الحب

Arabie saoudite

Bahreïn

Emirats arabes unis

Iraq

Jordanie

Koweït

Liban

Oman

Palestine

Qatar

Syrie

Yémen

* "amour" en Arabe

Quelques précisions sur cette langue

L’arabe est une langue sémitique aujourd’hui parlée en première ou seconde langue par plus de 422 millions de personnes au sein du monde arabe et de la diaspora arabe.
La langue arabe est originaire de la péninsule Arabique, où elle devint au VIIe siècle la langue du Coran et la langue liturgique de l’islam. La colonisation territoriale de l’Empire arabe au Moyen Âge et l’islam en ont largement répandu l’usage au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe (péninsule Ibérique, Sicile, Crète, Chypre, territoires d’où elle a disparu, et Malte, où le maltais en constitue un prolongement particulier). Parlée d’abord par les Arabes, cette langue qui se déploie géographiquement sur plusieurs continents s’étend sociologiquement à des peuples non arabes, et est devenue aujourd’hui l’une des langues les plus parlées dans le monde. C’est la langue officielle de plus de vingt pays et de plusieurs organismes internationaux, dont l’une des six langues officielles de l’Organisation des Nations unies.
La langue arabe est marquée par une importante diglossie entre l’arabe littéral, langue véhiculaire surtout écrite, et l’arabe dialectal, langue vernaculaire surtout orale. L’arabe littéral comprend l’arabe classique (pré-coranique, coranique, et post-coranique) et l’arabe standard moderne. L’arabe dialectal comprend de nombreuses variétés régionales, pas toutes intelligibles entre elles.
Les vecteurs du rayonnement culturel de la langue arabe sont l’islam, la littérature de langue arabe et les médias audiovisuels contemporains dont la télévision et Internet. Un vecteur historique important de rayonnement fut l’emprunt lexical de nombreux termes arabes dans des langues étrangères, entre autres les langues romanes dont le français.

Quelques références littéraires et cinématographiques

PALESTINE

Le cinéma palestinien, qu’il s’agisse de documentaire, de fiction, de courts-métrages ou d’animation, reste un cinéma essentiellement engagé. Il débute en 1935 avec un documentaire consacré à la visite en Palestine du roi Saoud Ben Abdelaziz Al Saoud, réalisé par Hassan Sarhan. Le premier long-métrage palestinien Le rêve d’une nuit (1948), tourné en Palestine, a disparu. Après la « Nakba » (catastrophe en arabe) et la création de l’État d’Israël en 1948, les cinéastes palestiniens se réfugient dans différents pays de l’exil et le cinéma palestinien se développe en Jordanie puis au Liban où il est financé par OLP (Organisation de Libération de la Palestine). Les spécialistes évoquent deux grandes périodes dans l’histoire du cinéma palestinien : la première relève d’un discours explicitement politique de l’OCP (Organisme de Cinéma Palestinien), fondé en 1968 par Hani Jawhirriya, dont le but était de « mettre le cinéma tout entier au service de la révolution palestinienne » ; la seconde période, dont la figure de proue est Michel Khleifi (Noce en Galilée, 1987), se rattache à un courant plus esthétique. À partir de cette époque les cinéastes palestiniens, qu’ils soient de l’intérieur ou de l’exil, acquièrent une reconnaissance internationale, en témoigne leur présence dans de nombreux festivals. Dans les années 1990, de nouveaux réalisateurs (Elia Suleiman, Subhi Zubeydi, Rachid Macharawi, Hani Abu-Assad) et de nouvelles réalisatrices (Azza El-Hassan, Maï Masri, Annemarie Jacir, Najwa Najjar) et d’autres, cherchent à travers leur filmographie à refléter au plus près la complexité de la réalité palestinienne. Annemarie Jacir à propos du cinéma de cette décennie nous dit : « Je trouve les cinéastes palestiniens très créatifs. Ils choisissent leurs thèmes qui couvrent un très large registre et la plupart d’entre eux sont capables de se libérer de ce qu’on attend d’eux (…) Les financiers européens rêvent de films sur la Palestine qui seraient « apolitiques ». Comme si chose pareille existait ! s’exclame-t-elle ! Comme si être « politique » était obsolète ou dépassé, et pour être à la page il fallait s’en détourner. » L’importance du numérique va donner un nouveau souffle au cinéma palestinien, qui connaît cependant deux difficultés majeures, le manque de moyen et la difficulté de la distribution.

Depuis longtemps le cinéma palestinien entretient une relation privilégiée avec l’Europe sous forme de co-productions, mais les co-productions européennes demandent, pour donner leur accord, un apport du pays d’origine, et la Palestine n’est pas en mesure de le faire. Suha Arraf nous précise, que : « le monde arabe a entrepris de créer cette capacité de financement ». La production palestinienne compte moins de films de fiction, sauf pour les courts-métrages, que de documentaires, la principale raison est, qu’en l’absence d’une véritable industrie du cinéma, le documentaire a un moindre coût. En 2007, Youssef Aldeek a fondé l’Association palestinienne des arts cinématographiques sociaux (PSCAA), une ONG qui croit que le cinéma reste « un moyen important de développement de la jeunesse pour diffuser une culture de non-violence, de tolérance et de réconciliation. » L’une des premières initiatives lancées en 2008 par cette association a été de mettre en place un cinéma mobile palestinien pour offrir la possibilité aux Palestiniens de Cisjordanie d’accéder au cinéma. L’écran mobile va de communautés en communautés, là où il n’existe pas de salles de cinéma. En 2015, cette association a présenté des films dans plus de cent villages devant plus de 25.000 personnes. Ces initiatives montrent que le cinéma palestinien est plein d’espoir et tente de se développer. Le cas du film Cinq caméras brisées, un film d’auteur, dont le titre à lui seul révèle le drame auquel il se réfère, mérite d’être cité en conclusion parce qu’il est porteur d’espoir. Pendant cinq ans Emad Burnat, agriculteur, qui avait reçu une caméra pour la naissance de son 4ème enfant pour filmer ses proches, commence à filmer le début du conflit. Camera sur l’épaule il filme la vie des siens, de Bil’in son village, et de ses amis affectés par les événements survenus cinq ans plutôt : les Israéliens, ayant décidé de construire un « mur de séparation » à côté de la colonie juive voisine, privent les habitants de Bil’in de la moitié de leurs terres. Les villageois s’engagent dès lors dans une lutte non violente pour préserver leur droit d’en rester propriétaires. Emad Burnat a utilisé cinq caméras, chacune s’étant brisée au cours d’incidents. De sa rencontre avec Guy Davidi, un réalisateur israélien, est né ce film. Un témoignage poignant récompensé par plusieurs prix : « Cette histoire humaine, créera des ponts avec le public, pour mieux comprendre ce qu’est l’Occupation, et je suis sûre qu’elle aura un impact sur la conscience collective. », explique Guy Davidi. Ce film – co-réalisés par un palestinien et un israélien, en langues arabe et hébreu, avec une production israélo-palestinienne – montre que le dialogue est possible et que l’espoir d’une réconciliation n’est peut-être pas vaine. Depuis des débuts timides jusqu’à aujourd’hui les cinéastes palestiniens, dans leur diversité et la complexité de la réalisation qu’est le plus souvent la leur, occupent désormais une place importante dans le paysage du cinéma international.

 

CINÉMA 

URS AL-JALIL (NOCE EN GALILÉE)

MICHEL KHLEIFI (1987)

Prix de la critique international au Festival de Cannes 1987

Ali M El Akili (le Mokhtar), Bushra Karaman (la mère), Makram Khouri (le gouverneur), Anna Achdian (la mariée)

Le Mokhtar, chef d’un village arabe palestinien, se rend chez le gouverneur israélien pour lui demander une faveur : lever le couvre-feu à l’occasion du mariage de son fils. Après d’interminables conversations le gouverneur donne son accord mais pose une condition : que lui-même et son état-major soient les invités d’honneur de la noce. Le Mokhtar, de retour chez lui, s’interroge sur la réaction de son village à cet accord. Les préparatifs de la noce se font sous tension, très vite oppositions et contradictions se révèlent au sein même de leur communauté. Certains y voient l’occasion à saisir pour commettre un attentat…

 

CANTIQUE DES PIERRES

MICHEL KHLEIFI (1990)

Bushra Karaman, Makram Khoury

Cette histoire d’amour entre deux Palestiniens, elle originaire de Galilée, lui de Cisjordanie, remonte au début des années 1970, époque où ils se sont aimés avec passion et une profonde sincérité. Les événements politiques vont briser leur vie, les séparer brutalement : lui, résistant, est arrêté par les forces armées israéliennes et emprisonné à vie ; elle, décide d’immigrer aux Etats-unis. Quinze ans plus tard, au moment du déclenchement de l’Intifada dans les territoires occupés, ils ont l’occasion de se revoir, de se retrouver : leur sentiments sont intacts et leur amour renaît sous un nouveau jour.

 

LE CONTE DES TROIS DIAMANTS

MICHEL KHLEIFI (1995)

Mohamed Nahhal (Youssef), Hana’Ne Meh (Aïda), Bushra Qaraman (la mère de Youssef)

Youssef et Aïda , amoureux, poursuivront leur rêve jusqu’au bout. Youssef, un jeune palestinien de douze ans vit dans un camp de réfugié, situé dans la bande de Gaza, avec sa mère et sa sœur. Son père est en prison et son frère, un combattant recherché par la police israélienne, a pris la fuite. Youssef part chasser des oiseaux en forêt et il rencontre Aïda, une jolie gitane. Elle est belle, a le même âge que lui, il s’éprend d’elle et elle va lui donner l’occasion de devenir le héros de ce conte moderne. Aïda le présente à sa mère qui comprend qu’une histoire de coeur s’est nouée entre les deux adolescents. Elle lui montre un collier, rapporté d’Amérique latine par sa famille, auquel il manque trois diamants. Si Youssef retrouve ces trois pierres précieuses, il pourra épouser Aïda. Il part à la recherche des diamants et, grâce à son imaginaire, Youssef croit qu’il ira jusqu’au bout de ce rêve pour conquérir Aïda. C’est la quête poétique et politique d’un enfant de Gaza.

 

LE MARIAGE DE RANA, UN JOUR ORDINAIRE À JÉRUSALEM

HANY ABU-HASSAD (2001)

Clara Khoury (Rana), Khalifa Natour (Khalil), Ismael Dabbagh (Ramzy), Walid Abed Elsalam (l’officier du mariage), Zuher Fahoun (le père)

Rana est la fille d’un homme d’affaire palestinien de Jérusalem-est. Son père doit partir pour l’Egypte à 16h et il menace sa fille de l’obliger à le suivre si elle n’épouse pas l’un des prétendants qui figure sur la liste qu’il lui présente. Dès l’aube on suit le parcours de Rana, qui aime Khalil et le cherche désespérément pour qu’ils se marient au plus vite et puissent ainsi mettre son père devant le fait accompli. Rana, au volant de sa coccinelle jaune, va de Jérusalem à Ramallah, des déplacements toujours compliqués pour les Palestiniens  et, même si l’humour n’est pas absent de cette folle journée, on comprend leur dure réalité. Rana doit se battre contre l’intransigeance de son père, imposer son refus du mariage forcé et affronter le quotidien (barrages, fouilles, la peur, la mort qui n’est jamais loin) Hany Abu-Assad confie : « Lorsque l’aberration des barrages et de l’occupation deviennent une réalité quotidienne, de simples concepts comme l’amour et le mariage deviennent fiction. C’est la réalité de la vie en Palestine aujourd’hui et je voulais la mettre à l’épreuve par le biais du cinéma. »

 

YADON ILLAHEYYA (INTERVENTION DIVINE)

ELIA SULEIMAN, 2002)

Prix du jury au Festival de Cannes – Nayeh Fahou Daher (le père), Manal Khader (Naoya), Elia Suleiman (E. S.)

Ce film est sous-titré « chroniques d’amour et de douleur ». Es, un Palestinien habitant à Jérusalem, est amoureux d’une Palestienne qui vit à Ramallah. Il partage sa vie entre son père, très fragile, et la femme qu’il aime mais qui, en raison de la situation politique, ne peut se rendre à Jérusalem. Elle ne peut aller au-delà du checkpoint, et ils n’ont pas d’autre choix que de se retrouver sur un parking près de celui-ci. Dans ce film, non dépourvu d’humour, avec peu de dialogues mais les bruits de la ville sont présents, Elia Suleiman nous montre, à travers des querelles de voisinages qui prennent parfois une ampleur démesurée, l’absurdité des situations, le mal être, l’amertume, les désillusions, les tensions et la difficulté de communiquer.

 

LA FIANCÉE SYRIENNE

ERAN RIKLIS (2004)

Hiam Abbass (Amal), Makram Khoury (Hammed), Clara Khoury (Mona), Ashraf Barhom (Marwan), Eyad Sheety (Hattem)

Si j’ai choisi d’inclure ce film ici c’est parce que le fait qu’un réalisateur israélien et une scénariste palestinienne aient pu travailler ensemble, est porteur d’espoir. Eran Riklis, qui se bat pour qu’il y ait un dialogue entre Israéliens et Palestiniens, tente à travers sa filmographie de développer un message humaniste. Mona est issue d’une famille druze qui habite les hauteurs du Golan. Elle est sur le point d’épouser un jeune acteur syrien connu. Suite aux hostilités entre Israël et la Syrie, les deux pays sont séparés par une zone démilitarisée contrôlée par l’ONU. On ne peut délivrer une autorisation pour traverser cette zone qu’a titre exceptionnel. La fiancée est amenée à la frontière et là, elle vit mal son émigration imminente. Si Mona passe, il lui sera interdit de revenir dans le Golan, même si il s’agit d’une simple visite à sa famille. Mona hésite, son incertitude tient aussi au fait qu’elle ne connaît pas son mari. Eran Riklis, dont plusieurs films ont connu un succès international notamment Cup Final, a souhaité travailler avec Suha Arraf, une jeune femme arabe qui étudiait l’écriture du scénario. Avec cette démarche le cinéaste espère  « ouvrir l’esprit » des spectateurs. Chacun se dit-il a ses préjugés, ses propres convictions, son propre bagage personnel, familial, national. Mais j’ai envie de dire à ceux qui vont voir mes films : «  Quand vous entrez dans mon film, dans l’un de mes films, je voudrais que vous essayiez de peut-être accueillir un point de vue différent. » Et il ajoute : «  Je crois que les films sèment la graine du processus de réflexion. »

 

MILH HADHA AL-BAHR (LE SEL DE LA MER)

ANNEMARIE JACIR (2007)

Suheir Hammad (Soraya), Saleh Bakri, (Esmad), Ryad Diss, (Marwan), Yahya Barakat (Ziad), Shelly Goral (Irit)

Soraya, qui est née et a grandi à Brooklyn, a aujourd’hui 28 ans et elle décide de rentrer vivre en Palestine, terre d’où sa famille a pris le chemin de l’exil en 1948. Quand elle arrive à Ramallah, elle cherche à récupérer la fortune de ses grands-parents, bloquée sur un compte à Jaffa, mais la banque refuse : en réalité le compte datant d’avant 1948 n’existe plus. Soraya fait la connaissance d’Esmad, un jeune palestinien, qui rêve de partir pour toujours. L’un comme l’autre sont excédés par les multiples contraintes qui leur sont imposées. Ils comprennent que pour devenir libres ils doivent prendre la situation en mains, quitte à enfreindre la loi. Après leur modeste forfait accompli, ils passent la frontière et commencent leur cavale en Israël, d’abord à Jaffa, puis à travers les ruines du village de la famille d’Esmad. Ce premier long-métrage de fiction réalisé par une femme arabe palestinienne, a été sélectionné pour représenter la Palestine au 81ème Academy Awards.

 

GRENADES ET MYRRHE

NAJWA NAJJAR (2008)

Yasmine Elmasri (Kamar), Ali Suliman, Hiam Abbas (Umm Habib), Ashraf Farah

Un triangle amoureux sur fond d’occupation et de saisie des terres dans des villages au nord de Ramallah. Kamar est une jeune danseuse, mariée à un homme qui se retrouve en prison peu de temps après son mariage. Elle se rend tous les jours à la prison où elle parle et embrasse son mari à travers un grillage. Femme de prisonnier, peu à peu elle s’éloigne de tout ce qu’elle aime jusqu’au jour où elle décide de continuer à vivre, de danser à nouveau, de se libérer des tabous. Elle rencontre Kais, un chorégraphe palestinien, danse avec lui et soudain leurs corps ressentent de vertigineuses vibrations. Kamar et Kais vivent des instants beaucoup plus intenses que ceux d’une simple danse émotionnelle. Parallèlement, l’action juridique de la famille, contre la saisie des terres, se poursuit mais elle doit affronter plusieurs obstacles. Quant à Kamar, au coeur d’une situation délicate, elle se trouve emportée dans la tourmente.

