爱情

Chine

Singapour

* "amour" en Mandarin

" Je t'aime "
Quelques précisions sur cette langue

Le mandarin ou putonghua est une catégorie des langues chinoises parlée dans le nord et le sud-ouest de la Chine continentale. C’est la langue qui compte le plus grand nombre de locuteurs dans le monde. Il s’écrit au moyen des sinogrammes et on le transcrit maintenant le plus souvent en pinyin, mais aussi en zhuyin (bopomofo).
Même s’il est aujourd’hui enseigné à tous les Chinois, les Chinois plus âgés ne parlent pas tous le mandarin mais d’autres langues chinoises, comme le cantonais. Le mandarin, que les dirigeants communistes ont désigné en 1956 comme la langue véhiculaire de leur nation entière en une version standardisée, était d’abord celle de communautés chinoises du Nord du pays. Bien que possédant aussi une ancienne histoire littéraire, elle ne dérive pas de la langue écrite classique littéraire et artificielle, abandonnée en 1919 après avoir été utilisée comme langue écrite officielle et littéraire pendant plus de 2 000 ans : en effet, c’est d’une langue vernaculaire parlée que le mandarin procède.
Contrairement à ce qu’on croit souvent, le chinois n’est pas seulement parlé en Chine et ceux que l’on appelle les Chinois ne parlent pas tous le « chinois » officiel.
On distingue trois catégories de Chinois :

• les Chinois han qui parlent le mandarin et qui habitent le nord-est du pays; on comptait environ 715 millions de locuteurs en 2003 ;
• les Chinois han qui parlent l’une des 24 langues chinoises autres que le mandarin et habitent le sud-est; ils représentaient environ 380 millions de locuteurs (2003) ;
• les Chinois non han, environ 70 millions de locuteurs (données 2003), qui parlent des langues non chinoises (tibéto-birmanes, altaïques, kadai, miao-yao) et occupent tout l’ouest de la Chine, soit 60 % du territoire. Les deux groupes de Han forment 94 % de la population.

Hors de Chine, le mandarin ou putonghua est parlé à Taïwan (2,2 millions), en Indonésie (460 000), en Malaisie (417 000), au Cambodge (300 000), à Singapour (201 000), au Royaume-Uni (105 000), dans certaines républiques de l’ancienne URSS (Kirghizie, Kazakhstan, Ouzbékistan: 52 000), à Brunei (15 000), en Thaïlande (5 880), en Mongolie (2 000).
Les sinophones hors de Chine parlant une langue autre que le mandarin sont relativement nombreux et sont dispersés un peu partout dans le Sud-Est asiatique et dans les îles du Pacifique. Ces minorités sont estimées à environ 33 millions et parlent principalement le min (env. 20 millions), le cantonais (env. 7,5 millions) et le hakka (env. 4 millions).

Quelques références littéraires et cinématographiques

CHINE

Je suis allée plusieurs fois en Chine entre 1984 et 1990. En dehors de l’extraordinaire civilisation millénaire que je découvrais avec fascination, j’ai été marqué par plusieurs réalités du pays : la foule circulant à vélo, la pauvreté, la difficulté de vivre en milieu urbain comme en milieu rural… Bien que ce ne soit pas mon propos ici de m’étendre sur mes nombreux souvenirs de voyages, j’aimerais juste évoquer deux choses qui m’ont particulièrement marqué :

La première concerne le théâtre, où je me rendais sans enthousiasme pensant qu’un ennui profond m’envahirait dès les premières secondes, étant donné que je ne parlais pas le mandarin. Or, à ma grande surprise, j’ai assisté à de nombreuses représentations théâtrales sans éprouver le moindre ennui, bien au contraire. J’étais fascinée par le jeu des acteurs, le raffinement des danseuses aux longues manches dites « manches aquatiques », l’étrangeté de leur maquillage (les visages peints selon des codes indiquent si c’est un traitre ou un héros), de leurs masques, de leurs expressions selon le dénouement de l’intrigue, de leur gestuelle, de la féerie chatoyante de leurs costumes etc.

La seconde se rattache aux jeunes interprètes qui nous accompagnaient : tout d’abord j’étais interpellée par la facilité et la qualité avec laquelle ils maniaient la langue française, n’ayant jamais eu la possibilité de venir en France. Les sujets de conversations ne manquaient pas, mais une question me taraudait, je n’osais pas me risquer à la poser, finalement j’ai sauté le pas. À plusieurs reprises et à chacun de mes voyages, j’ai tenté en vain d’aborder la période de la Révolution culturelle, afin de savoir comment au sein de leur famille cette période avait été vécue. À peine avais-je prononcé ces deux mots, je voyais leur visage se figer, leur regard s’absenter, leur sourire se crisper. Je sentais à quel point évoquer ce traumatisme était douloureux, les mettaient mal à l’aise et surtout, surtout, je mesurais leur peur de parler, d’être écouté, d’être dénoncé… Dans les choix des films que je vous propose, j’ai été bien sûr sensible à vous faire découvrir, à travers le regard de différents cinéastes, plusieurs fictions qui ont pour toile de fond cette terrible période. Mais je me suis également attachée à donner un panorama diversifié du sentiment amoureux dans le cinéma chinois depuis le début du cinéma parlant jusqu’à aujourd’hui.

