont réussi, au coeur de la tourmente, à échapper à la mort mais pas à l’errance, à l’angoisse et à la vie dure qui s’en suit. Nous sommes en 1942. Tsili Kraus, la jeune héroïne un peu simplette et mal aimée par sa famille, a douze ans et vit en Europe centrale. Un jour, on la laisse seule au domicile familial pour garder la maison ; ses parents, suite au durcissement de la répression anti-juive, se sont enfuis. Elle les attendra, mais jamais ils ne reviendront. Abandonnée à son sort elle va tenter de survivre. Elle se présente comme « la fille de Maria », une prostituée, une référence qui suscite des accueils mitigés. Pour survivre elle mange des fruits sauvages, chaparde, mendie. Quand elle rencontre Marek « un rescapé » des camps, elle cohabite avec lui dans les marais. Ils vont s’aimer mais ensemble ils vont revivre la malédiction biblique de Caïn « Tu seras errant et fugitif  sur la terre » (Genèse, IV, 12). Un jour Marek disparaît et Tsili, encore adolescente, se retrouve seule et enceinte. Ce roman poignant a été adapté au cinéma par Amos Gitaï qui confie : « Aharon Appelfeld est un auteur que je respecte infiniment, d’abord parce qu’il n’instrumentalise pas la Shoah. Il n’utilise pas des choses extérieures à son expérience, il y a un minimalisme dans son écriture que je trouve essentiel, profondément juste et émouvant. Adapter ce texte pour moi me permettait de mettre de la distance, de ne pas être illustratif. J’avais envie de faire un film de tendresse au milieu de cet enfer. C’est ce contraste-là qui m’intéressait. Appelfeld tisse ses récits avec de minuscules détails. » (Judaiciné, 3/7/2015)

Floraison sauvage

(éd. de L’Olivier, 2005) l – Trad. Valérie Zenatti

Gad et Amalia sont frère et soeur. Ils vivent quelque part dans les Carpates où ils ont reçu un curieux héritage : ils sont les gardiens d’un cimetière, là haut sur la montagne, où sont enterrés des Juifs qui, jusqu’à leur dernier souffle, ont tenté d’échapper à la mort lors d’un pogrom. Devenu un lieu de pèlerinage, cet endroit isolé est rude et froid l’hiver. Pour passer cette saison difficile et solitaire, Gad et Amalia ont pris l’habitude le soir de s’enivrer un peu : quelques verres égayent leurs soirées où ils se souviennent des jolies heures de leur enfance autrefois dans la plaine. Cette intimité qui est la leur, jette un trouble entre eux et créée une confusion des sentiments. Mais le destin les a liés comme le lierre étreint, alors pourquoi se refuseraient-ils le droit de s’aimer ? Une histoire d’amour aussi troublante que bouleversante.

L’amour soudain

(éd. Points 2006)

Iréna, une jeune femme de 30 ans, se rend tous les jours chez Ernest, un écrivain âgé qui n’a jamais publié ses manuscrits et pense d’ailleurs les faire disparaître un jour. Elle entretient la maison, parle peu, mais sa présence est pour lui troublante et mystérieuse : elle a sa manière d’être là, d’occuper l’espace, d’arranger un bouquet de fleurs. Quand Iréna rentre chez elle, elle allume deux cierges à la mémoire de ses chers parents disparus. Ce récit est celui de leur rencontre, chacun dans sa vie intime a ses secrets. À travers la présence discrète d’Iréna, ponctuée par des silences, un geste, un sourire, un regard, un trouble s’installe entre la jeune femme toute attentionnée et l’écrivain à l’automne de sa vie. Ils ressentent des sentiments qui soudain les dépassent et ils vont vivre un amour improbable mais fulgurant. C’est aussi un récit inscrit dans l’histoire juive et la destruction de son identité.

ZERUYA SHALEV

Zeruya Shalev, née en 1959 dans un kibboutz en Galilée, est issue d’une famille de plusieurs écrivains et poètes. Elle a fait des études bibliques, vit aujourd’hui à Jérusalem où elle travaille comme éditrice. Auteur de plusieurs romans, d’un recueil de poésie et d’un livre pour enfants, elle occupe aujourd’hui une place importante au sein de la nouvelle génération d’écrivains israéliens et ses romans sont traduits dans de nombreuses langues. Mari et Femme (2000-2002), a été un best-seller dans plusieurs pays d’Europe. Vie amoureuse (1997) a obtenu le Golden Book Prize de l’Union des éditeurs et le Ashman Prize. En 2004, elle a subi un traumatisme. En rentrant à pied à son domicile, elle est blessée dans un attentat suicide qui fait plusieurs morts. Ses blessures et le choc qui s’en suit l’empêcheront d’écrire et de travailler à son roman Théra, publié avec un an de retard. En 2014 elle reçoit le Prix Femina étranger 2014 pour Ce qui reste de nos vies.

Ce qui reste de nos vies

(éd. Gallimard 2016) – Trad. Laurence Sendrowicz

Prix Fémina étranger 2014

Hemda est clouée sur son lit, elle n’a plus que quelques semaines à vivre. Alors, comme souvent dans ces instants là, les êtres en partance font le bilan de leur vie : qu’ont-ils réussit ou raté ? Hemda a fait un mariage sans amour, peut-être est-ce la raison de sa difficulté à avoir aimé ses enfants. Elle sait qu’elle n’a pas suffisamment aimé sa fille Divna et qu’en revanche elle a peut-être trop aimé son fils, Avner. Divna est mariée mais son couple bat de l’aile, elle n’a pas d’enfant et croit qu’en adopter un serait une solution pour consolider son mariage. Quant à Avner, avocat, coincé dans un mariage avec une femme qu’il n’aime pas, il considère que sa vie est un échec. Un jour où il se rend à l’hôpital pour voir sa mère il est témoin d’une scène qui va changer sa vie. Il voit une femme tenir la main de son mari visiblement près à mourir, et la tendresse avec laquelle elle met ses mains dans les siennes le bouleversent : « Leurs gestes ont gardé une incroyable fraîcheur, ne sont pas empreints de cette lassitude qui… s’accumule avec les années entre deux conjoints. » Leur amour est donc encore bien vivant alors que le mien est mort se dit Avner. Il en tire une leçon de vie et comprend qu’il ne veut plus : « vivre sans amour, ou plutôt pas mourir sans amour. » Un roman qui réconcilie avec la vie et redonne de l’espoir à Divna et Avner qui tenteront, chacun à leur manière, de sauver ce qui reste de leurs vies.