VILLA TOUMA (LA BELLE PROMISE)

SUHA ARRAF (2014)

Nisreen Faour (Juliette Touma), Diana Zreik (Umm Hana), Oriette Zaknun (Umm Jeiris), Ula Tabari (Violette Touma), Maria Zreik (Badia Touma), Cherien Dabis (Antoinette)

C’est l’histoire de Juliette, Antoinette et Violette, trois sœurs issues de l’aristocratie chrétienne, qui se retrouvent, comme de nombreuses citadines de villes palestiniennes (Jaffa, Ramallah, Haïfa, Acre, Nazareth, Bethléem, Jérusalem…), dans des maisons désertées par les hommes, partis le plus souvent aux Etats-Unis, au Canada ou en Amérique Latine, dès qu’une crise frappe le pays. Depuis la guerre des Six jours (1967), elles ont perdues leurs terres et leur statut social. Recluses dans leur belle demeure au cadre raffiné et dans leur passé elles attendent, probablement, un fiancé qui ne viendra jamais. Dans leur villa de Ramallah les sœurs Touma accueillent Badia, leur jeune nièce « la belle promise », qui a grandi dans un orphelinat. Sa venue obligent ses tantes à réagir et elles vont avoir une obsession, lui trouver un mari…

 

AMOURS, PETITS LARCINS ET AUTRES COMPLICATIONS

MUYAD ALAYAN (2015)

Sami Metwasi (Mousa), Maya Abu Alhayyat (Manal), Ramzi Maqdisi (Kamal)

Mousa vit dans la banlieue palestinienne de Jérusalem et espère se constituer un butin pour pouvoir quitter Israël. Bien que son père ait réussi à lui trouver un permis de travail sur un chantier, il quitte ce boulot préférant continuer à vivre de larcins et de vols de voitures. De plus, il ne s’embarrasse avec la moralité : il a quitté Manal, son amour de jeunesse, quand elle était enceinte de lui, et il l’a poussé dans les bras d’une riche palestinien avec lequel elle vit, mais il continue à la voir, quand son mari est absent, et ils restent toujours amants. C’est elle qui le retient ici mais, il le sait, cette relation est destructrice. Dans la vie de Mousa rien n’est simple et tout va soudain se compliquer quand il vole une voiture à laquelle il ne fallait surtout pas toucher. Il croyait voler un véhicule israélien et le revendre dans son camp de réfugiés palestiniens, hors, quand il ouvre le coffre il trouve un soldat israélien qui a été kidnappé. La police israélienne et les activistes palestiniens sont à ses trousses et on suit les tribulations burlesques de ce petit malfrat.

3000 NUITS

MAÏ MASRI (2017)

Maisa Abd Elhadi (Layal), Nadera Omran (Sanaa), Abeer Haddad, Zais Qoda

Est-ce un film d’amour ? Non, mais ce film fait référence à une histoire de couple séparé pour des raisons dramatiques. Layal, une institutrice et jeune mariée palestinienne, apprend en prison qu’elle est enceinte. Arrêtée (elle a pris en stop un adolescent suspecté d’avoir participé à un attentat meurtrier), elle est condamnée à huit ans ferme (3000 nuits). Elle refuse d’avorter, est abandonnée par son mari, et soutenue par sa mère et son avocate israélienne. Véritable plongée dans le milieu carcéral israélien avec le seul point de vue de la cinéaste palestinienne face à l’Histoire. Elle dénonce les incarcérations injustifiées et fait aussi état de la maternité en prison. Un huit clos carcéral dur. Le film est tiré d’une histoire vraie, la réalisatrice a rencontré plusieurs femmes qui ont accouché en prison, et le film a été tourné dans une vraie prison en Jordanie.

 

JE DANSERAI SI JE VEUX

MAYSALOUN HAMOUD (2017)

Mouna Hawa (Leila), Sana Jammelieh (Salma), Shaden Kanboura (Nour)

Sélectionné dans de très nombreux festivals où le film a obtenu de nombreuses récompenses dont : Prix Netpac au festival international du Film de Toronto 2016, Prix Sebastian, L’Autre regard et Jeunesse au 64ème Festival de San Sebastian, prix du Meilleur Premier Film, du Public et d’Interprétation au 32ème Festival international de Haïfa.

Leila, Salma et Nour sont trois jeunes femmes, palestiniennes de nationalité israélienne, au caractère bien trempé. Chacune à sa manière de s’affirmer et de défendre sa liberté. Mais s’émanciper et devenir indépendantes n’aient pas un pari si vite gagné, même à Tel-Aviv réputée ville de libertés mais où règne beaucoup d’hypocrisie ! Layla, avocate aux moeurs libres, et Salma, la plus désinvolte, aiment sortir, aller en boîte, fumer, boire des coups. Salma est DJ et bosse dans un restaurant. Quand elle se rend chez ses parents, ils lui présentent des prétendants car ils aimeraient la marier : mais elle n’ose pas leur avouer qu’elle aime les femmes… Quand Nour vient les rejoindre, et partage avec elles une colocation, elle affiche un look et une mentalité très différente. Musulmane pratiquante, elle porte le voile, cache les bouteilles d’alcool quand son fiancé doit passer la voir, car il refuse de serrer la main des femmes et aimerait que Nour abandonne ses études d’informatiques pour qu’après leur mariage « forcé », elle se tienne à la stricte place de la femme au foyer et abandonne ses aspirations professionnelles. Premier long-métrage de la jeune réalisatrice qui frappe fort en osant dénoncer – à travers le portrait de trois femmes, les tabous dont la société refuse de parler (mariage forcé, harcèlement sexuel, viol, homosexualité) -, et défendre les droits des femmes et les injustices dont elles sont l’objet qu’elles soient arabes, juives ou arabes israéliennes.

 

LITTÉRATURE PALESTINIENNE

La littérature arabe est riche et très ancienne mais dans le cadre de cette brève introduction je ne remonterai pas au-delà du XIXé siècle. Les principaux représentants de la littérature palestinienne avant l’exil sont Rûhî al-Khalidi (1864-1914), le célèbre poète des années 1930 Ibrâhîm Tûqân (1905-1941), et ‘Abd al-Rahîm Mahmûd (1913-1948), dont les oeuvres sont rarement traduites en français. Aussi ai-je choisi de vous présenter les auteurs considérés comme les plus importants, en tant que romanciers ou poètes, depuis la naissance de l’Etat d’Israël en 1948. Nombreux sont ceux qui sont nés dans la première partie du XXè siècle, voire quelques années seulement avant 1948. A l’issu de cet événement dit de la nakba (la catastrophe), les écrivains palestiniens se sont démarqués en tant qu’écrivains de la résistance qu’il soit Palestiniens de l’intérieur, réfugiés dans des camps ou partis en exil à l’étranger. Leur littérature ou leur poésie engagée leur a valu de subir la prison, ce fut le cas pour Tawfîq Zayyâd, Kamâl Nâsir, Samîh al-Qâsim et surtout Mahmûd Darwîch. Le déracinement, la solitude, le problème d’identité, l’oppression, le mépris, l’injustice mais aussi l’espoir de retour, de réconciliation, de dialogue, de paix sont des thèmes récurrents au coeur de leur œuvre.

ROMAN

JABRÂ IBRÂHIM JABRÂ (1920-1994)

Romancier, poète, nouvelliste, critique d’art et traducteur réputé, notamment de Shakespeare, Faulkner, Wilde et Beckett pour ne citer qu’eux, Jabrâ Ibrahim Jabrâ, d’origine palestinienne, a étudié en Israel, au Royaume-Uni et a enseigné la littérature anglaise à Jérusalem puis à l’université de Bagdad. Chassé de Palestine en 1948, exilé, il s’est installé à Bagdad où il est mort en 1994. Son œuvre, peu connue en France, a été largement traduite notamment en anglais. Il est considéré comme l’un des grands écrivains de la littérature arabe contemporaine, son exil en Irak et sa participation à la vie intellectuelle du pays font que beaucoup le considère comme un intellectuel irakien.

La quarantième pièce

(éd. Bilingues Langues et Mondes, 1997) Trad. Luc-Willy Decheuvels

Tirée d’un ancien conte cette histoire est celle d’un prince qui, fort épris d’une femme du peuple, l’épouse. Son amour est si grand qu’il lui offre un palais, reçu en héritage de son père, une demeure de quarante pièces, quasi sacrée pour lui. Cependant, en lui remettant les clefs il lui donne les instructions suivantes. Elle est autorisée à vivre dans trente-neuf pièces, mais elle ne peut pénétrer dans la quarantième. Bien sûr, à peine arrivée au palais, la belle brûle de curiosité pour découvrir le mystère de la pièce interdite :

« Un jour, le prince partit pour la chasse avec sa suite (…) Sa femme saisit l’occasion que leur absence lui offrait et se rendit à la porte de la pièce interdite, munie d’un coffre contenant toutes les clefs de la demeure. Elle les essaya l’une après l’autre mais ne put venir à bout de la serrure (…)

Armée d’une lourde masse qu’elle avait grand peine à porter (…) elle la jeta contre la porte qui céda. Elle entra dans la pièce (…) Elle entendit alors une voix :

– Si c’est bien vous, princesse, retournez immédiatement d’où vous venez avant de le regretter ! »

Le navire

(éd. Arcanteres, éd. UNESCO, 1996) Trad. Michel Buresi, Jamal Chehayed

Dans ce navire, un grand bâtiment flottant, l’auteur nous invite durant une croisière de Beyrouth à Naples, qui ressemble à une fuite, à suivre l’histoire d’Issam et de sa cousine Lama, qui rappelle celle de Roméo et Juliette. Ce roman est construit à la manière d’un journal écrit à plusieurs mains, plusieurs voix, celles de cinq personnages mis en présence au cours de cette traversée. L’auteur évoque l’exil, les errances, les tourments, les fantasmes et les rêves d’intellectuels palestiniens.

EMILE HABIBI(1922-1996)

Né en 1922 à Haïfa, à cette époque en Palestine, Émile Habibi a accepté comme de nombreux « Palestiniens de l’intérieur » de prendre la nationalité israélienne en 1948. Il a été l’un des principaux chef historique du Parti communiste palestinien, et rédacteur en chef de l’un des plus importants quotidiens arabes de Haïfa Al Ittihad (L’union).

Soraya fille de l’ogre

(éd. Gallimard, 1991) Trad. Jean-Patrick Guillaume

Soudain Soraya « la fille de l’ogre », une étrange adolescente, la sauvageonne des pentes du Carmel, aimée autrefois, réapparaît de façon inexplicable. Cet évènement est l’occasion pour l’écrivain de faire ressurgir un passé enfoui et d’explorer une nouvelle fois le sentiment « d’exil intérieur »

SAHAR KHALIFA

Palestinienne née à Naplouse en 1941, Sahar Khalifa fait des études de littérature anglo-saxonne aux Etats-Unis à l’Université d’Iowa dont elle est diplômée. En 1988 elle revient dans la Palestine occupée où elle fonde deux centres des affaires et d’études féminines qu’elle dirige. Dans ses romans, traduits en plusieurs langues dont l’hébreu, elle plaide en faveur des femmes.

La foi des tournesols

(éd. Gallimard, 1988)

Cette histoire, qui se situe dans la partie arabe d’Israël, nous plonge dans la vie quotidienne avec sa série de drames, de blessures, d’espoirs, de désillusions, d’attentes, de peurs, de résignation et de violences récurrentes. Deux frères, Bassel al-Kharmi, un révolutionnaire qui a été emprisonné, et Adel, journaliste, poursuivent le même but, accéder à la paix et à l’indépendance, mais leurs chemins n’empruntent pas les mêmes voies. À travers la vie de deux femmes, l’une citadine et l’autre rurale, Sahar Khalifa dénonce la condition féminine dans toute sa complexité. Rafif, amoureuse d’Adel avec lequel elle collabore à la même revue, supporte mal d’avoir si peu de poids dans ce monde d’hommes, alors qu’elle partage à leurs côtés le même quotidien, les mêmes risques. Saddieh, veuve, a tout perdu en se retrouvant sans mari. Pour élever ses nombreux enfants, elle doit travailler et cette nécessité lui vaut incompréhension, sarcasmes et calomnies de la part de ceux qui l’entoure, principalement ses voisines. Chacune dans leur bulle, en ville comme à la campagne, doit affronter les divergences, le manque de tolérance, la difficulté de s’affirmer, d’avoir un espace de liberté, qu’il s’agisse de l’intellectuelle ou de la paysanne. Les points de vue divergent entre ceux qui revendiquent la modernité et ceux déterminés à rester enfermés dans le carcan des traditions. Toutes ces sensibilités sont explorées avec finesse par l’auteur.

L’impasse de Bab Essah

(Bâb as-sâha, éd. Flammarion, 1997) – Trad Youssef Seddik, Mohamed Maouhoub

« Après la disparition du soldat, l’armée boucla toutes les issues des ruelles, et entama les fouilles (…) Une implacable chasse à l’homme commença (…) Houssam blessé à la jambe, sauta dans l’arrière-cour de Sakina et se planqua sous les pavots et les plantes grimpantes. » Quand vint la nuit il frappa à la porte de Nouzha, une jeune prostituée, et lui demanda de le cacher. Samar, un universitaire de vingt-six ans, une nuit de couvre-feu, se refugia aussi chez Nouzha comme Sitt Zakia, la sage-femme du quartier et Oum Azzam qui fuit les violences de son mari. Les femmes se laissent aller aux confidences, tous s’interrogent sur la possibilité de sortir de cette impasse – la ruelle étant totalement bloquée, personne ne peut en sortir sans être contrôlé – pour aller retrouver leur famille sans être dénoncés ? L’auteur, à travers ces portraits de femmes, saisit l’occasion de jeter un regard critique sur la condition de femme et de Palestinienne.

IBRAHIM SOUSS

Délégué général de Palestine à Paris, Ibrahim Souss né en 1945 à Jérusalem, en Palestine mandataire, est écrivain et homme politique. Il fait ses études universitaires à Paris à l’Institut d’études de politiques, où il est reçu docteur d’État en science politique de l’Université de Paris, et à l’école normale de musique, puis à Londres au Royal College of Music. Ibrahim Souss commence une carrière à trois volets : politique, il est représentant de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine (1978-1992), délégué général de Palestine en France, représentant de l’OLP à l’UNESCO (1975-1980), professeur de sciences politiques dans plusieurs universités européennes ; musicale, comme pianiste et compositeur ; littéraire, avec la publication de plusieurs romans (Loin de Jérusalem, Les roses de l’ombre, le Retour des hirondelles), des essais, ( Lettre à un ami juif, Dialogue entre Israel et la Palestine) et de recueils de poésie (Les fleurs de l’olivier, Goliath, Au commencement était la pierre, Les rameaux de Jéricho)

Loin de Jérusalem

(éd. Liana Levi, 1987)

Au début des années 1930, les parents juifs de Gabriella fuient l’Allemagne nazie et s’installent en Palestine. Ils ont pour voisins les parents de Nabil, ils cohabitent et leurs enfants s’entendent bien, mais la montée de la violence créée des tensions. Au fil du temps Gabriella et Nabil, adolescents, s’éprennent l’un de l’autre, au grand dam de leurs parents qui, cependant, ne les empêchent pas de se voir et de s’aimer. Hélas, se pose les problèmes de l’immigration et les Palestiniens sont chassés de leur domicile par des troupes anglaises. Une histoire dure et sensible, qui renvoie à l’actualité et nous éclaire sur le conflit israélo-palestinien.

ADANIA SHIBILI

Née en 1974, Adania Shibili est romancière, nouvelliste et scénariste.

Reflets sur un mur blanc

(éd. Actes Sud, 2004) Trad. Stéphanie Dujols

Recueil de cinq nouvelles où l’on suit, par petites touches, les instants de la vie ordinaire d’une jeune fille solitaire qui observe, à distance, son village et sa famille. Sa mère est effacée et malheureuse d’avoir un mari infidèle, son frère est mort et son souvenir l’habite : « le ciel n’a pas changé de silence, ni d’apparence, ni de lieu, après que l’esprit du frère y est monté. La jeune fille lève les yeux à la recherche d’une trace quelconque. » Elle a huit sœurs dures et peu chaleureuses : «  chacune des sœurs, suivant l’ordre familial, passe enlacer la mariée qui est assise toute seule sur un canapé nuptial. Ses yeux enlace le mur blanc qui se dresse derrière les sœurs (…) la jeune fille tient le bord de la robe blanche (…), la main droite tient le bouquet et la coiffure de la noce »

Nous sommes tous à égale distance de l’amour

(éd. Actes Sud, 2014) Trad. Sarah Siligaris

Ce roman, qui se présente un peu comme une suite de nouvelles aux confidences intimes, nous livre une réflexion sur la solitude humaine. Nous suivons tout d’abord l’étrange relation épistolaire entre une jeune femme, qui adresse des lettres à un homme qu’elle n’a jamais rencontré. La correspondance débute par une lettre à caractère professionnel à laquelle l’homme répond avec délicatesse. Sa réponse la sensibilise et l’incite à poursuivre une relation à travers l’écriture. Peu à peu l’inconnue se dévoile et exprime des sentiments secrets. Soudain son correspondant cesse de lui répondre : «  ce fut hier seulement que je reconnus que je l’aimais, après avoir reçu ce court billet dans lequel il me demandait de cesser notre correspondance (…) J’en eus les larmes aux yeux (…) je pensais à lui chaque jour. Où était l’erreur ? de l’avoir aimé ? De lui avoir avoué ? (…) De ne pas le connaître ? J’étais épuisée. » Une autre femme, ‘Afâf, esseulée elle aussi, apparait dans le récit. Elle travaille à la poste et son père, collaborateur de l’occupant, lui demande d’ouvrir les lettres pour voir si elles n’ont pas un contenu politique. Mais elle, ce n’est pas cela qui l’intéresse, ce sont les lettres d’amour… : « dès que les filles apprirent que ‘Afâf disposait de correspondances amoureuses, les moins habiles d’entre elles se précipitèrent pour les copier. »

 

POÉSIE

Quand j’ai commencé mes recherches pour vous donner un aperçu de la poésie palestinienne et vous conseiller quelques lectures, le seul poète que je connaissais était celui qui reste aujourd’hui, je crois, le plus célèbre d’entre eux, Mahmoud Darwich. Sa prose magnifique, habitée, m’avait d’emblée touchée. Mais j’ai découvert d’autres poètes et aussi de rares voix de la poésie féminine.

FADWA TOUQAN

Née en 1917, c’est l’une des rares femmes poètes palestiniennes. Si son frère Ibrahim, poète, l’a initiée à la poésie, Fadwa Touqan a vécu dans un milieu ultra-traditionnel. Elle a souffert d’être une enfant non désirée, d’être interdite d’école, d’avoir un père stricte et despotique et une mère soumise :     « Mon histoire, c’est l’histoire de la lutte d’une graine aux prises avec la terre rocailleuse et dure. C’est l’histoire d’un combat contre la sécheresse et la roche.» Mon époque dit-elle « était celle de l’asservissement» et mon espace « celui de la prison domestique ». Mais au bout du chemin rocailleux, grâce à l’écriture, sa fenêtre s’est ouverte sur le monde, la reconnaissance était là et son œuvre a été récompensée de nombreux prix.

Le rocher et la peine, Mémoires I

(éd. Langues et Mondes, 1997)

Une autobiographie saluée comme un événement littéraire.

Le cri de la pierre, Mémoires II

(éd. Langues et Mondes, 1997)

 

SAMIH AL QÂSIM (1939-2014)

Samih Al-Qâsim avec Mahmoud Darwich et Tewfik Ziad, constituait le trio des grands « poètes de la résistance » dont les poèmes, chantés par Marcel Khalifa (compositeur, chanteur et oudiste libanais, nommé artiste de l’Unesco pour la paix en 2005), font partie de la culture de combat des Palestiniens.

Originaire de Al-Ramah en Palestine, Samih Al-Qâsim, issu d’une famille d’intellectuels et d’imans Druzes, fait des études de philosophie et d’économie politique à Moscou puis se consacre à la poésie. Journaliste, il dirige la maison d’édition Arabisk, puis la Fondation populaire des arts d’Haïfa.   Incarcéré à plusieurs reprises et assigné à résidence pour ses activités militantes, il a laissé une oeuvre abondante et variée (poésie, essais, pièces de théâtre, récits), traduite dans de nombreuses langues.

Je t’aime au gré de la mort

(éd. De Minuit/UNESCO, 1988) Trad. Abdellatif Laâbi

C’est son premier ouvrage traduit en langue française.

Le poème « Voyageur ad Vitam Aeternam » commence ainsi :

Tu n’as ni patrie ni maison ni bien aimée

N’as tu pas encore compris ?

Le poème « Je t’aime au gré de la mort » se termine par ces vers :

Je t’aime

Sois sans regret

Ne tends pas la main pour me secourir

Permets-moi de t’aimer

Au gré de la mort

Je t’aime… au gré de mort

Une poignée de lumière

(éd. Circé, 1997) Trad. M. S. Yamani

 

MAHMOUD DARWICH (1941-2008)

Né en 1941 à Birwa en Galilée,   Mahmoud Darwich vit dans ce village proche de Saint-Jean d’Acre jusqu’en 1948, année où sa famille est contrainte de s’exiler au Liban. Quand, un an plus tard, ses parents tentent clandestinement de rentrer chez eux, ils constatent que leur village a été rasé et remplacé par une colonie juive. Ils s’installent à Deir al-Asad, une ville israélienne près de la frontière libanaise, où ils vivront dans une semi-clandestinité. Pour tenter d’échapper à la dureté de l’exil Mahmoud Darwich se réfugie très jeune dans la poésie. Mais au fil des années ses poèmes lui vaudront d’être emprisonné à cinq reprises entre 1961 et 1967. Son poème « Identité » , le plus célèbre de son recueil  Le rameau de l’olivier  (1964) dépasse les frontières, enflamme les coeurs des Palestiniens de l’intérieur et de l’exil, et il est chanté dans tout le monde arabe. Journaliste, assigné à résidence à Haïfa, il s’exile au Liban de 1971 à 1982. Membre du comité exécutif de l’OLP, président de l’Union des écrivains palestiniens, Mahmoud Darwich fonde et dirige Al-Karmel, l’une des principales revues littéraires arabes, qui cesse de paraître en 1993.

Son oeuvre, essentiellement poétique : «  est une véritable défense et illustration d’une terre, d’un peuple, d’une culture en même temps qu’une entreprise hardie de genèse littéraire. Elle est hantée d’un bout à l’autre par une seule idée, une seule référence, un seul corps: la Palestine. La solitude et le désarroi de l’exil exprimés côtoient l’acceptation noble et courageuse où le désespoir profond devient générateur de création, porteur d’une charge poétique intense.» Tour à tour chantre de l’amour et, porté par les événements, chantre de la révolte palestinienne Mahmoud Darwich dit à propos de son écriture : « Ma poésie vient d’un pays dans lequel s’est rompue la relation entre le temps et le lieu, d’une patrie dont les enfants ont été changés en fantômes » Toute son œuvre est traduite en français, le plus souvent par l’écrivain et traducteur Elias Sanbar auteur du Dictionnaire amoureux de la Palestine (éd. Plon 2010). Parmi ses nombreux recueils de poésie citons :

Plus rares sont les roses

(éd. de Minuit, 1989) Trad. Abdellatif Laâbi

Ensemble de poèmes en prose et en vers libres placés sous le signe de l’errance et de l’exil.

Le lit de l’étrangère

(éd. Actes Sud, 2000) Trad. Elias Sanbar

Poèmes d’amour qui chantent : « l’exil de la femme dans l’homme et de l’homme dans la femme ». A travers ce recueil Mahmoud Darwich renouvelle la tradition orientale du ghazal, un cout poème d’amour, une poésie courtoise et sensuelle inspirée par l’être aimé, désiré.

Présente absence

(éd. Actes Sud, 2006) Trad. Farouk Mardam-Bey, Elias Sanbar

Le poète restitue à travers vingt chapitres les moments importants de son existence, l’enfance, l’exil, les premiers émois amoureux, les doutes, les rêves, les révoltes jusqu’ à cette mort qu’il pressent toute proche. Avant-dernier recueil paru de son vivant.

La Terre nous est étroite et autres poèmes

(éd. Gallimard, 2000) Trad. Elias Sanbar

Mahmoud Darwich, auteur de la préface, confie « Ce recueil se présente comme une anthologie (…) et si cela n’avait dépendu que de moi, si ma liberté avait été absolue, je n’aurais probablement gardé de ma poésie que la production des deux dernières décennies (…) Je suis celui que l’on désigne comme « le poète de la Palestine » (…) J’étais, lorsque j’ai commencé à écrire, habité par l’obsession de dire ma perte, mes sens, les limites imposées à mon existence, bref, mon moi dans son milieu et sa géographie particulières. Je ne faisais pas vraiment attention au fait que mon être recoupait un être collectif. Je voulais m’exprimer, ne rêvant de changer que moi-même. Mais que pouvais-je contre le fait que mon histoire individuelle, celle du grand déracinement de mon lieu, se confondait avec celle d’un peuple ? Mes lecteurs ont ainsi trouvé dans ma voix personnelle leurs voix personnelle et collective » Et il conclut par ces mots : « Rares sont les poètes qui naissent poétiquement en une seule fois. Quant à moi, je suis né graduellement et par contractions espacées, et je continue à apprendre la marche difficile sur le long chemin du poème que je n’ai pas encore écrit. » (Décembre 1999)

Le lanceur de dés et autres poèmes

(éd. Actes Sud, 2008) Trad. Elias Sanbar, Photographies Ernest Pignon-Ernest

Ce long poème, un dernier chant en vers libres, publié en juillet 2008 un mois avant sa mort, se déroule comme un testament poétique. Mahmoud Darwich, qui sait son heure finale proche, se livre à une longue méditation sur sa vie, les hasards des coups de dés qui ont ponctué son existence. Il regarde en arrière et lui, qui a échappé à la mort plusieurs fois et traversé l’une des périodes les plus conflictuelles du Moyen-Orient, prend de la distance. Arrivé au bout du chemin, il écoute son coeur battre, se sent capable de faire la paix avec lui-même et avec le monde. Ernest Pignon-Ernest, un grand artiste novateur, appose des images sur les murs des villes. Son travail urbain très personnel réalisé aux quatre coins du monde nous permet de découvrir sa sensibilité poétique et maintes fois il a rendu hommage aux poètes, de Rimbaud à Antonin Artaud, de Nerval à Desnos, de Verlaine à Pasolini, ainsi qu’à Federico García Lorca, Vladimir Maïakovski, Nâzim Hikmet et Mahmoud Darwich qu’il rencontre en 2008. Il a pour lui la plus vive admiration, et le poète lui suggère d’aller à Ramallah. En septembre il voyage en Palestine, Mahmoud Darwich vient de mourir. En 2009 il crée en Palestine un « parcours Mahmoud Darwich », collage à Ramallah, Naplouse, Bethléem et Jérusalem. Les autres poèmes réunis dans ce recueil ont tous été récités par Mahmoud Darwich ou publiés dans des journaux avant son décès « Ils explorent, pour l’essentiel et de façon totalement inédite, le thème central de toute son oeuvre, celui d’un pays “tombé” un jour des cartes du monde. »

 

CHANSON

MARCEL KHALIFA

Marcel Khalifa né en 1950 à Amchit, Mont-Liban, est un compositeur, chanteur et oudiste libanais, nommé artiste de l’Unesco pour la paix en 2005. Il est considéré comme palestinien en Palestine, libanais au Sud-Liban, mais lui se définit comme un musicien arabe. En 1976, il crée l’ensemble « Al Mayadeen » et conquiert une renommée internationale, notamment pour les chansons Oummi (Ma mère ), Jawaz as-Safar (Passeport) et Rita w’al-Bundaqiya (Rita et le fusil) inspirées de poèmes de Mahmoud Darwich. Rita est une fillette juive que Mahmoud  Darwich a aimé dans sa première enfance et elle lui a inspiré un douloureux et beau poème. Des dizaines d’années plus tard le poète écrit : « Le talentueux oudiste Marcel Khalifa, le chante et ça donne cette merveille ». Rita, est aujourd’hui l’une des chansons les plus populaires en Palestine.

Extrait du poème :

(…) Ah Rita

qu’est-ce qui a pu éloigner mes yeux des tiens
hormis le sommeil
et les nuages de miel
avant que ce fusil ne s’interpose entre nous (…)

 

LIBAN

Les origines du cinéma libanais remontent sous le protectorat à 1929, avec Les Aventures d’Elias Mabrouk, premier long métrage libanais de Jordano Pedutti (d’origine italienne), suivi en 1931 du film Les Aventures d’Aboud Abed. L’histoire mouvementée du Liban – guerres, occupations, conflits – va influencer le cinéma. Après l’indépendance (1943) l’activité cinématographique libanaise reprend, et la période des années 1950-1960 est considérée comme un âge d’or jusqu’à l’arrivée de techniciens égyptiens au Liban. Georges Nasser est le premier réalisateur libanais à participer au festival de Cannes en 1957 avec Vers l’inconnu, et en 1967 avec Le Petit Étranger. Mohamed Selmane est représentatif du cinéma commercial de cette période, il tourne plusieurs films par an toujours couronnés de succès, puis c’est la vogue des films musicaux copiés sur le modèle égyptien. A partir des années 1970, le cinéma se scinde en deux parties. D’une part, on trouve les films commerciaux portés par des cinéastes connus comme Mohamed Selmane et Rida Myassar, mais aussi par de nouveaux réalisateurs tel Samir El Ghoussayni qui débute avec Les Chattes de la rue Hamra (1972). D’autre part, et pour la première fois, apparaissent des films « engagés » incluant longs et courts métrages, fictions et documentaires. Outre Christian Ghazi (qui s’intéresse surtout à la cause palestinienne), émergent de jeunes cinéastes qui vont marquer le cinéma libanais de cette époque. Maroun Baghdadi réalise son premier long-métrage Beyrouth, oh ! Beyrouth, Borhane Alaouié se fait connaître avec Kafr Kassem (1974) et Jocelyne Saab tourne la même année son premier documentaire, Le Liban dans la tourmente. Les trois frères Rahbani réalisent  Le Vendeur de bagues (1965), Safar Barlek (1967) et La Fille du gardien (1968)  qui ont pour vedette la star nationale de la chanson, Fairuz. La guerre civile qui éclate en 1975 altère la production cinématographique et détruit une infrastructure développée avec ses studios et ses nombreuses salles de cinéma. Entre 1975 et 1980 l’activité est presque entièrement paralysée et les œuvres majeures de cette époque sont des documentaires et des reportages sur la guerre. Randa Chahal réalise aussi des documentaires dont le plus connu est Pas à pas (1979). Borhane Alaouié tourne son premier long métrage de fiction, Beyrouth, la rencontre en 1981, présenté dans plusieurs festivals dont Cannes en 1982, et des documentaires, Lettre du temps de guerre (1984) Lettre du temps de l’exil (1987). Quant à Jocelyne Saab, elle tourne une seule fiction pendant la guerre, Une vie suspendue (1984), suivi de Il était une fois Beyrouth, un film dédié à l’anniversaire des cent ans du cinéma. Le cinéma d’après-guerre voit l’apparition de jeunes cinéastes qui ont fait leurs études à l’étranger ou vécu en exil durant la guerre (Samir Habchi, Ghassan Salhab, Danielle Arbid). Pour mieux connaître l’histoire du cinéma libanais de la période de l’après-guerre je vous renvoie au livre Regards sur le cinéma libanais (1990-2010) de Elie Yazbek, professeur de cinéma à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (éd. L’Harmattan, 2012).

 

ZOUHOUR HAMRA (FLEURS ROUGES)

MICHEL HAROUN (1957)

Michel Haroun, Hélène Freiha, Georges Dfouny, Fawzi Milan

Dans une très belle région montagneuse du Liban une handicapée, riche, s’éprend d’un jeune paysan. Ils communiquent par des gestes, des poèmes et de la musique. La jeune fille, pianiste, joue de la musique classique et le jeune homme lui répond par des airs de musique orientale. Un joli film poétique et bucolique. Unique film de Michel Haroun, considéré comme l’un des pionniers du théâtre libanais.