Mari et femme, Ba’al Ve Isha

(éd. Gallimard 2004) – Trad. Laurence Sendrowicz

Zeruya Shalev à l’art, non sans une cruelle précision, de décortiquer par le menu détail la lente décomposition d’un couple en montrant ce qu’elle appelle « la tragédie quotidienne de l’existence ». Si l’auteur donne, à travers ses livres, une vision noire et réaliste du couple, elle montre aussi que dans la débâcle de cette union qui se défait, il y a une note d’espoir car il est souvent question de reconstruction.

Naama et Oudi son mari vivent une vie tranquille, sans enthousiasme, une vie simple et ordinaire. Ils ne sont pas malheureux mais ils ne sont pas heureux non plus. Alors que se passe-t-il dans leur couple ? Ils travaillent tous les deux, lui est guide touristique dans le désert, elle assistante sociale. La routine quotidienne est bien réglée, trop bien réglée probablement, sans surprise, et ils ont une fille de dix ans. Un matin Oudi ne sent plus ses jambes, impossible de se lever. Les médecins viennent sur place et leur verdict est pour le moins étrange : Oudi est atteint d’un maladie symptomatique, imaginaire… Est-ce due à leur existence insipide, à leur couple qui bat de l’aile, vacille, chute tout doucement ? On leur préconise de consulter un psychiatre. Oudi n’a que 35 ans ! Il va de son lit à son fauteuil, la dépression l’envahit, le paralyse. Un jour une jeune femme habitée par la pensée du Dalaï-lama est appelée en renfort pour « sauver » le malade imaginaire. A leur grande surprise, elle leur fait prendre conscience que cette maladie est une chance pour eux, une occasion unique de se remettre en question et de changer le cours de leur vie : « Ce que vous êtes aujourd’hui n’est que la conséquence de ce que vous étiez hier et ce que vous serez demain sera la conséquence de ce que vous faites aujourd’hui (…) Si vous changez votre comportement dans le présent, vous pourrez changer votre avenir ». Naama, délaissée par son mari qui finira par la quitter, se ressaisit : fini son laisser aller, elle prend conscience qu’elle peut encore plaire et jouir d’un certain pouvoir sur les hommes. Elle a des désirs et soudain l’envie d’avoir un amant, juste une fois, pour un moment de plaisir.

Vie amoureuse

(éd. Gallimard, 2005) – Trad. Sylvie Cohen

C’est l’histoire d’une passion amoureuse, douloureuse et destructrice vécue par une femme envoûtée, de façon incomprehensible, par un homme pervers, manipulateur, âgé et qui n’éprouve pas de sentiment pour elle. Quand Ya’ara rencontre Arieh, un ami d’enfance de son père, elle a un coup de foudre. La passion, voire l’obsession qu’elle va ressentir pour cet homme, lui fait perdre peu à peu tous ses repères. L’un et l’autre sont mariés, mais la femme d’Arieh se meurt à l’hôpital. Ya’ara, malgré le caractère délicat de la situation, poursuit son amant, explore avec lui tous les instants sexuels possibles et osés. Elle en oublie ses cours à l’université et met son mariage en péril quand elle s’évapore quelques heures avant de partir avec son mari à Istanbul, un voyage qu’il a souhaité lui offrir. Sa fascination pour Arieh est telle qu’elle ne contrôle plus sa vie, elle va même jusqu’à perdre toute dignité quand elle accepte, après la mort de la femme d’Arieh, de s’enfermer dans sa chambre pour qu’il puisse, entre les visites de condoléances qui rythment la semaine de deuil après la mort d’un proche, lui faire l’amour. Un roman qui a fait scandale à sa parution en Israël, pour sa description très crue des scènes sexuelles (dans les toilettes de l’hôpital, dans la cabine d’essayage d’un magasin…) : « Zeruya Shalev fait partie d’une génération de femmes qui, comme Alona Kimhi, Yaël Neeman et quelques autres, a introduit l’érotisme dans la littérature israélienne, où il avait été fortement réprimé jusque-là (Ben-Ari, 2006). La raison principale du scandale ce sont : « les transgressions d’une jeune femme « bien sous tous rapports », que la passion égare. » (R. Ba., Biba, août 2000) Mais au-delà de la passion physique, cette histoire plonge aussi ses racines dans l’histoire familiale de Ya’ara quand elle découvre qu’Arieh a été l’amant de sa mère. Ne recherche-t-elle pas, dans cette relation infernale, son père à travers son amant ?

Douleur

(éd. Gallimard, 2017) – Trad. Trad. Laurence Sendrowicz

Ce dernier roman de Zeruya Shalev a des accents autobiographique : Iris, l’héroïne, dix ans après avoir été blessée dans attentat revit ce drame quand son mari Micky lui pose la question : «  Tu te souviens de quel jour on est, aujourd’hui ? » Oui, bien sûr, comment ne serait-elle pas la date ? Cela fait justement dix ans jour pour jour qu’à eu lieu l’attentat, tout son corps soudain est traversé par ce traumatisme. Elle a tenté depuis ces événements de se reconstruire, malgré un mariage fragile et des enfants avec lesquels elle rencontre des problèmes. Tout semble aller mieux quand soudain tout bascule, lors d’une consultation chez le médecin, quand elle reconnaît dans le visage de ce dernier, Ethan son premier amour. Elle se retrouve prises dans un tourbillon de vives émotions, entre un présent et un passé qui, avec Ethan, aurait pu changer son destin.

ROSIE PINHAS-DELPUECH

Née en 1946 à Istanbul où elle a vécue jusqu’à l’âge de 18 ans, Rosie Pinhas-Delpuech vit entre la France puis Israël pendant une douzaine années. De retour en France elle s’installe définitivement à Paris, enseigne la littérature et la philosophie, puis devient traductrice et écrivain. Turque, juive et multilinguiste, Rosie Pinhas-Delpuech est tiraillée entre plusieurs cultures et sa littérature est cosmopolite. Le turc est sa langue d’enfance dans laquelle elle refuse d’écrire, le français sa langue d’adoption et l’hébreu sa langue d’étude. Traductrice de l’hébreu et du turc, elle dirige la collection « Lettres hébraïques » d’Actes Sud depuis plus de quinze ans, et d’oeuvres d’écrivains turcs chez Bleu. Elle est l’auteur de Insomnia, une traduction nocturne (Actes Sud, 1998), Suite byzantine (Bleu autour, 2003) Anna – Une histoire française (Bleu autour, 2007).