 

WEST BEYROUTH

ZIAD DOUEIRI (1998)

Rami Doueiri (Tarek), Mohamah Chamas (Omar), Rola Al Amin (May), Carmen Lebbos (Hala)

L’histoire raconte un pan de vie de deux adolescents, Omar et Tarek, qui, au déclenchement du conflit, se retrouvent en congé scolaire obligé. Ils s’amusent à filmer les filles en super-8 et cherchent à développer leur pellicule quand soudain ils se trouvent embarqués par les événements, une guerre qui va durer dix-huit ans. Ils vivent dans la partie musulmane de la ville et rencontre la jolie May, une petite voisine chrétienne, avec qui va naître une relation d’amour d’adolescents. La toile de fond dramatique va crescendo et annonce une fin tragique. L’originalité du film est d’aborder un sujet grave avec subtilité et dérision. Les moments cocasses alternent avec ceux d’intenses émotions devant une dure réalité. Le film met en avant des sujets tabous : la guerre, le problème confessionnel de la société libanaise clivée entre chrétiens et musulmans, le langage cru (les injures sont normalement interdites). Les enfants sont insouciants, apolitiques et ne s’embarrassent pas des polémiques religieuses et des divisions parcellaires de la ville. C’est probablement ce qui a fait le succès du film.

 

LAMA HIKYET MARIAM (QUAND MARYAM S’EST DÉVOILÉE)

ASSAD FOULADKAR (2001)

Prix de la critique au Festival de Montpellier en 2001 et plusieurs fois récompensés dans des festivals internationaux.
Bernadette Hodeib (Maryam), Talal El-Jordi (Zyad), Renée Dick, Umaya Lahoud, J. Abou-Dames, Randa Alam.

Maryam vit heureuse avec son mari Zyad mais, après plusieurs années de mariage, on découvre sa stérilité. Son mari l’assure de tout son amour mais la belle-mère ne supporte pas cette situation, le fait comprendre à son fils et peu à peu elle arrive à ses fins, le couple bat de l’aile. Subissant les pressions familiales, le fils accepte l’odieux chantage de sa mère qui veut qu’il répudie sa femme. Ne voulant pas divorcer, elle finit par accepter que son mari prenne une seconde épouse, plus jeune, qui sera en mesure de lui offrir une descendance. Mais la vie à trois s’avère insupportable, Maryam part et retourne chez sa mère mais c’est une femme meurtrie qui ne se relèvera pas de cette humiliation. Le sujet de la stérilité des femmes et de leur répudiation est une réalité au Liban, Assad Fouladkar l’aborde avec pudeur et sensibilité. Le film est inspiré d’un fait authentique.

 

LE CERF-VOLANT

RANDA CHAHAL SABBAG (2003)

Lion d’argent et Grand prix du jury à la Mostra de Venise

Flavia Béchara (Lamia), Maher Bsaibes (Youssef), Randa Asmar (Amira), Renée Dick (Mabrouck)

Lamia, seize ans, vit dans un village situé au Sud-Liban à la frontière Israélo-libanaise dont elle est séparée par une longue ligne de fils barbelés. Ces derniers séparent la bourgade en deux et l’espace entre les deux parties est devenu un terrain pour les jeunes libanais qui jouent au cerf-volant et d’où Lamia observe la vie dans la partie interdite. Les habitants ont le droit de communiquer à l’aide de mégaphones, sous surveillance militaire, mais ils n’ont pas le droit de se rencontrer et ils arrivent à se voir grâce à des jumelles. Lamia apprend que sa famille l’a promise à son cousin Samy, qui vit de l’autre côté des barbelés, mais elle ne le connaît pas. N’ayant pas son mot à dire elle est mariée contre son gré, chez les siens et sans son mari, puis elle doit abandonner son petit frère, son école, son cerf-volant et sa mère pour franchir, seule en robe de mariée, le no man’s land, un passage ouvert sous contrôle des deux côtés qui permet aux mariés et aux cercueils de regagner leurs villages d’origine. L’adolescente, désormais loin des siens et de l’autre côté de la frontière, ne s’intègre pas à cette nouvelle vie, et elle se refuse à son mari. Peu à peu elle va vivre une liaison amoureuse impossible avec Youssef, un garde-frontière druze dans l’armée israélienne… La cinéaste dit avoir réalisé : « un film dur et douloureux, qui évoque l’occupation, la mort et le mariage forcé. »

 

DUNIA

JOCELYN SAAB (2005)

Prix du public au Festival international du film de Fribourg

Hanan Turk (Dunia), Mohamed Mounir (Beshir / la voix de l’Egypte), Fatih Abdel Wahab (Mamdouh), Sawsan Badr (Arwa), Ayda Reyad (Inayate), Khaled El Sawy (Hazem)

Dunia a vingt trois et vit au Caire. Elle cherche sa voie et elle a un grand rêve, devenir danseuse professionnelle comme sa mère disparue. Elle étudie la poésie soufie dans le but de faire une thèse sur l’amour dans la poésie arabe. A l’occasion d’un casting de danse orientale, elle fait la connaissance d’un illustre professeur qui lutte contre l’obscurantisme religieux. Aux côtés de ce séduisant homme de lettres et penseur soufi, elle découvre le goût des mots et aussi le plaisir des sens, en dansant dans ses bras. Mais cet éveil à la sensualité, à la volupté va l’amener à affronter sa « paralysie » au plaisir, son mari d’ailleurs lui reproche sa « froideur ».

Elle confie à ses amies : « j’ai envie mais mon corps dit non : on comprend qu’elle a été excisée. L’une d’elle, Yasmine, refuse de faire excisée sa fille de 8 ans. C’est avec la rage de danser que Dunia réussira à « libérer son corps et à danser avec son âme ». La cinéaste franco-libanaise aborde des sujets tabous, la poésie soufie et la danse étant souvent associées à la « pornographie », et surtout elle évoque tous les traumatismes liés à l’excision qui apparaît en filigrane à travers plusieurs personnages. Dans une interview à RFI, Jocelyn Saab explique qu’elle avait choisi de terminer son film sur un chiffre, peu connu : « Selon Amnesty International et le PNUD, 97% des Egyptiennes sont excisées ». Une phrase qu’elle a été obligée d’enlever pour sortir son film en Egypte.

 

SUKKAR BANAT (CARAMEL)

NADINE LABAKI (2007)

Nadine Labaki (Layale), Yasmine Al Masri (Nisrine), Sihame Haddad (Rose), Joanna Moukarzel (Rima), Gisèle Aouad (Jamale)

Premier long métrage de la jeune cinéaste, tourné à la fin de l’intervention et des bombardements israéliens, qui a choisi de mettre en avant le poids des traditions, la difficulté d’exister et d’être libre pour une femme. On suit les destinées de cinq femmes de générations différentes, voluptueuses et sensuelles mais aussi timides et pudiques, qui se retrouvent régulièrement dans un institut de beauté de Beyrouth. Elles étouffent, dans une société où les hommes veulent contrôler leur vie amoureuse, et forment un véritable microcosme coloré de la société libanaise. Layale, femme libre, de confession chrétienne et patronne de son affaire, habite toujours chez ses parents et, maîtresse d’une homme marié, sa liaison lui semble sans issue. Son employée Nisrine, musulmane, est fiancée à un garçon qu’elle aime, mais elle n’est plus vierge et redoute la réaction de son fiancé. Rima, la shampouineuse, vit difficilement son attirance pour les femmes. Jamale, cliente quinquagénaire obsédée par son physique, s’espère toujours séduisante et  aimerait pouvoir relancer sa carrière d’actrice après son divorce ; Rose, la voisine couturière, a dix ans de plus et a sacrifiée sa vie à s’occuper de sa soeur aînée qu’une mystérieuse histoire d’amour a rendu folle. Dans ce salon, un vrai cocon, les femmes parlent à coeur ouvert et non sans humour, des hommes, de la sexualité, de la maternité, de leurs angoisses, de leurs joies, de leurs aspirations.

 

SHATTI YA DINI (QUE VIENNE LA PLUIE)

BAHIJ HOJEIJ (2010)

Prix du meilleur réalisateur au 4ème Festival international du film arabe à Oran, Prix du meilleur film arabe au festival d’Abou Dhabi.

Diamand Bou Abboud (l’un des fils), Bernadette Hodeib, Julia Kassar (Marie), Carmen Lebbos (Zeinad), Hassan Mrad (Ramez, prix du meilleur acteur)

Le cinéaste aborde un sujet douloureux pour bien des Libanais « l’après-retour ». Il s’agit ici du retour du mari, du disparu, de la vie d’un couple et des ravages causés par la guerre dans le vie des civils. Ramez, kidnappé en 1984 en pleine guerre civile libanaise, est jeté en prison où il est torturé. Vingt ans plus tard il réapparait au domicile familial, il a cinquante ans, il est malade et il a une curieuse obsession pour les sacs en papier vide. Depuis son départ, le monde a changé et il se trouve déconnecté de la réalité qui l’entoure. Son retour bouleverse sa famille, compromet les projets de ses deux enfants, qui ne connaissent pas leur père, et de sa femme Marie, qui tente en vain de recomposer la famille. Son mari n’est plus l’homme qu’elle a connu, il est colérique et imposant mais elle va, malgré tout, lui consacrer toute son énergie. Ramez, dans ses déambulations beyrouthines, croise un jour Zeinad qui attend désespérément le retour de son mari enlevé à la même époque. Une amitié complice, sincère et profonde s’installe entre eux… Pour Salvatore Leocata, directeur du FIFB (Festival international du film de Bruxelles) : « le film montre le conflit des années 80 mais avec une relation narrative au niveau de l’amour. Le réalisateur a trouvé une voie qui pouvait humaniser le sujet. »

 

TANNOURA MAXI

JOE BOU EID (2012)

Joy Karam, Chady El-Tineh, Elie Saikaly, Antoine Balabane, Jana El-Hassan, Nawal Kamel, Siham Haddad, Joseph Sassine, Carol Abboud, Ahmad El-Khatib, Sarah Haydar, Daniel Balabane

L’histoire se déroule au Liban en 1982. La famille d’Abu Zyad, qui a fui l’invasion israélienne de Beyrouth, arrive dans un petit village isolé au sud du pays et protégé par des hommes armés. La famille d’Oum Kamal vit aussi dans ce village. Leurs destins vont se croiser et, en l’espace de trois mois, la vie de ces deux familles va être bouleversée et tout le village va s’embraser. Amer, un prêtre sur le point d’être ordonné, est troublé et lutte contre la tentation de céder à la très belle Alya, sensuelle et charnelle, qui tombe éperdument amoureuse de lui. Ses parents s’opposent à cette relation et son père continue à coudre sa soutane… Finalement ils se décident à quitter ce village, devenu lieu de perdition pour leur fils, pour retourner à Beyrouth. Devant l’église le village semble près à lyncher la belle, qualifiée d’impure, sur les marches de l’église. Joe Bou Eid confie que ce récit, qu’il dit avoir porté pendant plus de cinq ans, est celui d’une histoire intime, celle de ses propres parents et de leur rencontre jusqu’à leur mariage. Le cinéaste leur a dédié son film qui a attiré la censure des autorités chrétiennes pour une scène d’amour dans l’église.

HALAL LOVE

HASSAD FOULADKAR (2015)

Darine Hamzé (Loubna), Rodrigue Sleiman (Abou Ahmad) Berlin Badr (Hiba), Christy Bared (Nasma), Fadia Abi Chahine (Bardot), Zeinab Hind Khadra (Batoul), Mina Moukarzel (Awatef)

Trois histoires d’hommes et de femmes, musulmans pratiquants, qui évoluent dans le même quartier, voire le même immeuble, et vont tenter de vivre leur histoire d’amour sans déroger aux lois de l’Islam. Le film offre une comédie de mœurs surprenante à travers des histoires tragi-comiques de couple. Awatef, qui souffre de l’appétit sexuel de son mari, engage une deuxième femme pour l’aider à satisfaire son époux. Loubna, tout juste divorcée, peut enfin réaliser son rêve et se marier avec l’homme qu’elle aime, mais seulement à court terme, car il est encore marié. Assad Fouladkar signe : « une comédie ou la farce sociale et l’absurde font bon ménage. »

MAHBAS (SOLITAIRE)

SOPHIE BOUTROS (2016)

Julia Kassar (Thérèse), Nadine Khour (Nazek), Betty Tatouel (Solange), Bassam Kousa (Riad), Ali El Khalil (Maurice)

La jeune réalisatrice Sophie Boutros montre les relations sensibles entre des familles meurtries par la disparition d’un proche. Difficile de tourner la page, d’oublier, mais peut-on vivre dans une haine permanente et infliger aux nouvelles générations tous ses ressentis ? Le film raconte une histoire d’amour entre un syrien et une libanaise. Quand Thérèse, la mère de la jeune fille, rencontre le prétendant de sa fille et ses parents, elle découvre avec effroi qu’ils sont Syriens. Tout de suite vient à l’esprit de la mère la mort de son frère tué par un obus syrien. Dans un songe, son frère lui apparaît et lui dit à propos du père du futur marié : « il semble être un agent des services de renseignement » de Damas. La cinéaste ne prend pas parti mais elle souhaite montrer que dans les conflits, c’est la politique qui engendre la haine dont tous sont victimes.  L’actrice Betty Tatouel confie au journal Le Parisien : « Le film montre que nous sommes victimes de problèmes que nous ne voulons pas mais dans lesquels nous nous trouvons impliqués malgré nous ».

 

LITTÉRATURE LIBANAISE

Si le pays du cèdre est un petit pays par le nombre de ses habitants sa capitale, Beyrouth, est l’un des brillants foyers littéraires du monde arabe. Les écrivains contemporains – dont un grand nombre ont quitté le Liban au début de la guerre en 1975 – sont d’expression arabe, française ou anglaise.

Le Salon du livre francophone de Beyrouth est né en 1992, au lendemain de la guerre à l’initiative de l’Ambassade de France. Si cette manifestation témoigne de la vitalité de la francophonie au Liban, elle permet aussi de découvrir les parutions libanaises d’expression arabe dont un catalogue recensant en français les dernières parutions en arabe est publié par l’Institut français, en coopération avec L’Orient des livres. Cette initiative, qui permet de mieux faire connaître la production libanaise dans le monde francophone, a pour but d’inciter les éditeurs étrangers à traduire les livres des Libanais arabophones. C’est la guerre civile qui a donné naissance au roman libanais moderne explique Farouk Mardam Bey, directeur de la collection Sindbad aux éditions Actes Sud : « Avec le conflit, tout a explosé, et la littérature a osé affronter les maux de la société et briser les tabous liés au sexe, à la religion et, dans une certaine mesure, à la politique ». En 2009-2010 l’Unesco a désigné Beyrouth, capitale mondiale du livre : « un statut d’autant méritoire que le Liban connaît un calme précaire, le pays étant à la merci de ses divisions et des événements du Moyen-Orient.

ROMAN

KHALIL GIBRAN (1883-1931)

Poète et peintre Khalil Gibran, né d’une famille modeste, ne commence à aller à l’école qu’à l’âge de douze ans quand sa famille s’installe aux Etats-Unis. Il s’inscrit dans une école d’art et côtoie l’avant-garde artistique de Boston. Àquinze ans on le renvoie dans son pays natal pour qu’il découvre sa culture d’origine. En 1908, Gibran va étudier l’art à Paris pour deux ans. Ses premiers écrits sont en arabe (La MusiqueLes Ailes briséesLes Nymphes des vallées, Les Tempêtes…), mais la majeure partie de son travail après 1918 sera écrite et publiée en anglais.

 

Les Ailes brisées

(éd. Sindbad/Actes Sud, 2001) Trad. Joël Colin

Quand Khalil Gibran arrive à Paris en 1908, il a vingt-cinq ans et jouit déjà d’une grande renommée au Proche-Orient où ses deux recueils Les Nymphes des prairies et Les Esprits rebelles, suscitent adulation ou rejet. Dans ses bagages, probablement, a-t-il déjà le manuscrit inachevé Les Ailes brisées, dont il dira plus tard : « cette œuvre constitue, dans la littérature arabe, un tournant semblable à celui que représente Coleridge dans la littérature anglaise. »

C’est un récit d’amour tragique entre un jeune homme rêveur, idéaliste et d’une sensibilité à fleur de peau et une jeune fille très belle, d’une grande sensibilité également et qui se démarque par son ouverture d’esprit. Fille d’un homme riche elle est convoitée, ce qui fera son malheur, par le fils d’un notable qui a jeté son dévolu sur elle. Mais l’amour pur de deux jeunes n’a qu’un poids plume face au despotisme des traditions ancestrales. La belle, obligée d’épouser un homme qu’elle n’aime pas, réussira à voir l’homme qu’elle aime en cachette. Ces rendez-vous secrets s’achèvent quand la jeune femme met au monde un enfant mort-né et meurt. L’amant inconsolable s’enfuit : « au-delà des mers ». Ce qui est intéressant dans ce roman, à la trame somme toute assez banale et classique, c’est que l’auteur se laisse aller aux épanchements, aux émotions, aux vibrations issus de l’amour, une manière de se livrer nu avec une écriture rare jusqu’alors dans la littérature arabe : « les romans d’amour de l’époque préféraient avoir recours – morale publique oblige ! – à l’allusion et à l’ellipse. Même timidement le corps entrait en scène, levant un tabou vieux de quelques siècles. » Ainsi commence le roman :

« J’avais dix-huit ans quand l’amour m’ouvrit les yeux de ses rayons enchanteurs et, pour la première fois, caressa mon âme de ses doigts brûlants. Salma Karamé fut la femme qui par son charme éveilla mon âme. Elle m’a précédé au jardin des émotions suprêmes, là où les jours passent tels des rêves et les nuits telles des noces.

Salma Karamé fut la femme qui m’enseigna le culte de la beauté par sa beauté et me fit découvrir les mystères de l’amour par sa tendresse. Elle fut celle qui chanta à mon oreille le premier vers du poème de la vie spirituelle.

Quel homme ne se souvient de la jeune femme qui, la première, a substitué à l’engourdissement de sa jeunesse un éveil d’une bonté redoutable, d’une douceur blessante, d’un charme assassin ! … »

 

TOUFIK YOUSSEF AOUAD (1911-1989)

Tawfiq Yoûssef ‘Awwad est né en 1911 à Bharsaf au Mont-Liban et est décédé dans un attentat en 1989. Après des études de droit à Beyrouth puis à Damas, il entre comme journaliste à An-Nahar, publie ses premiers recueils de nouvelles, Al-Sabî al-a’raj (Le Garçon boiteux), en 1936 et Qamis al-sûf (La Chemise de laine) en 1937. Son premier roman, Al-Raghîf (La Galette de pain) paraît en 1939, traduit aujourd’hui en français sous le titre « Le pain ». Arrêté par les vichystes en 1941, il crée à sa libération un journal politique et littéraire, Al-Jadid puis, après l’indépendance de son pays (1943) pour laquelle il a activement milité, il débute en 1946 une brillante carrière diplomatique en Amérique latine, en Asie et en Europe, sans pour autant abandonner l’écriture. Il est considéré comme l’un des pères fondateurs de la littérature libanaise de fiction.

 

Le pain

(éd. Actes Sud, 2015) Trad. Fifi Abou Dib

Le roman se situe à une époque charnière de l’histoire arabe contemporaine : l’éveil du nationalisme contre la domination turque, la famine qui va décimer des milliers de Libanais pendant la Grande Guerre, la résistance, l’engagement précoce des femmes en politique. Nous sommes en 1916 dans un village libanais, peu avant que ne gronde la révolte arabe contre l’oppresseur turc. Sami Assem, un militant nationaliste, se voit contraint de se replier dans une grotte en haute montagne où Zeina, sa bien-aimée, lui apporte les dernières nouvelles du pays et de quoi se sustenter. Elle va incarner tout au long du roman un personnage courageux et lumineux dont l’engagement dans la résistance semble plus par amour que par conviction personnelle. Mais arrive le moment où Sami, ne supportant plus son isolement, quitte sa cachette et croise sur son chemin un soldat déserteur qu’il tue par erreur. Il finit par être arrêté et les autorités militaires font tout de suite courir le bruit que deux cadavres ont été retrouvés et, qu’à leurs yeux, il s’agit de ceux de Sami Assem et du gardien de prison qui l’aurait aidé à s’évader. Zeina, désespérée, décide de tuer le gouverneur turc qui la poursuit de ses assiduités… Un roman historique qui met en scène la résistance héroïque des personnages et leurs luttes contre les injustices sociales qui sévissent dans le pays.

 

Dans les meules de Beyrouth

(éd. Actes Sud, 2012) Trad. Fifi Abou Dib

Toufiq Youssef Asouad saisit l’occasion à travers ce récit, qui relate les amours contrariés de Tamina et Hani, de dresser un tableau réaliste de la société libanaise deux ans avant le déclenchement de la guerre civile (1975-1990). Elle, de confession chiite, rêve de rejoindre l’université de Beyrouth, lui y étudie déjà. Nous sommes en 1968, époque où Beyrouth fait naître chez les jeunes un espoir de modernité et d’une vie nouvelle. Ils souhaitent se dégager de leur vie rurale, sont épris de liberté et d’idéaux. Ils incarnent tous deux les mouvements étudiants, la ferveur nationaliste, le rejet du système confessionnel libanais et les espoirs de changement de la génération issue de l’indépendance. L’écrivain restitue l’ambiance des années 1960 avec la montée puis le reflux d’un mouvement social radicalement opposé au confessionnalisme, avec une forte participation estudiantine. Mais le destin de Tamina et de Hani va basculer quand leur mouvement s’effondre. Le frère de Tamina, un voyou sans foi ni loi, tente d’assassiner sa sœur pour « laver l’honneur de la famille » mais il rate sa cible et tue une chrétienne. Cet événement sert de prétexte à une mobilisation communautaire et à une flambée de violence qui va conduire le pays au bord de la guerre civile… Ce roman, considéré comme prémonitoire dans l’histoire libanaise, a été choisi par l’Unesco comme oeuvre représentative, et traduit dans plusieurs langues.

 

VENUS KHOURY-GHATA

Bien que Vénus Khoury-Ghata soit considérée aujourd’hui comme l’un des plus grands noms de la littérature francophone contemporaine et qu’elle ne publie plus en arabe depuis longtemps, j’ai eu envie de vous la présenter ici, car son oeuvre est en grande partie imprégnée de son passé libanais. Née au Liban en 1937, Vénus Khoury-Gata fait ses études études à l’École supérieure des Lettres de Beyrouth puis devient journaliste. Elle publie en 1966 à Beyrouth son premier recueil de poèmes, Les visages inachevés. Mariée à un Libanais avec lequel elle a trois enfants, elle divorce pour épouser un chercheur français et s’installe en France en 1972 où elle collabore à la revue Europe, dirigée alors par Louis Aragon qu’elle traduit en arabe avec d’autres poètes. Elle publie son premier roman en français Les Inadaptées. Elle a publié une vingtaine de romans, et autant de recueils poétiques. Poète, romancière, critique littéraire, elle est aujourd’hui une femme de lettres françaises dont l’oeuvre riche, alternant entre poésie et roman, a été couronnée par de nombreux prix : Un faux pas dans le siècle (Belfond, prix Mallarmé 1982), Anthologie personnelle (Actes Sud, prix Supervielle 1997), Le Moine, l’Ottoman et la Femme du grand argentier (Actes Sud, prix Baie des Anges 2003). Son roman, Sept pierres pour la femme adultère, paru en 2007 a connu un vif succès. Pour son oeuvre poétique elle a reçu le Grand prix de Poésie de l’Académie française (2009) et le Prix Goncourt de la Poésie (2011)

 

La fiancée était à dos d’âne

(éd. Mercure de France, 2013) Prix Renaudot poche

Yudah est une jeune et belle jeune fille du désert. Le jour où est elle est choisie par le rabbin pour être la seconde épouse de l’émir Abdelkhader, sa vie bascule. Elle devient l’épouse d’un homme invisible, parti au front. Quand il dépose les armes et qu’il est débarqué avec ses généraux à Toulon, Yudah est du voyage. Va-t-elle enfin vivre auprès de cet époux qu’elle attend depuis quinze ans ? Le bonheur sera-t-il au rendez-vous ? Ses rêves se réaliseront-ils ?

HANAN EL-CHEIKH

Né au Liban en 1945, Hanan El-Cheikh a grandi à Beyrouth, puis elle vit au Caire où elle publie son premier roman Suicide d’un homme mort. De retour à Beyrouth elle collabore à plusieurs journaux notamment au quotidien Al-Nahar et peu à peu elle prend une place importante dans le paysage littéraire arabe. Peu après la guerre civile elle quitte le Liban pour s’installer à Londres. Elle a publié plusieurs romans dont Poste restante, Beyrouth (1995), Le Cimetière des rêves (2000), Londres, mon amour (2002), Toute une histoire (2010, prix du roman arabe en 2011) et des recueils de nouvelles.

Femmes de sable et de myrrhe

(éd. Actes Sud, 1992) Trad. Maha Billacois, Brigitte Tahhan

Quatre femmes, quatre voix pour révéler les coulisses de la condition féminine dans les pays du Golfe où elles subissent un archaïsme environnant. Elles étouffent, enfermées dans le carcan des traditions : on leur interdit de travailler, de se déplacer, de conduire une voiture. Condamnées à une existence cloîtrée, leur ennui et leur oisiveté renforcent leurs désirs. Deux d’entre elles ont une liaison homosexuelle, une liaison plus acceptable aux yeux de la société qu’un adultère… L’auteur dit avoir voulu : « écrire sur la décadence et l’argent, sur l’ennui et la frustration de ces femmes enfermées. » Ce roman, corrosif et surprenant, transgresse bon nombre de tabous. Il a été interdit dans les pays du Golfe, que connaît bien Hanan-El-Cheickh pour y avoir vécu plusieurs années.

La Maison de Schéhérazade

(éd. Sindbad/Actes sud/l’Orient des Livres, 2014) Trad. Stéphanie Dujols

Dans le prologue Hanan El-Cheikh dit à ses lecteurs : « Je pensais que le père de ma camarade avait raison de dire que lire Les Mille et Une Nuits jusqu’au bout, c’était risquer la mort ; car le lecteur pouvait se trouver hagard, sans vie, quand la fin du livre l’arrachait à la sublime vivacité de tous ces univers. J’espère que comme moi, vous vous délecterez du voyage. » Et elle ajoute que l’une des choses qui l’a passionnée dans cette lecture, dont elle a adapté dix-neuf récits pour la scène et pour ce livre, c’est d’avoir découvert combien les femmes dans ces mondes lointains et oubliés, étaient pétillantes, intelligentes, vives d’esprit, peu effarouchées et, surtout, qu’elles exprimaient leurs émotions : « leurs sentiments dans toute leur vivacité, leur crudité, leur trivialité, tant dans la louange que dans l’élégie ou la diffamation. » Revenant à la lecture des Mille et Une Nuits, elle confie combien cette œuvre magistrale allait l’emporter, l’inspirer : « J’avais ouvert la portière d’un carrosse qui me ramenait au cœur de mon héritage arabe, et de la langue arabe classique, après une longe absence. »

 

ELIAS KHOURY

Né en 1948 à Beyrouth Elias Khoury est romancier, dramaturge, critique littéraire, essayiste, chroniqueur et auteur d’une dizaine de romans. Lorsque la guerre civile éclate au Liban en 1975, il se jette courageusement dans la tourmente ce qui lui vaut d’être sérieusement blessé, et d’avoir failli perdre la vue. Son engagement va passer aussi par l’écriture, son premier roman La petite montagne, est un plaidoyer contre la violence, aux heures les plus tragiques de 1977. Plusieurs de ses romans sont publiés chez Actes Sud dont Un parfum de paradis, Le coffre des secrets (2000), La Porte du soleil (2002), Le cimetière des rêves (2000), Sinalcol (2013). La Porte du soleil, qui relate l’exode palestinien de 1948, a été adapté à l’écran par le cinéaste égyptien Yousry Nasrallah, a obtenu le plus grand prix littéraire palestinien et a été traduit dans plusieurs langues, dont l’anglais et l’hébreu.

 

Comme si elle dormait

(éd. Actes Sud, 2007) Trad. Rania Samara

A la fin du récit le neveu de Milia, l’héroïne du roman, se tient devant une photo de sa tante où il tente de déchiffrer une inscription jauni par le temps : « la jeune fille n’est pas morte, mais elle dort », une phrase tirée du Nouveau Testament (LUC,VIII, 52). Le grand poète syrien Abu’Ala Al-Ma’arrî (XIè siècle ap. JC) a écrit : « La mort est un long sommeil dont on ne se réveille pas et le sommeil n’est qu’une mort éphémère dont on se réveille certainement. » Le roman est construit autour de trois nuits : « Mansour avait préparé pour sa nuit de noces un banquet de poèmes, s’était vu dans la chambre d’hôtel en train de boire et de tapisser le sol de mots sous les pieds de cette femme qui avait capturé son coeur et qui l’avait obligé à faire la navette entre Nazareth et Beyrouth pendant plusieurs mois. Cette femme c’est Milia, une jeune beyrouthine des années 1930, qui possède un don, elle voit en rêve ce qui est arrivé dans le passé et elle prévoit aussi l’avenir. Elle rêve de son histoire d’amour avec Mansour et elle fait revivre l’histoire de leurs familles respectives (sa grand-mère, qui a retrouvé sa virginité après avoir accouché de l’un de ses fils, son grand-père qui a eu pour maîtresse une Egyptienne…) le tout ayant pour toile de fond les événements qui ont secoué le Proche-Orient des années 1880 aux années 1950.

AMIN MAALOUF

Né en 1949 à Beyrouth, Amin Maalouf fait des études de sociologie et d’économie puis travaille comme reporter, couvrant de nombreux évènements à travers le monde. Quand la guerre éclate dans son pays natal, il part pour la France avec son épouse et ses enfants, et reprend aussitôt son activité de journaliste, notamment à Jeune Afrique, où il devient rédacteur en chef et éditorialiste. À partir de 1984, il se consacre à l’écriture, publie des romans, des essais et des livrets d’opéra. Il a connu la notoriété avec ses romans Le Rocher  de Tanios (Prix Goncourt 1993), SamarcandeLe Jardin de lumière ou Le Périple de Baldassare. Il est aussi l’auteur de récits comme Les Croisades vues par les ArabesLéon l’Africain ou encore Un fauteuil sur la Seine. En 2011, il a été élu à l’Académie française.

L’Amour de loin

(éd. Grasset 2001)

Amin Maalouf, pour sa collaboration avec la compositrice Kaija Saariajo, a écrit un livret d’opéra en cinq actes et trois personnages Jaufré Rudel, troubadour et prince de Blaye, Clémence, comtesse de Tripoli et le Pèlerin.

Jaufré s’ennuie et chante l’amour courtois sans raison précise, ses camarades le raillent et se moquent de lui. Quand il rencontre le Pèlerin, il lui confie qu’il y a forcément au monde une femme digne de son amour. Jaufré n’aura désormais de cesse de chanter pour cette dame rêvée l’amour « de loin » qu’il lui porte. Quand arrivé à Tripoli le Pèlerin aperçoit Clémence, il se dit qu’elle ne peut qu’être la femme destinataire de ces poèmes, et il s’empresse de lui révéler l’existence de Jaufré, cet amoureux fou. Même « de loin », cet amour est entendu et Clémence, troublée, va, elle aussi, ne plus penser qu’à cet inconnu.

Leur rencontre a lieu au cinquième acte mais Jaufré, tombé malade durant le voyage pour Tripoli, meurt dans les bras de sa bien-aimée. Clémence, désespérée, entre au couvent. Jusqu’au bout, cet amour restera sublimé.

 

HODA BARAKAT

Née en 1952 à Beyrouth, Hodat Barakat, chrétienne, vit depuis1989 à Paris, époque où elle a fuit les bombes du Liban avec ses deux enfants. Elle a publié un recueil de nouvelles Les visiteuses, deux pièces de théâtre et plusieurs romans où elle met le plus souvent en scène des personnages déchirés par leur quête identitaire, La pierre du rire (1996, prix Al-Nâqid), Les Illuminés (1999) et Le Laboureur des eaux (2001), Le Royaume de cette terre (2012). Elle a reçu le prix Naguib Maafouz pour l’ensemble de son œuvre, une distinction qui a contribué à sa renommée. Parfaitement francophone, elle écrit en arabe, la langue de son enfance : « Je ne peux pas m’en séparer sans perdre quelque chose de moi. »

 

Mon maître, mon amour

(éd. Actes Sud, 2007) Trad. Edwige Lambert

Wadî, le mari de Samia, a aimé un homme dans sa jeunesse et c’est sa femme qui va lui révéler l’attachement et l’importance de cet amour. Cette époque et ces souvenirs le plonge dans une enfance douloureuse, dans une adolescence haïe avec pour toile de fonds un Liban divisé. Un jour Wadî disparaît de façon inexpliquée et Samia cherche à en comprendre la raison, elle échafaude des plans… Elle finit par rencontrer Tariq, l’homme que Wâdi a aimé, et qui peut-être l’aime encore ? Peu à peu les pièces du puzzle semblent vouloir se reconstituer.