Insomnia, une traduction nocturne

(éd. Bleu autour, 2011)

Une réédition, revue par l’auteur, du premier texte, un bref roman, paru en 1998. Ce récit relate son histoire d’amour, une nuit d’insomnie, avec Yaakov Shabtaï (1934-1981), dont elle traduit de l’hébreu Pour inventaire au début des années 1990.

SHIFRA HORN

Née en 1951 à Jérusalem Shifra Horn est diplômée d’archéologie, d’études bibliques et de communication. Auteur de plusieurs romans, publiés en français chez Fayard (Quatre mères (2001), Tamara marche sur les eaux (2004) et Ode à la joie (2007) et traduits dans de nombreuses langues, d’un recueil de nouvelles et d’ouvrages pour enfants, Shifra Horn connaît un franc succès en Israël où elle a reçu plusieurs récompenses littéraires.

Quatre mères

(éd. Fayard, 2001) Trad. Laurence Sendrowicz

Ce roman, ancré dans la Jérusalem du milieu du XIXe siècle jusqu’à la réunification de la ville en 1967 en passant par la création de l’Etat d’Israël (1948), se présente comme une grande fresque, une véritable saga familiale. Le lecteur suit la vie, les amours et la malédiction de quatre femmes, quatre mères. Si la magnifique Sarah, l’héroïne principale à la longue chevelure d’or ensorcèle tous les hommes qu’elle croise, c’est Edward, son amant, l’élu de son coeur : « Edward la guettait comme un oiseau de proie nocturne. Il descendait discrètement par l’échelle de corde, et, tel un voleur de grand chemin, lui sautait dessus, encouragé par les cris de peur et de joie qu’elle lâchait. La chaloupe tanguait alors comme si elle naviguait sur une mer houleuse. Ensuite, Sarah se ressaisissait et renouait ses cheveux. Lui s’allongeait à coté d’elle, un bras sous la tête, énumérait les étoiles et lui expliquait les signes astrologiques dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Au moment où la fraîcheur descendait sur leur peau, quand de petites gouttes de rosée se déposaient sur les parois en bois et faisaient légèrement onduler les cheveux de Sarah, il lui parlait de son amour dans une langue qu’elle comprenait. » Tout commence avec Mazal, l’orpheline, élevée par sa tante et mariée à Itzhak, qu’elle délaisse à la naissance de leur fille Sarah. Itzhak la quitte et a un fils Avraham qui, quand il rencontre Sarah dont il ne sait rien, est subjuguée par sa beauté et l’épouse. Ensemble ils ont deux enfants, Pnina Mazal, surdouée, et Itzhak atteint de déficience mentale. Pnina Mazal épouse David, avec qui elle a une fille Guéoula, qui trouve la mort peu de temps après avoir été envoyé au front. Guéoula aura à son tour une fille. Quant à Amal, c’est la conteuse de cette curieuse chaîne familiale où les maris, les pères, semblent absents, peser d’un poids léger dans le destin de ces femmes.

AMOS OZ

Amos Oz (Amos Klausner) né en 1939 à Jérusalem, poète, écrivain, romancier et journaliste israélien (oz signifie force en hébreu), est considéré comme l’un des plus grands écrivains israéliens contemporains. Il fait des études de philosophie, de littérature et écrit des articles pour le journal des kibboutzim et le quotidien Davar. Ses premiers récits sont publiés en 1965, suivi de son premier roman (1966). Entre 30 et 40 ans il participe deux fois à des conflits armés, durant la Guerre des Six Jours (1967) puis la Guerre du Kippour (1973). Ces épreuves vont l’inciter à participer à la construction de la paix, il est l’un des Fondateurs du mouvement «La paix maintenant» qui préconise le partage du territoire, avec des «arrangements particuliers pour les sites sacrés», pour la création de deux états indépendants: l’un israélien, l’autre palestinien. Auteur prolifique, il publie environ un livre par an, et ses œuvres sont récompensés par de nombreux prix : le Prix Israël de littérature en 1998 lors du cinquantième anniversaire de l’indépendance de son pays, le Prix Goethe en 2006, le Prix Princesse des Asturies et il est reçu Docteur Honoris Causa de Philosophie à l’université Hébraïque de Jérusalem. Ses œuvres sont traduites dans le monde entier dans près de trente-cinq langues. Professeur de littérature à l’Université Ben Gourion de Beer-Shev. Une histoire d’amour et de ténèbres, considérée comme son chef-d’œuvre et saluée unanimement par la critique littéraire, est un roman autobiographique, récemment porté à l’écran par Natalie Portman.

 

Judas (Habesora al-pi yehuda iskariot)

Trad. Sylvie Cohen (éd. Gallimard, 2016)

L’histoire se déroule dans la Jérusalem divisée de 1959. Shmuel a perdu sa fiancée et il est sur le point d’abandonner son mémoire sur Jésus dans la tradition juive, mais il veut néanmoins poursuivre ses études et doit les financer. Il tombe sur une petite annonce proposant un travail d’homme de compagnie avec logement et salaire contre quelques heures de conversations et de lecture. Le jeune homme est engagé et vient s’installer chez Gershom Wald, un vieil homme désabusé, mais non dépourvu de fantaisie, avec lequel il aura des conversations animées, voire enflammées, sur la question arabe et surtout sur l’idéal sioniste. Shmuel est troublé quand il découvre Atalia Abravanel, une femme mystérieuse et sensuelle, qui habite aussi les lieux et veille sur le vieil homme. Elle est la fille d’un des leaders du mouvement sioniste, plus tard Shmuel comprendra le douloureux événement qui la lie à Gershom Wald. Shmuel, fasciné par le personnage du Christ, s’interroge sur la trahison de Judas et sur la notion de traite en général. Amos Oz, dans une interview au Figaro explique que depuis deux mille ans : «Tout juif est Judas, aux yeux d’innombrables chrétiens, avide, traître, fourbe. » Alors, poursuit-il : «  Je me suis demandé ce qui avait vraiment pu se passer ce fameux vendredi, et j’en suis arrivé à la version qu’en donne Shmuel. Elle me semble meilleure – plus crédible. Je ne sais pas si elle est vraie – je n’étais pas là ! -, mais je pense que Judas était en réalité le plus fervent des disciples de Jésus et qu’il voulait que le monde entier assiste au miracle de sa résurrection. Et que devant ce qui a semblé un échec, il a été saisi de désespoir et s’est pendu. » Amoz Oz, écrivain engagé pour la paix, réhabilite Judas et donne sa version des souffrances endurées par le peuple juif. Un très beau roman d’amour et historico-religieux qui aborde le problème de la fracture entre le judaïsme et le christianisme.