 

POESIE

KHALIL GIBRAN (1883-1931)

Poète et artiste peintre, surnommé par l’écrivain Alexandre Ajjar « le Victor Hugo libanais », Khalil Gibran est aussi comparé à William Blake. Son ouvrage le plus connu Le Prophète est un recueil composé de vingt-six textes poétiques. Cet ouvrage, très populaire pendant les années 1960, se rattachait au courant de la contre-culture et du mouvement New Age. Depuis sa première publication en 1923, Le Prophète n’a jamais été épuisé. Traduit dans plus de vingt langues, il est devenu l’un des best-sellers aux Etats-Unis au xxe siècle.

 

Le prophète et l’amour

Alors, Al-Mithra dit : Parle-nous de l’amour.

Il releva la tête et regarda les gens autour de lui, et le silence était sur eux tombé. Et d’une voix forte il dit :

Quand l’amour vous interpelle suivez-le.

Bien que ses chemins soient escarpés et raides,

Et si il vous enveloppe de ses ailes, abandonnez-vous à lui même si le fil acéré de son pennage doit vous blesser.

Et quand il vous parle accordez-lui foi.

Lors même que sa voix se casse vos rêves comme le vent du nord saccage vos jardins.

Comme vous couronne l’amour, il peut vous crucifier. Et comme il vous est croissance, il vous est ébranchement.

Et de même qu’il se hausse à votre altitude et joue avec vos branches les plus finement frémissantes au soleil.

De même peut-il s’abaisser jusqu’à vos racines et les ébranler tandis qu’elles s’agrippent à la terre.

Comme brassées de blé, il vous ramasse et vous rassemble en lui.

Il vous bat pour vous dénuder.

Il vous passe au crible afin de vous libérer de vos peaux sèches.

Il vous moud jusqu’à la blancheur.

Il vous pétrit jusqu’à vous rendre tendres.

Puis il vous place en son feu sacré, jusqu’à ce que vous deveniez pain bénit pour le festin de Dieu.

Tout cela l’amour le fera de vous, pour que vous fassiez connaissance avec les secrets de votre cœur, et, par cette connaissance, que vous deveniez parcelle du cœur de la Vie.

Mais si dans votre pusillanimité, vous demandez seulement la sécurité de l’amour,

Pour un monde sans saisons, en qui vous rirez, mais point tous vos rires, en qui vous pleurerez, mais point toutes vos larmes.

L’amour ne donne rien que lui-même et ne prend rien que lui-même.

L’amour ne possède rien et il n’est pas possédé.

Parce que l’amour se suffit de l’amour.

Quand vos aimez ne dites « Dieu est dans mon cœur », mais plutôt : « je suis dans le cœur de Dieu »

Et ne pensez pas que vous pouvez diriger le chemin de l’amour, car l’amour qui, s’il vous en trouve dignes, dirigera votre chemin.

L’amour n’a ‘autre désir que de s’accomplir lui-même.

Mais si vous aimez, et que vous ne puissiez pourtant vous passer de désirer, que vous de désirer, que vos désirs soient ceux-ci :

Vous fondre dans les cours d’un ruisseau chantant son couplet à la nuit ;

Apprendre la douleur de l’excès de tendresse ;

Vous blesser à votre intelligence de l’amour ;

Et que saigne la blessure en consentement et joie !

Qu’à l’aurore vous vous réveilliez le cœur ailé et rendant grâces à Dieu d’un nouveau jour d’amour ;

Qu’à midi vous reposiez en ravissement d’amour ;

Que le soir vous rejoigniez votre foyer avec gratitude,

Puis que vous vous endormiez, en votre cœur une prière à l’aimé et sur vos lèvres un cantique.

Lettres d’amour

Khalil Gibran a entretenu pendant dix-neuf ans (1912-1931), une correspondance amoureuse et platonique avec la poétesse May Ziadé. Sans jamais se rencontrer ils ont partagé un amour épistolaire, pur et intense. Leur correspondance a connu des ruptures au fils des années comme nous le découvrons dans cette première lettre choisie ci-dessous.

 

Lettre à May le 11 juin 1919 de New York

Ma chère Miss May,

Notre dialogue que nous avons sauvé après cinq années de silence, ne retournera jamais à la récrimination ou au blâme, car j’accepte tous vos propos, persuadé qu’ils serait malvenu d’ajouter, ne fût-ce qu’un pouce, aux sept mille miles qui nous séparent ; nous devons d’ailleurs essayer de réduire cette distance grâce à ce que Dieu a insufflé en nous pour nous inciter à aller vers ce qui est beau, à tendre vers ce qui est la source, et à aspirer à ce qui est éternel.

Lettre à May Zyadé le 11 janvier 1921

May,

Nous sommes parvenus au sommet de la montagne et à nos pieds, s’étendent plaines, forêts et vallées, alors asseyons-nous un instant pour parler un peu. Nous ne pouvons rester ici très longtemps parce que j’aperçois au loin un sommet plus élevé, que nous devons atteindre avant le crépuscule. Mais nous ne quitterons pas cet endroit tant que vous ne serez pas heureuse, et ne ferons pas un seul pas en avant tant que vous n’aurez pas trouvé la paix de l’esprit.

Nous avons surmonté un formidable obstacle, non sans embarras, et j’avoue que je me suis montré persévérant et obstiné, mais ma persévérance était dictée par une faculté plus forte que ce qu’on a coutume d’appeler la volonté. J’avoue aussi que j’ai agi sans sagesse dans certains domaines, ne sont-ce pas les sphères de la vie qui pétrifient la sagesse ? N’avons-nous pas en nous quelque chose devant lequel la sagesse se change en pierre ?

Si mes expériences présentes étaient, d’une manière ou d’une autre, comparables à celles du passé, je ne les aurais pas décrites – mais elles sont entièrement étranges et nouvelles, et ont survenu subitement. Et si j’avais été au Caire et que je vous avais dit tout cela de vive voix, avec ce ton détaché, sans le moindre sous-entendu, aucun malentendu n’aurait surgi entre nous. Mais je n’étais pas au Caire à cette époque, et il n’y avait pas d’autres moyens de communications que par le courrier – et écrire des lettres sur des sujets comme ceux-là tend à compliquer les problèmes les plus simples et à revêtir du voile épais de la formalité les sujets les plus élémentaires. Car bien souvent, quand nous voulons exprimer une pensée simple, nous mettons dedans tous les mots qui nous viennent, des mots que nos plumes ont l’habitude de coucher sur papier et le résultat est d’ordinaire un « poème en prose » ou un « essai spéculatif ». La raison en est que nous sentons et pensons dans une langue qui est plus honnête et plus sincère que celle dont nous nous servons pour écrire. Bien sûr, nous aimons les poèmes, qu’ils soient en prose ou en vers, et nous aimons les essais qu’ils soient ou non spéculatifs. Mais la passion libre et immortelle est une chose, écrire des lettres en est une autre. Depuis l’époque où j’allais à l’école, j’ai essayé autant que faire se peut d’utiliser des platitudes parce que j’avais l’impression – et je l’ai encore – qu’elles obscurcissent les pensées et les sentiments bien plus qu’elles ne les expriment, mais il me semble à présent que je ne suis pas totalement parvenu à échapper à cela même que j’abhorre – il me semble qu’au terme des dix-huit mois qui viennent de s’écouler, je me retrouve au même endroit où j’étais à quinze ans, la preuve en est cette méprise dont mes lettres pourraient bien être la cause.

Je vous le redis, si j’avais été au Caire, nous aurions réfléchi un moment sur le sens de nos expériences personnelles comme nous aurions pu le faire sur la mer, les étoiles ou le pommier en fleurs. Car quelque étranges et uniques que puissent être nos expériences, elles ne le sont pas davantage que la mer, les étoiles et le pommier. Il est étrange que nous devions nous soumettre aux miracles de la terre et de l’espace, mais que dans le même temps, nous soyons enclins à ne pas croire aux miracles qui sont forgés dans nos âmes.

Je croyais, May, et continue de croire que certaines de nos expériences ne peuvent se produire si deux personnes ne les partagent simultanément. Cette façon de penser pourrait bien être la raison principale pour laquelle certaines de mes lettres vous ont amenée à croire que « nous devons en rester là ». Dieu merci, nous ne devons pas « en rester là ». Car la vie, May, ne s’arrête pas à un endroit, et le puissant cortège, dans toute sa beauté, ne peut avancer que d’une éternité à une autre. Mais pour vous comme pour moi, pour nous qui sanctifions la vie et sommes enclins à aller vers ce qui est juste, béni, doux et noble dans la vie de tout notre être, qui avons faim et soif du permanent et de l’éternel dans la vie – nous ne souhaitons pas dire ou faire quoi que ce soit qui engendre la crainte ou « remplisse l’âme d’épines et d’amertume ». Nous ne sommes pas capables ni désireux de toucher la bordure de l’autel sinon avec des mains qui ont été purifiées par le feu. Et quand nous aimons une chose, May, nous considérons l’amour comme un but en soi et non comme un moyen d’atteindre une autre fin. Et si nous montrions du respect et de la soumission comme une élévation et le respect comme une forme de récompense ? Si nous aspirons à quelque chose, nous considérons cette aspiration comme un don et une gratification en soi. Nous savons aussi que les choses les plus éloignées sont celles qui s’accordent le mieux à nos aspirations et à nos affinités, et celles qui en sont les plus dignes.

En vérité, tous deux – vous et moi – ne ne pouvons rester  à la lumière du soleil et dire : « Nous devons nous épargner des souffrances inutiles ». Nous ne pouvons nous passer de ce qui insuffle à l’âme un levain sacré, ni de la caravane qui nous emporte dans la cité de Dieu. En effet, nous ne pouvons nous passer de ce qui nous rapproche de nos Moi Supérieurs et nous révèle la force, le mystère et l’émerveillement qu’abritent nos âmes. Qui plus est, nous sommes capables de trouver le bonheur intellectuel dans les manifestations les plus simples de l’âme. Car dans une simple fleur, nous trouvons toute la gloire et la beauté du printemps, dans les yeux du nourrisson au sein de sa mère, nous trouvons l’espoir et les aspirations de l’humanité. Mais nous ne sommes pas enclins à utiliser les choses les plus proches de nous comme un moyen pour atteindre les plus lointaines. Nous ne sommes ni capables ni disposés à faire face à la vie et à lui dicter nos conditions [en disant] : « Donne-nous ce que nous voulons ou ne nous donne rien – ce que nous voulons, c’est tout ou rien ». Non, May, nous ne le faisons pas, parce que nous nous rendons compte que ce qui est juste, béni et permanent dans la vie ne va pas dans le sens de nos vœux, mais nous mène selon sa propre volonté. Quelle raison pourrions-nous avoir de nous tenir devant les portes du temple, sinon l’honneur de nous trouver là ? Quelle raison un oiseau a-t-il de chanter ou bien l’encens de brûler ? Car une âme solitaire n’a que des aspirations limitées.

Que vos voeux d’anniversaire me sont doux, et que leur parfum est délicat (…) Je suis bien loin de la « vallée », May, je suis arrivé dans cette ville — Boston — il y a dix jours pour y peindre, et si l’on ne m’avait fait parvenir un paquet contenant du courrier envoyé à mon adresse new-yorkaise, j’aurais vécu dix jours de plus sans votre lettre. Cette lettre a dénoué un millier de nœuds sur la corde de ma vie et transformé le désert de l’« attente » en jardins et en vergers — car l’« attente » est la gravure indélébile du temps, May, et je suis continuellement en état d’ « attente ». Parfois, il me semble que je passe ma vie à attendre ce qui n’advient pas — à l’instar de l’aveugle et de l’infirme qui étaient près de la piscine de Bethseda à Jérusalem : « Car l’ange du Seigneur descendait par moments dans la piscine et agitait l’eau ; le premier alors à y entre, après que l’eau avait été agitée, se trouvait guéri, quel que fût son mal ». Quoi qu’il en soit, désormais mon ange a troublé l’eau de la piscine et j’ai trouvé quelqu’un à mettre dans ces eaux, j’ai marché dans cet endroit enchanté et impressionnant, mes yeux se sont remplis de lumière et mes pieds ont été raffermis et résolus. Je marche à côté d’une ombre belle et plus lumineuse que la réalité de tous les hommes. Je marche en tenant [dans ma main] une main qui est douce mais forte, ayant sa volonté propre, une main dont les doigts sont délicats mais capables de soulever des poids et de briser de lourdes chaînes. Et de temps à autre, je tourne la tête et j’aperçois deux yeux brillants et deux lèvres qu’effleure un sourire dont la douceur est comme une blessure.

Je vous ai dit une fois que ma vie était double, et que je passais l’une à travailler et à rencontrer les gens, et l’autre dans la brume. Mais ça, c’était hier, car à présent ma vie a été unifiée, et je travaille dans la brume, rencontre les gens dans la brume, dors même, rêve et me réveille dans la brume. C’est une véritable extase au milieu d’un battement d’ailes, car dans cet état d’extase, la solitude n’est pas la solitude, et la souffrance que l’on éprouve à aspirer à l’inconnu est plus agréable que tout ce que j’ai connu. C’est une transe divine, May – une transe divine qui rapproche ce qui est éloigné, découvre ce qui est caché et illumine toutes choses. Je réalise que la vie sans cette transe spirituelle n’est que la balle sans le blé, et j’affirme que tout ce que nous disons, faisons ou pensons est sans valeur comparé à une seule minute passée dans cette brume.

Vous voulez graver les mots « poème lyrique » dans mon cœur ! Vous voulez les utiliser contre moi afin de pouvoir prendre votre revanche contre cette forme fragile que je porte et qui me porte. Gravez-les, gravez-les et gravez-les encore, et puis invoquons tous les poèmes lyriques qui se trouvent dans les limbes et ordonnons-leur de se répandre sur cette « terre » et d’y creuser des canaux, d’y construire des routes, d’y ériger des palais, des tours et des temples, de faire du désert des jardins et des vignes parce qu’un peuple puissant va venir y habiter et l’a choisi pour patrie. May, vous êtes une grande et puissante nation de conquérants, et dans le même temps vous êtes une fillette de sept ans, riant au soleil, pourchassant des papillons, cueillant des boutons de roses et sautant par-dessus les ruisseaux. Rien dans la vie ne m’est plus doux que de courir après cette charmante fillette, de la rattraper et de la ramener à la maison à califourchon sur mon dos pour lui raconter des histoires étranges et merveilleuses – jusqu’à ce que le sommeil effleure ses paupières et qu’elle sombre dans un sommeil paisible.

 

Lettre adressée à May Ziadé en février 1924

Vous me dites que vous avez peur de l’amour ; pourquoi cela, ma tendre amie ? Avez-vous peur de la lumière du soleil ? Avez-vous peur du flux et du reflux de la mer ? Avez-vous peur du jour naissant ? Avez-vous peur du retour du printemps ? Je me demande pourquoi vous avez peur de l’amour ? Je sais que l’amour d’une âme basse ne peut vous satisfaire, tout comme je sais qu’il ne peut pas me plaire. Vous et moi ne saurons jamais satisfaire de ce qu’il y a de mesquin dans l’esprit. Nous voulons tout en quantité. Nous voulons tout avoir. Nous voulons la perfection. Je dis, Mary, que dans cette aspiration qui est la nôtre se trouve notre accomplissement, car si notre volonté n’était qu’une ombre parmi les innombrables ombres de Dieu, nul doute que nous atteindrions l’un des nombreux rayons de Sa lumière.

Oh ! Mary, n’ayez pas peur de l’amour ! N’ayez pas peur de l’amour, amie de mon cœur. Nous devrons nous soumettre à lui malgré ce qu’il peut nous apporter de souffrance, de désolation, de nostalgie, de perplexité et de confusion. Ecoutez, Mary : aujourd’hui, je suis dans une prison de désir, qui sont nés lorsque moi-même je suis venu au monde. Et aujourd’hui, je me trouve entravé par les chaînes d’une idée aussi vieille que les saisons de l’année. Pouvez-vous faire montre de mansuétude à mon égard, dans ma prison, afin que nous puissions émerger enfin à la lumière du soleil ? Resterez-vous près de moi jusqu’à ce que ces chaînes soient détruites et que nous puissions marcher librement et sans entraves jusqu’au sommet de la montagne ? Et maintenant, venez plus près, rapprochez votre front de moi – comme ceci, comme ceci, et que Dieu vous bénisse et vous protège, compagne bien-aimée de mon cœur.