SAYED KASHUA

Né en 1975 à Tira, un village de Galilée devenu israélien en 1948, Sayed Kashua est arabe, issu d’une famille musulmane, citoyen israélien écrivant en hébreu. C’est à l’âge de quatorze ans, en intégrant un internat juif à Jérusalem, qu’ il apprend l’hébreu, découvre la richesse d’avoir à sa disposition une bibliothèque et suit pour la première fois des cours de littérature. A travers la lecture il apprend son histoire et plus tard, au moment de prendre une grande décision, celle de quitter Israël il confie : « Pour ces deux sociétés, je suis le problème ». Cette double appartenance lui inspire ses premiers récits Les Arabes dansent aussi (2003) et Et il y eut un matin (2006), où il fait résonner la voix, ignorée de tous, des arabes israéliens. Avec les mots il peut transmettre, tenter de faire comprendre son histoire et dit-il : « Ecrire comment mon grand-père a été tué devant Tira pendant la guerre de 1948. Comment ma grand-mère a perdu sa terre, comment elle a élevé mon père, orphelin de père à l’âge de quelques mois, en gagnant son pain en travaillant à la cueillette chez les juifs. Je voulais raconter en hébreu mon père, qui a été détenu pendant de longues années, sans jugement, à cause de ses idées politiques. Je voulais raconter aux Israéliens une autre histoire, une histoire palestinienne. » (Libération, 15/7/2014) Pendant Vingt-cinq ans, bien qu’il n’ait pas vraiment de raisons d’être optimiste il dit avoir pourtant continué : «  à croire que c’était encore possible que, un jour, ce lieu où vivent des juifs et des Arabes puisse connaître une histoire qui ne nie pas l’histoire de l’autre. » Journaliste, critique de cinéma, star des lettres et du petit écran Sayed Kashua décide en juillet 2014, lors de la reprise de la guerre de Gaza, de prendre un aller simple pour les Etats-Unis pour lui, sa femme et ses trois enfants. Bien qu’il ait toujours écrit et vécu en hébreu, il ne supporte plus la violence et la haine : « Après lecture de mes derniers articles, certains lecteurs ont suggéré de m’expédier à Gaza, de me briser les os, de kidnapper mes enfants. » À ses nombreux amis juifs il adresse un adieu affectueux et désespéré : « Dans les tables rondes auxquelles j’ai participé, on affirmait que les juifs étaient un peuple plus éminent, plus digne de vivre. Une majorité désespérément déterminante dans le pays ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre, en tout cas pas dans ce pays. » Sayed Kashua reste : « un homme écartelé entre sa loyauté à l’État d’Israël et sa fidélité au peuple palestinien. C’est de tout cela, de ce déchirement que parle Sayed Kashua dans ses livres. » (Émile Grangeray, Le Monde)

La deuxième personne

(éd. de l’Olivier, 2012) Trad. Jean-Luc Allouche

Un avocat, qui a offert La Sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï à sa femme, feuillette le livre et lit l’exergue : “Et moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son coeur, commis l’adultère avec elle (Matthieu V, 28). Il tombe, de la page 102 où s’achève la nouvelle, un minuscule billet blanc. C’est un billet doux écrit en arabe et adressé à un certain Yonathan : « Je t’ai attendu et tu n’es pas venu. J’espère que tout va bien. Je voulais te remercier pour la nuit d’hier, ce fut merveilleux. Tu m’appelles demain ? » L’écriture, il vient de la reconnaître, est celle de sa femme. Elle lui apparut soudain, dans son imagination, nue devant un autre homme et : « dans le regard de sa femme il découvrit un désir étrange : elle lacérait l’autre homme avec des ongles longs qu’elle n’avait jamais eus et lui murmurait des mots d’amour, tout en arquant son corps sous lui. L’avocat se sentait étouffer. » Saisi d’une jalousie terrifiante, il n’aura de cesse de retrouver ce Yonathan et, en quête de vérité, il se lance dans une course éperdue.

MEIR SHALEV

Né en 1948 à Nahalal, un village de Galilée, Meir Shalev est journaliste, écrivain et auteur de plusieurs romans traduits en français.

Pour l’amour de Judith

(éd. Calman-Levy, 1996)

L’histoire se déroule dans un petit village d’Israël. Durant quatre repas, on assiste à l’histoire d’amour entre le jeune Yiédé, âgé de douze ans et orphelin de mère, et trois hommes : « Moshé, un fermier taciturne, Globerman, un marchand de bestiaux rustre mais généreux, et Jacob, un éleveur de canaris romantique ». Chacun épris de Judith, la mère de Yiédé, pense être son père. L’enfant tente de rassembler le puzzle qui constitue la vie de sa mère et tente ainsi de découvrir lequel de ces hommes est son vrai père.

YEHOSHUA KENAZ

Yehoshua Kenaz, né en 1937 à Petah Tiqva est reconnu comme un des grands écrivains israéliens contemporains. Après des études à l’université de Jérusalem et à la Sorbonne, c’est à Paris qu’il écrit et publie dans la revue Keshet son premier récit. Nourri des grands classiques européens et français, de Montaigne à Balzac, et d’un attachement profond à la langue et à la littérature françaises Yehoshua Kenaz, s’est lancé avec talent dans la traduction en hébreu de plusieurs œuvres d’auteurs français comme Bouvard et Pécuchet de Flaubert, le Rouge et Noir de Stendhal ainsi que d’autres auteurs, André Gide, François Mauriac, Patrick Modiano, Georges Simenon … En 1995 il obtient le Prix Bialik pour l’ensemble de son œuvre. Plusieurs de ses romans sont traduits en français : Vers les chats (Gallimard, 1994), Moment musical (Actes Sud, 1995), Infiltration, (Stock, 2003), Paysage aux trois arbres (Actes Sud, 2003) et Retour des amours perdues. En exergue de son livre le plus connu, Infiltration, l’écrivain a choisi cette phrase de Joseph Conrad : « Il est impossible de communiquer la sensation vivante d’aucune époque donnée de son existence, sa subtile et pénétrante essence. Nous vivons comme nous rêvons – seuls »

Retours des amours perdus

(éd. Stock 2004) litIs2

Tout se passe dans un immeuble de Tel-Aviv où l’on suit la vie et la destinée de plusieurs personnes en quête d’amour. Gabi, jolie trentaine, attend son amant avec lequel elle vit un amour clandestin. Ses rencontres amoureuses intéressent beaucoup son voisin qui colle son oreille à la cloison pour entendre ses soupirs, le moindre signe de ses désirs assouvis. Non loin, vit un vieil homme qui attend fébrilement la venue de Philippine, son infirmière, dont il est amoureux. Des parents – dont le fils est une jeune recrue de l’armée, apprennent que leur fils a déserté – se lancent désespérément à sa recherche. Ce roman, qui a connu un grand succès en Israël comme à l’étranger, a été adapté par le cinéaste Amos Gitaï. Yehoshua Kenaz dépeint avec ironie, humour et tendresse la société israélienne d’aujourd’hui, avec ses espoirs, ses tensions et ses différences culturelles. Dans cet immeuble, où tous les voisins partagent un drame commun, chacun est enfermé dans son monde d’où la communication et la compréhension difficiles, voire impossibles, à établir entre eux.