MAY ZIADE (1886-1941)

Née au Liban May Ziadé passe son enfance en Palestine puis elle vit en Egypte. Poétesse, journaliste et essayiste, elle est considérée comme la pionnière du féminisme oriental. Première femme libanaise à défendre la cause de la femme dans le monde arabe et à traiter du rôle de la femme et de l’écriture, elle va tenir une place de premier plan dans la littérature de son temps. Sa position de femme libre et son acharnement à vouloir donner aux femmes des droits lui vaut d’être : « déclarée folle pour la priver de ses droits les plus élémentaires » nous apprend Carmen Boustani qui lui a consacré un article très intéressant (Les Cahiers du GRIFF, Liban 1990, vol. 43, n°1) Parmi ses combats citons : la claustration des femmes, l’égalité entre homme et femme dans le couple, la polygamie, la répudiation, l’abandon du voile, une condition sine qua non de la modernité et de la liberté, le refus de voir l’homme comme un maître absolu. La beauté de la nature libanaise chantée par Lamartine, l’inspire et elle publie son premier recueil de poème Fleurs de rêves, en français sous le pseudonyme d’Isis Copia. Polyglotte elle écrit en arabe, en français et en anglais, et elle a traduit des œuvres de littérature allemande. Pour être crédible, et du fait que son acte féministe était interdit à son époque, elle publie sous des pseudonymes masculins et féminins. Elle n’a cessé d’écrire et pendant vingt ans elle a tenu un salon littéraire dans la maison de son père où se côtoyaient les penseurs et écrivains importants de son époque.

OUNSI EL HAGE (1937-2014)

Dans la préface de son premier recueil Lan (1960), Ounsi El Hage lance, nous dit Abdul Kader El Janabi : « un pavé dans la mare des lettres arabes. La préface constituait le premier manifeste arabe en faveur du poème en prose, genre méconnu jusqu’à alors. »

En 1957 il est l’un des fondateurs de Shi’r, une revue d’avant-garde, où il a publie des traductions de poèmes d’André Breton et d’Antonin Artaud. Il proclamait : « que la poésie devait éveiller ses propres ombres à la lumière et non plus ronronner dans le giron de règles éculées. » A propos de l’évocation de la femme il voulait : « l’arracher de la gangue sentimentale, où une certaine tradition poétique l’avait confiné, pour montrer la femme, présence incontournable dans son oeuvre, réelle, vivante et rédemptrice. »

 

La messagère aux cheveux longs jusqu’aux sources, et autres poèmes

(éd. Sindbad/Actes sud/l’Orient des Livres, 2015).

Ainsi commence ce long poème d’amour :

Voici l’histoire de la face cachée de la Genèse,

Je l’ai trouvée les yeux fermés,

Le chemin est ma bien-aimée.

J’arrive de son attente

J’arrive de mon retour vers elle.

 

Eternité volante

(éd. Sindbad/Actes Sud, 1997)

Anthologie poétique établie et présentée par Abdul Kader El Janabi

 

WADIH SAADEH

Né en 1948 à Chabtîn, dans le Nord du Liban, Wadih Saabeh a été journaliste à Beyrouth, Londres, Nicosie, Paris et Sydney en Australie où il s’est installé. Il est l’auteur de plus d’une dizaine de recueils de poèmes qui lui ont valu une place importante au sein de la poésie arabe contemporaine. Il fait partie de cette génération de poètes libanais marqués par les années de guerre.

Le texte de l’absence et autres poèmes,

Anthologie poétique établie et traduite par Antoine Jockey (éd. Sindbad/Actes Sud, 2010)

(…) Au commencement était l’illusion. Et l’illusion devint terre où nous nous sommes installés.

L’illusion de la terre a donné naissance à l’illusion du désir. L’illusion du désir a donné naissance à l’illusion de l’amour. L’illusion de l’amour a donné naissance à l’illusion de la naissance.

L’illusion de la naissance a donné naissance à l’illusion de la vie. L’illusion de la vie a donné naissance à l’illusion de l’oubli. L’illusion de l’oubli a donné naissance à la solitude …

Extrait p. 77

NINAR ESBER

Pas facile d’être la fille d’un immense poète, dont l’oeuvre est saluée dans le monde entier. Son père Ali Esber dit Adonis est né en1930 en Syrie et sa fille Ninar en 1971 au Liban. Ce père à qui elle confie : « Tu représentes pour moi une sorte d’espoir et de rempart contre cette décadence du monde arabe, contre ce fanatisme islamique qui n’a pour but que le pouvoir. Si tu n’étais plus là, j’ai le sentiment que je prendrais cette violence de plein fouet. »

Conversations avec Adonis, mon père

(éd. Du Seuil, 2006)

Dans cet ouvrage Ninar interroge son père aux cours de conversations intimes sur des sujets très divers : elle lui demande de lui parler de son rapport à l’islam, à la poésie, à sa Syrie natale, au Liban où ils ont vécu jusqu’à la guerre. Elle le questionne sur les femmes, le voile, les religions, le terrorisme. Elle l’incite à se confier sur la sexualité, le désir, le mariage, la sensualité, l’amitié. Des conversations riches, des confidences sincères, des réflexions qui permettent de mieux comprendre la personnalité de l’un des plus grands poètes arabes contemporains.

 

SYRIE

CINÉMA

Évoquer le cinéma syrien peut paraître en décalage face à l’actualité brûlante et dramatique de ce pays. Le grand cinéaste syrien Omar Amiralay, décédé brutalement en 2011, disait en 2005 : « Nous, les cinéastes, nous n’avons aucun impact sur la société. Nous pratiquons la culture pour nous préserver de la soumission, de cette obéissance. Notre seul souhait, c’est que notre acte culturel, artistique, arrive aux autres et puisse servir comme alternative modeste de résistance, pour montrer que c’est possible de parler à voix haute. » Aujourd’hui les artistes syriens trouvent encore la force de créer et à ce propos Jamel Oubechou, Président de l’Institut des cultures d’Islam nous dit : « Ils créent, parce que, alors que leur pays est livré aux ravages de la guerre, créer relève d’un élan vital qui est en soi une forme de résistance à l’horreur (…) Parce qu’ils forcent plus que notre seule admiration : notre sidération. A trouver en eux-mêmes, la force de créer, le courage de se projeter dans l’art, ils nous donnent une immense leçon de vie et de dignité. D’humanisme aussi. »

« Abounaddara » est un collectif syrien anonyme – constitué de cinéastes syriens, réalisateurs de courts-métrages documentaires – fondé à Damas en 2010 et particulièrement remarqué ces dernières années sur les réseaux sociaux. Sa création avait pour but de faire perdurer le cinéma, de donner une voix au peuple syrien et de montrer la vie des gens ordinaires. A l’origine, le collectif produisait toutes les semaines une vidéo, des films très courts privilégiant le langage cinématographique, mise en ligne le vendredi, jour de prière et de manifestation. Envers et contre tout, des films continuent à être tourné en Syrie, dans l’urgence, pour témoigner. De nombreux cinéastes se sont exilés et continuent de créer des films inspirés de l’histoire en marche de leur pays. Parmi ceux exilés en France citons : Oussama Mohammad, Les Rêves de la ville (1983), Etoiles de jour (1988), son premier long- métrage. La Nuit (1992), Syrie Autoportrait…Amour …Mort et Liberté (2013), Eau argenté (2014).  Meyar Al Roumi, qui a tourné plusieurs documentaires dont L’Attente du jour (2003) et Six histoires ordinaires (2007). Round Trip (2012), est son premier long- métrage de fiction.

 

THATA SAMA’ DIMASHQ (SOUS LE CIEL DE DAMAS)

ISMAÏL ANZOUR (1931)

Orfan Jallad, Toufik Otri, Luantia, Farid Jalal, Mustafa Hilal

L’intrigue du film, pionnier du cinéma syrien, raconte un drame familial ou les mésaventures d’une jeune fille issue d’une famille bourgeoise et de son amoureux. La jeune fille est soupçonnée d’avoir eu des relations intimes avec un homme… retrouvé assassiné sous son balcon. Tourné dans les vergers de la Ghouta damascène, le cinéaste montre les mentalités et les mœurs syriennes de l’époque, le quotidien d’une famille moderniste et il critique les Syriens qui collaborent avec l’occupant français.

AL HOUB AL MAWOOD (LE SARCOPHAGE DE L’AMOUR)

OMAR AMIRALAY (1985)

Portraits intimes de femmes et d’hommes face à leurs déboires ou espoirs sentimentaux, au sein d’une société qui pourrait être celle d’aujourd’hui. Une avocate mariée à 17 ans et déçue, supporte un mari volage, une femme de ménage qui a décidé de divorcer, subit une pression familiale qui n’accepte pas son choix de vivre en célibataire. Une femme écrivain, de retour des Etats-Unis, se donne à la cause islamiste et prône la polygamie. A Ces récits de femmes font écho des histoires d’hommes. L’un tente de rassembler une dot pour épouser celle qu’il aime ; un homme marié, qui se plaint d’avoir une femme insoumise, songe à prendre une seconde épouse.

NOUJOUM A’NAHAR (ETOILES DU JOUR)

OUSSAMA MOHAMMAD (1988)

Abdellatif Abdelhamid, Zouher Abdellkarim, Maha Al-Saleh, Saba Al-Salem

« Les « étoiles du jour » sont celles qu’on cherche à voir à midi. Elles incarnent les rêves auxquels aspirent les personnages mais aussi leurs illusions. »C’est l’histoire d’une famille vivant dans la région de Lattaquié. Khalil veut marier sa sœur Sana au Docteur Marouf, un moyen de faire fusionner les fortunes des deux familles. En contrepartie, le frère sourd de Khalil doit épouser la sœur de Marouf… mais Sana s’enfuit au dernier moment. Yves Thoraval, historien des cinémas du Proche-Orient, nous dit dans Les écrans du Croissant fertile (Seguier, 2003) : « Etoiles du jour est l’un des films moyen-orientaux les plus puissants et non-conventionnels jamais réalisés, dont l’objectif est de secouer violemment l’ordre patriarcal, ici à travers les avatars matrimoniaux de la famille alaouite Ghazi – une fois encore dans la région de Lattaquié – qui refuse tout « étranger » au clan. Cette famille élargie forge elle-même les armes qui vont la détruire et, une fois encore, ce sont les femmes qui subissent les contrecoups de cette obsession endogame – brutalités, noces qui se transforment en funérailles, viol de la jeune sœur sur le point de s’échapper à Damas avec son bien-aimé etc. »

 

LAYALI IBN AWA (LES NUITS DU CHACAL)

ABDELLATIF ABDEL HAMID (1990)

Assaad Fedda, Najah el Abdhallah, Rami Ramadan, Tolaï Haroun

C’est l’histoire d’une famille paysanne qui se délite au fil du récit. Abu Kamal a bien du mal à imposer son autorité à sa famille. Il découvre que son fils aîné – censé être parti à Lattaquié pour y poursuivre ses études, mène une vie de débauche -, et que son deuxième fils est l’amant de l’une de ses voisines mariées. Désespéré de ne pouvoir imposer un comportement digne à ses enfants, il réagit parfois violemment. Un jour il en vient aux mains avec son fils aîné qui quitte définitivement le foyer familial. Il décide alors de punir son second fils en l’enterrant jusqu’au cou, mais un militaire vient interrompre le supplice : son fils est mobilisé, c’est l’époque de la guerre de 1967. Quant à sa fille cadette, elle a une liaison hors mariage avec un voisin et l’amant n’ose pas demander à son père de l’épouser. Quand elle tombe enceinte il décide d’enlever la jeune fille et l’honneur de la famille est anéanti. Le soir, des hyènes rôdent aux alentours du foyer familial, là encore Abu Kamal n’arrive pas à les chasser. Lui, le chef de famille, tente en vain d’exercer une autorité qui, contrariée à chaque instant, donne au film sa tonalité absurde et comique. Premier film d’ Abdellatif Abdelhamid.

 

AL-AJAT (LE LEJA)

RYAD CHAYA (1995)

L’histoire se situe dans les années 1940 dans un village druze, typique avec ses maisons de pierre noires, situé au cœur d’un paysage volcanique, isolé et austère. Au loin, des cris des animaux se font entendre, l’atmosphère est étrange, fantastique, inquiétante, pesante. Salma, l’héroïne principale – mariée avec un homme qu’elle n’a pas, selon la coutume, choisi – vit dans ce village replié sur lui-même. Peu après leurs noces il l’a abandonnée pour émigrer et elle semble résignée à accepter son sort. Un jour, elle reçoit une lettre de son mari mais, ne sachant pas lire, elle l’apporte à l’instituteur du village, un ami d’enfance, pour qu’il lui lise. Cette visite marque le début d’une histoire d’amour qui va se tisser entre eux. Elle reste néanmoins une femme mariée et le village entend bien, même si son mari ne devait jamais rentrer, lui rappeler ses obligations d’épouse. Les deux amants ne voient pas d’autres solutions que de fuir. Mais des villageois se lancent à leur recherche, des policiers les retrouvent et les livrent au chef du village. Le sort de la jeune femme ne peut qu’être tragique : punie pour avoir osé aimer, elle est exécutée. Le cinéaste dénonce les lois ancestrales, violentes et appliquées dans toute leur rigueur, et l’intervention des policiers qui ont participé à ce châtiment extrême.

 

PERIPLE

MATER KEDDO (1997)

L’héroïne, après l’enterrement de ses parents, part à la recherche de la bande d’assassins qui ont tué les siens, l’ont violée et brûlé sa maison. Elle se retrouve dépossédée de tout ce qui compose son identité : sa famille mais aussi son propre corps puisqu’elle porte l’enfant d’un viol. Elle part et plus elle avance, plus elle s’éloigne de ses repères. Au début elle rencontre des gens qui compatissent à son malheur et l’encouragent dans sa démarche, mais au fil des mois son ventre s’arrondit et les nouvelles personnes qu’elles croisent pensent qu’elle fuit sa famille suite à une liaison hors mariage. Elle poursuit sa marche seule dans le désert et les bédouins qui la croise pensent qu’elle est peut-être un être surnaturel ? L’un d’eux va même jusqu’à l’interroger quand elle s’approche d’un puits : « tu es un être humain ou un esprit ? » Il fait référence à une croyance populaire dans le monde arabe : les djinns habitent près des points d’eau. Afin que les bédouins la laissent tranquille, elle fait croire qu’elle peut être un djinn. Elle continue à s’éloigner seule dans le désert, dans une profonde solitude et impuissante devant son destin.

 

BAB ELE BAKAM (PASSION)

MOHAMED MALASS (2005)

Salwa Jamil (Imane), Naceur Ouerdiani (l’oncle), Oussama Sayed Youssef (Adnane), Yara Chakra (Joumana), Kamel Jaber (Jamil)

Imane habite une grande maison à Alep, elle aime son mari et ses enfants et, à priori, elle a tout pour être heureuse. Mais elle a une passion pour la grande chanteuse égyptienne Oum Kalsoum à laquelle elle voue un véritable culte. Chez elle, elle ne se lasse pas de fredonner ses airs les plus célèbres mais, chanter dans ces heures d’austérité et de prétendue ouverture démocratique, lui est vivement reproché. L’oncle Sobhi, mysogine, est à la tête de la famille sur laquelle il exerce une pression intra familiale. Tout le monde, y compris oncles et neveux, est à son écoute, quant à la solidarité féminine elle s’exprime de façon étouffée. Imane se rend chez une disquaire qui lui fait découvrir tout le répertoire d’Oum Kalsoum, une amitié naît entre elles, une relation que la famille n’accepte pas : être joyeuse en chantant semble suspect, c’est surement le comportement d’une femme amoureuse. Imane est une femme qui : « n’est respectable que dans le silence » et, jugée par les siens qui se sentent déshonorés par son attitude, elle sera violemment punie. Saluons le réalisateur qui a osé traiter de faits réels en témoignant d’un état d’esprit qui perdure vis à vis des femmes : soumises aux décisions des hommes, elles doivent exclure toute initiative personnelle destinée à se distraire et à s’émanciper.

 

LE VOYAGE DE RABIA

MEYAR AL-ROUMI (CM, 2007)

Jafra Younes (Rabia), Maan Jouma (le fiancé), Oussama Halal (le chauffeur)

Un instituteur, en poste dans un petit village de la Syrie du nord, emmène Rabia, sa très jeune fiancée, pour la présenter à sa mère qui habite un village situé dans la montagne. Le trajet en voiture, est le premier voyage de la jeune fille hors de son village natal. Le chauffeur, un peu rustaud, est séduit par Rabia qui découvre les jeux de la séduction…

 

VRAIES HISTOIRES D’AMOUR, DE VIES, DE MORTS ET PARFOIS DE REVOLUTION

NIDAL HASSAN ET LILIBETH RASMUSSEN (2012)

Le jeune cinéaste syrien Nidal Hassan et la réalisatrice danoise Lilibeth Rasmussen, arrivée à Damas le 16 mars 2011, n’avaient jamais imaginé que l’insurrection syrienne allait éclater le jour suivant. En février 2011, Nidal Hassan avait commencé le tournage d’un film sur la condition des femmes en Syrie. Quand les premières émeutes surviennent, le conflit se rajoute à la trame familial, aux images de son quotidien, aux arrestations de proches etc. Se pose alors la question de faire un film ? Durant ces mois difficiles, ces deux cinéastes de cultures différentes vont tenter de raconter l’amour, la vie et la mort en cette période de révolution.

A propos de son film Nidal Hassan confie : « Je voulais aller vers les citoyens syriens, voir leurs rêves, leur besoin de dignité, leur soif de liberté. Je ne voulais pas en rester aux images des médias qui ne montrent que de la mort, du sang et des choses terribles. Bien sûr, ce n’est ni évident ni facile de filmer dans la rue. C’est un vrai risque, mais je ne pouvais pas ne pas le prendre. Pour moi, il était indispensable de capter ce moment, d’en garder ces images, qui, un jour, seront des images d’archives historiques. » Le film a été présenté dans une dizaine de festivals dont le Cinéma du réel à Paris (2012), en compétition officielle à Dubai (2012), à Cannes dans le cadre de Doc Corner (2013) et Locarno (2013).

 

SOULLAM ILA DIMASCHQ (UNE ECHELLE POUR DAMAS)

MOHAMAD ALAS (2013)

Najla el Wa’z, Lara Saade, Bilal Martin, Gianna Aanid, Mohamad Zarzour

Le cinéaste, qui a tourné dans des conditions très difficiles, s’attache à l’intériorité de ses personnages. Il a expliqué à l’AFP : « avoir reçu les autorisations de tournage du gouvernement syrien avant l’escalade de la violence en 2011 (…) Le scénario est parsemé de personnages de religions diverses avec des histoires personnelles différentes, mais pour chacun, l’issue finale est dictée par les combats. Le film tend sous forme allégorique à montrer le rôle du cinéma en période de troubles politiques » Le film – qui commençait au départ comme une banale histoire d’amour entre Ghalia, une jeune fille venue s’installer à Damas pour étudier l’art dramatique et Fouad un futur réalisateur – s’est métamorphosé, explique l’organisateur du festival de Toronto où le film a été présenté, en « une fenêtre fascinante dans la psyché de Syriens ordinaires soudainement aux prises avec un bouleversement historique ». À l’intérieur de la maison où elle habite avec d’autres jeunes Syriens, leur histoire d’amour commence, tandis que dans les rues retentissent les bruits de la révolution.

 

MARIAM

BASIL AL-KHATIB (2013)

Wihr d’or au FOFA (Festival du Film Arabe d’Oran)

Asaad Foudda, Sabah Eljazairi, soulaf Fawakherji, Dima Kandalaft, Lama Hakim, Mayssoun Abou Assaad, Abed Fahed, Rim Ali, Nadine Khouri.

Ce film, confie le réalisateur, est une ode à la femme syrienne et à l’espoir de paix en Syrie. Il raconte un siècle d’histoire à travers le vécu, à des époques différentes, de trois femmes portant le prénom Mariam. Elles vivent chacune à une époque ou la Syrie est en guerre, de la fin de la première guerre mondiale jusqu’à nos jours. Le cinéaste a voulu montrer l’impact de la guerre sur ces trois Syriennes qui ne perdent pas pour autant « leur capacité à aimer et à faire des sacrifices. »

 

IRAK 

Le cinéma en Irak est-il en train de renaître ? C’est l’espoir annoncé par les organisateurs du 51ème Festival international de Salonique en 2010 où était présenté le film Mandoo et une rétrospective du jeune cinéaste irakien Mohamed Al-Daradji qui expliquait lors d’une interview que quasiment aucun film n’avait pu être tourné en Irak entre 2005 et 2008. Il confiait également que son film Son of Babylon (2010, sélectionnée pour représenter son pays pour l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood) avait été tourné dans des conditions si difficiles que maintes fois il avait hésité à abandonner son projet qui, par ailleurs, ne pouvait recevoir un financement du gouvernement irakien qu’a une seule condition : « que le personnage principal – la grand-mère – soit arabe et non kurde ». Mohamed Al-Daradji dit aussi son espoir « de susciter des vocations dans son pays natal et de rouvrir les 275 cinémas détruits par la guerre. » Les années de guerre et d’embargo montrent que les artistes irakiens, malgré le chaos, veulent continuer à créer. L’Institut Français d’Irak soutient le Festival du Film de Bagdad, un évènement emblématique de la vie culturelle à Bagdad depuis sa création en 2005. En 2016, un jeune producteur irakien a fondé un festival du film court à Bagdad et en France une sélection a été présenté en janvier 2018 dans le cadre de « Vagamondes » à Mulhouse où le public a pu découvrir sept jeunes réalisateurs de moins de quarante ans : Luay Fadhil, Mejd Hamedk, Ayhan Anwar, Abdulwahab Shwani, Maitham Mohammed Khalaf, Amjad Mohammed Alfayoni et Abbas Hashem. Issus de toutes les régions d’Irak : « ils parviennent à sortir de ce contexte conflictuel pour nous donner une vision profondément humaine de leur monde. », indiquaient les organisateurs. Dans Homeland, Irak année zéro (2015), le documentaire fleuve bouleversant (plus de cinq heures), du cinéaste franco-iraquien Abbas Fahdel, on suit le quotidien d’une vie de famille, la sienne, à Bagdad avant et après l’intervention américaine. Si le traumatisme de la guerre est vécu par les cinéastes comme un besoin de témoigner – comment pourrait-il en être autrement – on aimerait croire aussi que la renaissance du cinéma irakien est en marche !

 

ZAMAN, l’HOMME DES ROSEAUX

AMER ALWAN (2003)

Sami Kalfan, Shada Salim, Hussein Imad, Saadiya Al Zaydi, Fatima Salah

Au sud de l’Irak s’étend une vaste région marécageuse où Zaman vit avec Najma, son épouse, et Yacine, leur fils. Leur maison est faite de roseaux, leur vie est simple et, unis par l’amour, ils ont réussi a résisté aux événements qui frappent leur pays. Un jour Zaman découvre que sa femme affaiblie, est atteinte d’un mal étrange qui serait dû à la guerre. L’unique médecin lui prescrit un médicament, devenu rare à cause de l’embargo, et Zaman part, malgré sa crainte de laisser sa bien-aimée, pour se le procurer en ville. Sur sa frêle embarcation il traverse les marais, remonte le Tigre et, long des rives du fleuve, il voit défiler sous ses yeux la grandeur de la civilisation millénaire à laquelle il appartient : passé et présent se superpose au fil de son périple. Il débarque à Amara, la première grande ville, où malheureusement le remède est introuvable. Il lui faut aller jusqu’à Bagdad où, pour la première fois, il est confronté à la vie moderne. Après s’être rendu dans de nombreuses pharmacies, il trouve enfin le médicament miracle et s’empresse de retourner vers sa femme. L’espoir de la sauver renaît… Le film, tourné en 2002 et 2003, est le dernier film tourné en Irak avant l’offensive américaine, d’où l’atmosphère particulière qui s’en dégage.

 

L’AUBE DU MONDE

ABBAS FAHDEL

(2009, nombreuses récompenses dont le Grand prix du jury au  Festival international du cinéma d’auteur de Rabat, Prix du Public et Prix du jury au Festival international des cinémas d’Asie de Vesoul, Prix du meilleur long métrage de fiction au Gulf Film Festival des Émirats arabes unis, Prix du meilleur scénario – Festival international du film de Beyrouth

Karim Saleh (prix du meilleur acteur, festival du film arabe de Rotterdam en 2010), Hafsia Herzi (Zahra), Hiam Abbass (mère de Mastour), Waleed Abou El Magd (Mastour), Sayed Ragab (Hadji Noh)…

D’un point de vue historique le film se déroule pendant le guerre Iran-Irak, la guerre du Golfe (1990-1991), l’insurrection en Irak et la répression qui vise les Arabes des marais. Cette répression faisait partie des actes d’accusations dont Saddam Hussein devait répondre devant un Tribunal irakien. Le film a été tournée dans le delta du Tigre et de l’Euphrate, un paysage de l’aube du monde – d’où le titre du film – où se situait le jardin d’Eden, selon le livre de la Genèse, et où il y a plus de 5000 ans se sont livrées les batailles de l’ancienne Mésopotamie, du temps de la grandeur de Sumer et de Babylone.

A 10 ans le cœur de Zahra bat pour son cousin Mastour à qui elle offre son miroir fétiche, il lui fait la promesse de l’épouser plus tard. Sept ans ont passé et ils se marient, mais lors de leur nuit de noces Zahra, fragile et craintive, se refuse à son mari. Quand les troupes de Saddam Hussein viennent pour recruter des soldats pour la Guerre du Golfe, Mastour doit partir et leur union est un mariage blanc. Quand plus tard son unité est décimée, Mastour erre avec Riad dans le désert. Lorsque Mastour saute sur une mine, il lui confie avant de mourir le miroir de Zahra, lui demande de le remettre à sa femme, de lui faire la promesse de la protéger et de l’épouser une fois la guerre terminée. Mais la guerre, la malédiction, les traditions feront obstacles et empêcheront Riad d’être fidèle à sa promesse. Ce premier film d’Abbas Fahdel est aussi un beau témoignage aux Maadans – Mastour et Zahra appartiennent à cette ethnie en voie de disparition des Arabes du marais – qui, vivant dans une région incontrôlable, étaient considérés comme des sauvages arriérés par la dictature irakienne. Saddam Hussein, les accusant d’avoir accueilli les déserteurs de son armée lors de la guerre Iran-Irak, a décidé de les exterminer en asséchant leurs terres marécageuses.

 

THE LOST VOICE

BAVI YASSIN

(2013, prix du meilleur court métrage arabe au Festival de Dubaï)

Darida El Joundy, Mihanad Mukhtar

Face aux événements dans son pays Salma, une chanteuse irakienne, quitte sa terre natale et trouve refuge dans un asile pour réfugiés en Belgique.  Malgré sa situation elle se comporte comme une diva et il lui est difficile de comprendre qu’ici les conditions ne sont plus les mêmes. Elle rencontre Hassan, un autre réfugié, qui lui ouvre les yeux et la recentre sur sa vraie réalité. Salma a perdu ses repères, sa vie est floue, elle oscille entre la réalité de ce centre et son imaginaire poétique qui la transporte au cœur du désert irakien.

 

JORDANIE

 

Si de nombreux films célèbres ont eu pour décor la Jordanie (Lawrence d’Arabie, La dernière croisade, Indiana Jones 3), les films réalisés par des cinéastes jordaniens sont rares avant les années 2000. En 2003 avec la création de la « Royal Film Commission », le secteur cinématographique a trouvé une structure pour encadrer, accompagner la production et la diffusion de films au niveau international. De jeunes réalisateurs comme Omar Saleh, Jafar Safwan et Hanan Haddoush, ont fait découvrir la Jordanie à travers leurs courts-métrages réalisés entre 2006 et 2011 dans les ateliers de la Coopérative des Réalisateurs d’Amman coordonnée par Hazim Bitar. La création du Festival du Film Arabe d’Amman et, par L’institut français de Jordanie en collaboration avec la Royal Film Commission, du Festival du Film Franco Arabe à Amman, sont deux événements qui, abordant des thématiques très diverses, participent à une meilleure connaissance du cinéma jordanien. Les films –  the Theeb de  Naji Abu Nowar (Oscar du meilleur film étranger en 2016) et 3000 nuits de Mai Masri – représentent un cinéma jordanien multiple qui depuis dix ans se démarque dans les festivals internationaux.

 

ALAL MADE AL BASAR, A PORTEE DE VUE (LINE OF SIGHT)

ASEEL MANSOUR (2012)

Khaled al Ghwairi, Nadia Odeh

Premier long-métrage du jeune cinéaste Aseel Mansour. Leila, bien qu’elle soit une jeune mariée, n’est pas heureuse, son mari est souvent absent. Un soir on tente de lui voler sa voiture que lui a offert son époux, elle réussit à trouver l’un des deux recéleurs qu’elle tient en otage, pistolet en main.  Leur rencontre met à jour le récit intime de la vie de chacun d’entre eux. Si Leila tient tellement à récupérer cette voiture ce n’est pas pour sa valeur financière et sentimentale, c’est parce qu’elle y a laissé deux photos lui rappelant son passé amoureux. En fait Leila aime deux hommes mais elle a choisi, sous la contrainte de sa mère, d’abandonner son amant pour se consacrer entièrement à son mari. Le temps passe, elle continue à bavarder avec son otage, qui lui avoue les raisons de son vol. Leila touchée se demande s’il dit vrai ? Et son mari a-t-il vraiment pris l’avion ? Leila souffre d’avoir quitté celui qu’elle aime. A-t-elle fait le bon choix ?

 

MAY IN THE SUMMER

CHERIEN DABIS (2013)

Cherien Dabis (May), Bill Pullman (Edward), Alexander Siddig (Ziad), Nadine Malouf (Yasmine)

May, une jeune jordanienne d’origine palestinienne, vit aux Etats-Unis où elle est l’auteur d’un bestseller. Elle se rend en Jordanie pour se marier avec Ziad, son fiancé musulman qui vit aussi en Amérique et doit la rejoindre dans un mois pour leur mariage. D’une famille chrétienne, sa mère s’oppose à cette union, mais ses deux sœurs fantasques et assez libérées la soutiennent dans son choix. Au fil des semaines May découvre des secrets de famille et se demande si elle sera toujours aussi persuadée de son bon choix quand Ziad arrivera ?

 

OUR WONDERFUL DREAMS

GHADA SABA (2012)

Un film sur l’amour et les désillusions de trois femmes et d’une petite fille qui rêvent, mais rien de ce qu’elles espèrent ne se réalise.

 

LAMMA DEHKET MONALIZA (WHEN MONALIZA SMILED)

FADI GEORGE HADDAD 

Tahani Salim (Monaliza), and Shady Khalaf (Hamdi), Haifa Al Agha, Nadira Omran (Nayfeh), Suha Najjar (Rudaina)

Ce premier long-métrage du jeune réalisateur jordanien Fadi Haddad, raconte l’histoire d’amour entre la jordanienne Monaliza et l’égyptien Hamdi. Ils vivent à Amman, la capitale, parmi une communauté de curieux et de personnages fantasques. Le cinéaste met en lumière les préjugés sociaux liés à l’immigration, mais à travers une vision romantique, précise-t-il, il en fait un « feel good movie » qui rend hommage au vieux cinéma égyptien.

 

 

3000 NUITS

MAI MASRI (2015)

Maisa Abd Elhadi (Layal), Nadira Omran (Sanaa), Rakeen Saad (Jamileh)

Naplouse dans les années 1980, à la veille des événements de Sabra et Chatila. Le film, réalisé par Mai Masri, d’origine palestino-jordanienne (aujourd’hui Libanaise), a été tourné à Zarka près d’Amman. Layal, une jeune institutrice palestinienne, est arrêtée et, accusée à tort d’avoir participé à un attentat, elle est condamnée à huit ans de prison ferme. Elle se retrouve du jour au lendemain dans un univers carcéral hautement sécurisé« `. Dans cette prison de femmes en Israël, elle découvre la violence, la drogue, la bassesse, les insultes, l’enfermement. Au bout de quelques semaines elle prend conscience qu’elle est enceinte, son mari lui conseille d’avorter : elle refuse. Neuf mois plus tard, elle accouche seule les mains menottées. Nour, son bébé, reflète l’espoir, la vie, un futur meilleur peut-être ? Les prisonnières de sa cellule célèbrent avec joie l’événement ! Jeune mère elle va lutter pour survivre, élever son nouveau-né derrière les barreaux, et tenter de donner un nouveau sens à sa vie. Un film fort et plein d’humanité. Appartenant à deux cultures, il a représenté la Jordanie aux Oscars et la Palestine aux Golden Globes.

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