MICHAL GOVRIN

Née à Tel-Aviv en 1950 dans une famille laïque Michal Govrin est romancière, poétesse, et femme de théâtre. Venue dans les années 1970 étudier le théâtre à Paris, elle effectue des séjours en Europe qui lui permettent de s’imprégner des grands textes juifs qui vont nourrir son oeuvre. Elle résume son surprenant parcours ainsi : « Partie faire des études à Paris, j’étais essentiellement israélienne. J’en suis revenue juive. Je ne suis pas retournée dans ma ville natale, à Tel-Aviv, mais j’ai choisi de vivre à Jérusalem. » Directrice de théâtre, elle a écrit une dizaine de livres, dont plusieurs romans : HaShem (1995), récompensé du Prix Kugel en Israël, Sur le vif, son premier roman traduit en français (2008), qui a obtenu en Israël le prix Akum.

Un amour sur le rivage

(éd. Saine Weispeiser 2013)

L’été, la plage, les rencontres, les apéros, la musique avec les tubes des années soixante composent tous les ingrédients pour que se dessine entre les trois protagonistes un triangle amoureux. Chacun se trouve dans une impasse personnelle, une bonne occasion pour eux de saisir les parenthèses inattendues de ce nouvel été. La belle Esther étouffe chez ses parents, rescapés de la Shoah. Sa scolarité finie, elle s’achète une jolie robe à bretelle et descend au dancing de la plage. Au bar Moïse, venu de Paris pour l’enterrement de sa grand-mère, boit un campari servi par Alex, un argentin ténébreux, qui a quitté son pays et ses activités politiques. Alex est séduit par l’élégance de Moïse qui lui est troublée par la beauté d’Esther…

DORIT RABINYAN

Né en 1972 à Kfar Saba Dorit Rabinyan, écrivain, scénariste et critique de cinéma, est l’auteur de plusieurs romans couronnés par des prix littéraires (Wiener (1996), Jewish Wingate Quarterly Award (1999), Best Drama of the Year Award (1997) décerné par Israel Film Academy, Minister’s Prize (2001), Literary ACUM Award, 2008). Son livre Haie, a défrayé la chronique en 2016 et provoqué un tollé dans le milieu culturel israélien.

Larmes de miel

(éd. Denoël, 2002) – Trad. Arlette Pierrot

À travers ce roman, dont l’intrigue se situe en Iran dans le village d’Omerijan proche d’Ispahan, nous suivons les espoirs, les angoisses et les désirs de deux cousines qui vivent au sein d’une société patriarcale où la condition des femmes reste difficile. Flora a quinze ans et, enceinte, elle attend le retour hypothétique de son mari, parti faire fortune le lendemain de leurs noces. Nasié, orpheline, n’a que onze ans mais elle est déjà fiancée à Moussa, le frère de Flora, son cousin, dont elle est amoureuse. Elle aimerait bien se marier vite mais, encore nubile, elle doit patienter. Enfermée dans les traditions familiales, elles se rapprochent, se confient, rêvent au fil des veillées. L’univers amoureux est cruel et sensuel, violence et plaisir vont souvent de pair…

Haie (Geder Haya) (2014) Sous la même étoile

(éd. Les Escales, 2017) Trad. Laurent Cohen

Dans ce roman autobiographique, qui a reçu le prix Berstein en 2015, Dorit Rabinyan raconte la passion entre une Israélienne et un Palestinien. Inscrit au programme du bac le livre a été interdit en 2016, par le ministre de l’Education de l’époque Naftali Bennett, ce qui provoqua un tollé en Israël et dans le monde entier. L’auteur situe la rencontre et l’histoire d’amour qui lie ses deux héros dans un terrain neutre, New York, par un hiver glacial entre les quartiers de Brooklyn, Manhattan et Broadway. Liat, traductrice israélienne juive, vit aux États-Unis où elle ressent une profonde nostalgie pour Tel-Aviv, Hilmi, peintre palestinien, est originaire de Ramallah. Chacun, malgré son fardeau de douleurs, de violence, de morts et de chagrins, veut continuer à avancer. Ce qui devrait les éloigner va les rapprocher, chacun acceptant la différence de l’autre. Leur tolérance et leur compréhension mutuelle va les apaiser, les faire grandir et ils vont s’aimer loin du conflit qui oppose et déchire leur peuple.

Comme le flux et le reflux de la mer Dorit Rabiyan fait alterner avec sensibilité le présent plein d’espoir de leur amour et le passé souvent douloureux qui ressurgit. Il se dégage de ce roman une profonde humanité autour de ces deux êtres que tout sépare mais qui vont se trouver grâce à la force de l’amour. Cependant, lors de leur retour en Israël, ils savent que jamais leur famille n’acceptera leur passion. Puissions nous espérer que l’amour vaincra la haine !

YORAM KANIUK

Né en 1930 à Tel-Aviv, Yoram Kaniuk participe à la guerre d’indépendance de 1948. À l’issue de celle-ci il s’installe à New-York de 1951 à 1961. Peintre, journaliste et romancier il publie ses premiers écrits à partir de 1962. Il est aussi l’auteur de Comme chiens et chats (1996) et Mes chers disparus (1997).

Encore une histoire d’amour

(éd. Fayard, 1998) Trad. Laurence Sendrowicz

Alex Thallim s’est coupé du monde depuis la mort de sa femme Dina. Le jour de l’anniversaire de ses soixante ans il décide de sortir de cette vie recluse et, sous un prétexte professionnel, il quitte Tel-Aviv pour se rendre à Hambourg puis à Berlin. Un jour dans un restaurant de Berlin, il croise Nily, une jeune femme Israélienne qui le reconnaît. De cette rencontre va naître une passion destructrice…

EDNA MAZYA

Radioscopie d’un adultère

(éd. Liana Levi, 2008)

La jalousie, souvent incontrolable dans ses excès, peut mener à l’irréparable… L’auteur explore avec humour et sans concession les affres de l’amour vécus par un homme persuadé que sa femme le trompe. Ce soupçon, devenu une certitude, l’entraîne sur les chemins chaotiques de la suspicion et de la névrose.

 

NOUVELLE

Anthologie d’écrivaines israéliennes

(éd. Metropolis, 2008)

Un recueil de 13 nouvelles, consacrées aux différents âges de la vie, qui font entendre des voix féminines au vécu et au timbre particuliers. Elles évoquent l’enfance, l’adolescence, les premiers émois amoureux, la maternité, la vie conjugale, le célibat, la vieillesse… Ces récits ont pour toile de fond la réalité israélienne, l’angoisse de la mort, la perte d’un être cher, les blessures qui ne guériront jamais, celles de la Shoah. Treize nouvelles écrites par des femmes de lettres célèbres en Israël, d’âge et d’univers différents : Léa Aini, essayiste et critique littéraire; Ruth Almog, professeur de philosophie elle a reçu le prix Bialik pour l’ensemble de son oeuvre ; Gafi Amir, journaliste; Daniela Carmi, auteur de pièces de théâtre et de livres pour enfant dont Samir et Jonathan, primé par l’Unesco; Orly Castel-Bloom, romancière et lauréate de nombreux prix en Israël comme à l’étranger; Yehudith Hendel, romancière couronnée par les prix Bialik et de Jérusalem; Judith Katzir, éditrice, auteur de deux romans des best-sellers en Israël; Savyon Liebrecht, auteur de nouvelles, romans et pièces de theater; Mira Magen, prix du Premier ministre en 2005; Judith Rotem, qui a vécu dans une communauté ultra orthodoxe et a consacré plusieurs ouvrages à des rescapés de la Shoah; Miri Rozovsky, journaliste, dont le roman Presque a été un best-seller; Nano Shabtaï, poète et auteure de nouvelles; Nutith Zarchi, journaliste, essayiste et auteur de plusieurs livres pour enfants .

YAËL HEDAYA

Née en 1964, Yaël Heday, écrivain, journaliste et scénariste a étudié la littérature anglaise à New York University et travaillé pour la télévision israélienne. Elle enseigne la création littéraire à L’Hebrew University de Jérusalem.

Trois histoires d’amour

(éd. Actes Sud, 2002) Trad. Katherine Werchowski

Nous connaissons tous le poème de Louis Aragon « Il n’y a pas d’amour heureux », chanté par Georges Brassens et qui débute ainsi : « Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son cœur », c’est aussi le message que l’auteur fait passer dans ses nouvelles où elle explore les failles du quotidien qui font vaciller les êtres. Hommes et femmes cherchent à aimer, à être aimé, à croire ensemble au Bonheur.

ETGAR KERET

Née en 1967 à Tel-Aviv Etgar Keret, romancier, auteur de bandes dessinées et réalisateur, est l’un des écrivains les plus populaires de sa génération en Israël.

« Crise d’asthme »

(éd. Actes Sud, 2002) – Trad. Rosie Pinhas-Delpuech

Un recueil de 48 nouvelles, des récits très courts, d’une écriture singulière et se rattachant à un univers tragi-comique, des parenthèses de vie souvent à la limite de l’absurde. Parmi celles-ci Cent pour cent :

Cent pour cent

Que peuvent-ils me dire sur elle que je ne sache déjà ? Que peuvent-ils me dire qui me fasse l’aimer un milligramme de moins ? (…) Que peu importe, que ce qu’il y a entre nous est si fort que rien ne peut le détruire (…) Cette nuit là, nous allons au lit. Nous nous embrassons. Nous déshabillons. Mais la chemise reste (…) Après avoir tout défait, elle me regarde longuement dans les yeux, je retiens mon souffle, elle lâche les pans de la chemise. Et je vois ce qu’il y a dessous. (…)

SAVYON LIEBRECHT

Née en 1948 à Munich (sous le nom de Sabine Sosnowski), de parents juifs polonais rescapés de l’holocauste, Savyon Liebrecht s’installe avec sa famille en 1950 en Israël. Elle est une des plumes féminines sensibles de sa génération.

Un toit pour la nuit

(éd. Buchet-Chastel, 2008) – Trad. Joelle Marelli, Arlette Pierrot, Ziva Avran, Fabienne Bergmann litIs3

Un recueil de sept nouvelles à l’écriture intimiste, sensible et souvent poétique, qui évoquent le parcours intime et sentimental d’une jeune femme, de l’enfance à l’âge adulte. Quête désespérée des origines, de l’amour et de la maternité inspirés par sept lieux différents, ayant un lien avec le chaos : Munich, Hiroshima, Tel-Aviv, Jérusalem, l’Amérique, le kibboutz et l’auberge nommée Un toit pour la nuit.

AMOZ OZ

Chanter et autres nouvelles

(Éd. Gallimard 2014) – Trad. Sylvie Cohen

Ce recueil réunit un ensemble de nouvelles qui se déroulent dans le village imaginaire de Tel-Ilan, situé dans le nord d’Israël. Dans la nouvelle « Chanter » Dahlia Levine, bibliothécaire, réunit chez elle une chorale amateur et, à l’occasion de cette réunion, tous chantent et boivent ensemble dans la gaité de cet instant partagé. Dans les autres nouvelles l’auteur dépeint des scènes ordinaires de la vie villageoise. Kobi Ezra doit surmonter la timidité de ses 17 ans pour séduire Dahlia, Beni Avni, le vieux maire du village, s’interroge sur un mot étrange laissé par sa femme sur la table de la cuisine « Ne t’inquiète pas pour moi. » ; Une femme veuve attend, à un arrêt de bus du village, son neveu dont elle s’est beaucoup occupée quand il était jeune. Il lui a promis d’aller la voir. L’attente est longue, probablement il ne viendra pas. Elle rentre chez elle, seule.

POÉSIE

La poésie hébraïque est extrêmement riche et remonte à trois mille ans. J’ai donc pris le parti de ne vous donner, comme première approche, qu’une anthologie pour découvrir les principaux poètes, de vous présenter Chaïm Nacham Bialik, l’une des références importantes pour les Israéliens, et de vous faire lire (ou relire) l’un de chants d’amour les plus beaux et les plus anciens, le Cantique des Cantiques, dans une version moderne que vous ne connaissez peut-être pas.

CHAÏM NACHMAN BIALIK (1873-1934)

Né à Rady, en Volhynie au nord-ouest de l’Ukraine, Chaïm Nachman Bialik, considéré comme le poète juif de la renaissance nationale, appartient à l’époque nouvelle qui s’ouvre entre tradition et modernité, entre exil et Israël. Quand il s’immerge dans l’étude du Talmud dans une yeshiva (école talmudique), très vite le jeune homme prend conscience que ce n’est pas à ce monde qu’il rêve d’appartenir. En 1891 il s’installe à Odessa, une ville culturelle qu’il aime particulièrement où, associé avec d’autres écrivains, il fonde une maison d’édition en 1902. En 1909 il se rend pour la première fois en Palestine, puis il continue à vivre dans sa Russie natale qu’il quitte devant la montée du bolchévisme. En 1924 il choisit de s’installer à Tel-Aviv, une ville moderne avec une vie culturelle importante, plutôt qu’à Jérusalem, l’emblématique ville sainte tournée vers le passé. Quand il meurt à Vienne où il a été opéré, sa maison de Tel-Aviv, aujourd’hui transformée en musée, était devenue dès son installation ici un lieu de rencontre pour tous les amateurs de littérature hébraïque.

Au couchant sanglant

Au couchant sanglant, va vers la fenêtre

et appuie-toi contre moi.

Entre ma nuque de tes bras,

pose ta tête sur la mienne

et colle-toi à moi.

Ainsi, enlacés, imbriqués, vers la splendeur terrible

nous lèverons les yeux,

laissant voguer à l’aventure sur les océans de lumière

les chimères secrètes de nos coeurs.

Elles prendront leur envol, frémissantes colombes,

planeront dans le ciel, s’évanouiront au loin,

et se poseront sur les pics vilets, les îles aurore

avec le silencieux battements d’ailes.

Ce sont là les îles lointaines, les mondes sublimes

entrevus dans nos rêves,

qui ont fait de nous des étrangers sous tous les cieux

et de nos vies un enfer.

Ce sont là les îles d’or dont nous avions soif

comme d’une terre natale

vers lesquelles nous guidait la lueur tremblante

des étoiles nocturnes.

Et nous y sommes demeurés, sans amis ni compagnons

telles deux fleurs dans le désert,

deux égarés, éternellement en quête

de ce qu’ils avaient perdu dans une terre étrangère.

Trad. L. Schechtman

Anthologie de la poésie en hébreu moderne

(éd. Gallimard, 2001) – Trad. L. Atlan, A. Bendavid, R. Bleitrach, Frans De Haes, M. Eckhard, B. Formentelli, M. Garel, M. Itzhaki, F. Kaufmann, M. Lazard, Y. Mandel, J. Milbauer, Emmanuel Moses, Z. Namade, E. Orner, S. Reich, C. Salem, L. Schechtman, L. Schuman, S. G. Slama, Ch. Wardi et B. Ziffer.

4ème de couverture : « La poésie hébraïque, trois fois millénaire, se trouve à un tournant décisif à la fin du dix-neuvième siècle : avec la naissance du sionisme, ce n’est pas seulement la revendication d’un État juif qui s’impose, c’est aussi une langue qui renaît. L’hébreu moderne est né, et des poètes comme Bialik ou Tchernichovsky seront les premiers à lui conférer ses lettres de noblesse. » Cette riche anthologie présente une trentaine de poètes et un choix de 180 poèmes.

ANDRÉ CHOURAQUI (1917-2007)

Avocat, écrivain et homme politique, André Chouraqui passe son enfance en Algérie où il est né et à fait ses études de droit. En 1948 il est promu docteur en Droit international public à l’Université de Paris. En 1958 il décide de s’installer en Israël où il est élu vice-maire de Jérusalem en 1965. La publication de son autobiographie L’Amour fort comme la Mort, remporte un immense succès avec plus de 100 000 exemplaires. André Chouraqui a publié de très nombreux ouvrages, essais, pièces de théâtre, récits et traductions, il était membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Le Cantiques des Cantiques, psaumes,

En hébreu « Chir ha-chirim », le Cantique des Cantiques, appelé aussi le Cantique de Saloman ou le Chant de Salomon, est un texte de la Bible. Il se présente comme une suite de poèmes, de chants d’amour alternés entre une femme et un homme qui prennent à témoin d’autres personnes et des éléments de la nature. C’est l’un des plus beaux livres poétiques de la Bible. André Chouraqui s’est lancé un défi, traduire la Bible, dont la monumentale publication (26 volumes) a fait date, puis il a affronté un autre défi celui de traduire le Coran. Le jour de sa bar-mitswa (majorité religieuse) André Chouraqui confie: « Dès que je connus assez de français, je m’évertuais à mieux pénétrer le sens de nos prières, en m’aidant des traductions existantes de notre rituel ou de nos Bibles. C’est sans doute auprès du deuxième pilier marbré de notre synagogue, sur le côté gauche, en regardant l’Arche où reposaient les rouleaux de la Tora, que je pris conscience pour la première fois des problèmes que pose la traduction de la Bible. Ce que je lisais en français correspondait rarement à l’hébreu que l’on prétendait traduire. « Est-ce donc si difficile de traduire ? » me demandais-je, enfant. » Une vie entière, nous le verrons, ne me suffira pas pour répondre à cette question ( extrait de L’Amour fort comme la mort) La traduction proposé ci-dessous est célèbre dans l’œuvre de l’écrivain :

Chapitre 1 – Poème des poèmes

Poème des poèmes qui est à Shelomo.

Il me baisera des baisers de sa bouche; oui, tes étreintes sont meilleures que le vin.

À l’odeur, tes huiles sont bonnes, ton nom est une huile jaillissante; aussi, les nubiles t’aiment.

Tire-moi derrière toi, courons !
Le roi m’a fait venir en ses intérieurs.

Jubilons, réjouissons-nous en toi !

Mémorisons tes étreintes mieux que le vin ! Les rectitudes t’aiment.

Moi, noire, harmonieuse, filles de Ieroushalaîm, comme tentes de Qédar, comme tentures de Shelomo.

Ne me voyez pas, moi, la noirâtre: oui, le soleil en moi s’est miré.

Les fils de ma mère ont brûlé contre moi; ils m’ont mise gardienne de vignobles.

Mon vignoble à moi, je ne l’ai pas gardé !

Rapporte-moi, toi que mon être aime, où tu pais, où tu t’étends à midi ; car pourquoi serais-je comme affublée, auprès des troupeaux de tes amis ?

Si tu ne le sais pas pour toi, la belle parmi les femmes, sors pour toi sur les traces des ovins; pâture tes chevreaux aux demeures des pâtres.

À ma jument, aux attelages de Pharaon, je te compare, ô ma compagne !

Tes joues sont harmonieuses dans les pendeloques, ton cou dans les gemmes.

Nous ferons pour toi des pendeloques d’or, avec des pointes d’argent.

Le roi encore sur son divan, mon nard donne son odeur.

Mon amant est pour moi un sachet de myrrhe; il nuite entre mes seins.

Mon amant est pour moi une grappe de cypre, aux vignobles de ‘Éïn Guèdi.

Te voici belle, ma compagne, te voici belle aux yeux palombes.

Te voici beau, mon amant, suave aussi; aussi notre berceau est luxuriant.

Les cèdres sont les poutres de nos maisons; nos lambris, des genévriers.

Chapitre 2 – Lotus des vallées

Moi, l’amaryllis du Sharôn, le lotus des vallées.

Comme un lotus parmi les vinettiers, telle est ma compagne parmi les filles.

Comme un pommier parmi les arbres de la forêt, tel est mon amant parmi les fils.

Je désirais son ombre, j’y habite; son fruit est doux à mon palais.

Il m’a fait venir à la maison du vin; son étendard sur moi, c’est l’amour.

Soutenez-moi d’éclairs, tapissez-moi de pommes: oui, je suis malade d’amour.

Sa gauche dessous ma tête, sa droite m’étreint.

Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour avant qu’il le désire !

Va vers toi-même

La voix de mon amant ! Le voici, il vient !

Il bondit sur les monts, il saute sur les collines.

Il ressemble, mon amant, à la gazelle ou au faon des chevreuils…

Le voici, il se dresse derrière notre muraille !

Il guette aux fenêtres, il épie aux treillages !

Il répond, mon amant, et me dit: Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !

Oui, voici, l’hiver est passé, la pluie a cessé, elle s’en est allée.

Les bourgeons se voient sur terre, le temps du rossignol est arrivé, la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre.

Le figuier embaume ses sycones, les vignes en pousse donnent leur parfum.

Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !

Ma palombe aux fentes du rocher, au secret de la marche, fais-moi voir ta vue, fais-moi entendre ta voix !

Oui, ta voix est suave, ta vue harmonieuse.

Saisissez pour nous les renards, les petits renards, saboteurs de vignobles ! Nos vignobles sont en pousse.

Mon amant à moi, et moi à lui, le pâtre aux lotus.

Jusqu’à ce que le jour se gonfle, s’enfuient les ombres,

fais volte-face, ressemble pour toi, mon amant,

à la gazelle ou au faon des chevreuils, sur les monts de la rupture.

Chapitre 3 – Noces

Sur ma couche, dans les nuits, j’ai cherché celui qu’aime mon être.

Je l’ai cherché, mais ne l’ai pas trouvé.

Je me lèverai donc, je tournerai dans la ville, dans les marchés, sur les places.

Je chercherai celui qu’aime mon être. Je l’ai cherché mais ne l’ai pas trouvé.

Les gardes qui tournaient dans la ville m’ont trouvée. « Celui qu’aime mon être, l’avez-vous vu ? »

De peu les avais-je dépassés que je trouvai celui qu’aime mon être.

Je l’ai saisi et ne le lâcherai pas avant de l’avoir fait venir à la maison de ma mère, dans l’intérieur de ma génitrice.

Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour avant qu’il le désire !

Qui est celle qui monte du désert, comme palmes de fumée, encensée de myrrhe et d’oliban, de toutes les poudres du colporteur ?

Voici le lit de Shelomo, soixante héros sont autour de lui, des héros d’Israël;

tous armés d’épée, initiés à la guerre, chaque homme son épée sur sa cuisse, contre le tremblement des nuits.

Le roi Shelomo s’est fait un palanquin en bois du Lebanôn.

Il fait ses colonnes d’argent, sa tapisserie d’or, ses montants de pourpre, son intérieur tapissé d’amour par les filles de Ieroushalaîm.

Sortez, voyez, filles de Siôn, le roi Shelomo,

le nimbe dont sa mère l’a nimbé le jour de sa noce, le jour de la joie de son coeur !

Chapitre 4 – Viens avec moi

Te voici belle, ma compagne, te voici belle !

Tes yeux palombes à travers ton litham; tes cheveux tel un troupeau de caprins qui dévalent du mont Guil’ad;

tes dents tel un troupeau de tondues qui montent de la baignade; oui, toutes jumelées, sans manquantes en elles.

Tes lèvres, tel un fil d’écarlate, ton parler harmonieux; telle une tranche de grenade, ta tempe à travers ton litham ;

et telle la tour de David, ton cou, bâti pour les trophées: mille pavois y sont suspendus, tous les carquois des héros.

Tes deux seins, tels deux faons, jumeaux de la gazelle, pâturent dans les lotus.

Avant que le jour se gonfle et s’enfuient les ombres, j’irai vers moi-même au mont de la myrrhe, à la colline de l’oliban.

Toi, toute belle, ma compagne, sans vice en toi.

Avec moi du Lebanôn, fiancée, avec moi du Lebanôn, tu viendras !

Tu contempleras de la cime d’Amana, de la cime du Senir et du Hermôn, des tanières de lions, des monts de léopards !

Tu m’as incardié, ma soeur-fiancée, tu m’as incardié d’un seul de tes yeux, d’un seul joyau de tes colliers.

Qu’elles sont belles, tes étreintes, ma soeur-fiancée, qu’elles sont bonnes tes étreintes, plus que le vin !

L’odeur de tes huiles plus que tous les aromates !

De nectar, elles dégoulinent, tes lèvres, fiancée !

Le miel et le lait sous ta langue, l’odeur de tes robes; telle l’odeur du Lebanôn !

Jardin fermé, ma soeur-fiancée, onde fermée, source scellée !

Tes effluves, un paradis de grenades, avec le fruit des succulences, hennés avec nards;

nard, safran, canne et cinnamome avec tous les bois d’oliban; myrrhe, aloès, avec toutes les têtes d’aromates !

Source des jardins, puits, eaux vives, liquides du Lebanôn !

Éveille-toi, aquilon ! Viens, simoun, gonfle mon jardin !

Que ses aromates ruissellent !

Mon amant est venu dans son jardin; il mange le fruit de ses succulences.

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