CINÉMA

YEBAN GESHENG (LE CHANT DE MINUIT)

MA-XU WEIBANG (1937, noir et blanc)

Gu Menghe, Hu Ping, Jin Shan.

Ce film méconnu a été réalisé par l’un des grands cinéastes des années 1930-1940 spécialisé dans les films à caractère fantastique. Un nuit d’orage des comédiens arrivent dans un théâtre, dit hanté par le fantôme de Song Danping, un célèbre chanteur d’opéra. Dix ans plus tôt, ce pauvre Song avait eu le malheur de tomber amoureux de la fille du propriétaire des lieux. Ce dernier, furieux d’apprendre cette liaison, avait fait appel ses hommes de main pour éliminer le prétendant. Défiguré au vitriol, personne ne l’avait plus revu. Song, décidant qu’il lui était impossible de réapparaître devant sa bien aimée, s’était fait passé pour mort. En réalité, grâce à la complicité du portier, il avait trouvé refuge dans le grenier du théâtre. Reclus, mais non loin de la maison où vivait celle qu’il aimait, il chantait pour elle chaque nuit. Un jour, un jeune comédien découvre sa cachette et éprouve de la compassion pour la vie tragique de Song. Ils se lient d’amitié et Song lui enseigne son art. Quand plus tard l’agresseur réapparaît, Song saisit l’occasion de se venger…

 

MALU TIANSHI  (LES ANGES DU BOULEVARD)

YUAN MUZHI (1937, noir et blanc)

Zhao Dang (le trompettiste), Wei Heiling (le vendeur de journaux), Zhou Xuan (Xio Hong, la petite chanteuse), Zhao Huishen (Xio Yun, la prostituée), Chen Yiting (le tueur).

Dans les bas-fonds du Shanghaï des années 30, le trompettiste Chen tombe amoureux de Xiao Hong, une jeune chanteuse qui a fui la Mandchourie occupée par les Japonais. Elle vit avec sa sœur Xiao Yun qui se prostitue dans le bar où elle travaille. Wang est amoureux d’elle, mais elle aime Chen. Ils vivent dans un Lilong, des maisons séparées uniquement par une petite allée, où les habitants communiquent très facilement. L’atmosphère de ces quartiers, où grouille le petit peuple de Shanghaï, n’est pas sans rappeler le Paris de René Clair dans Les Toits de Paris (1931). L’étroitesse de la ruelle qui sépare les habitations permet aux amants de s’échapper par les toits la nuit pour se retrouver. Les deux sœurs sont poursuivies par la pègre, Chen tente avec ses amis de les extraire de ce milieu. Xiao Yun, malgré sa jalousie, se sacrifie pour sauver sa sœur et meurt dans les bras de Wang.

 

YE SHEN CHEN (LA NUIT PROFONDE ou LA NUIT CLOSE)

ZHANG SHICHUAN (1941, noir et blanc)

D’après le roman de Zhang Henshui – Zhou Xuan, Han Fei.

Le titre du film a pour origine un chant de l’Opéra de Pékin où Zhou Xuan (une célèbre actrice chanteuse des années 30-40), interprète des airs d’opéra. Chanteuse de rue, mal traitée par ses parents qui l’exploitent et lui tapent dessus, elle s’enfuit dans la famille d’un cocher amoureux d’elle. Mais sa « voix d’or », l’amène à fréquenter d’autres milieux. Elle attire des hommes riches et élégants qui la séduisent et l’entraînent dans une suite d’amours vénales où aucun bonheur n’est possible. La jalousie conduira au drame.

 

BAI MANO NU (LA FILLE AUX CHEVEUX BLANCS)

WANG BIN & SHUI HUA (1950, noir et blanc)

Tian Hua (Hsi ou Xi’er), Chen Qiang (Ia Zhuen), Hu Peng (le seigneur Huang).

La veille du nouvel An, Xi’er prépare son mariage avec Da Chun, son ami d’enfance. Mais son père, le vieux paysan Zhao, est endetté et Huang, son créancier, lui propose un odieux marché : il lui vend sa fille pour recouvrir ses dettes. Terrorisé, le vieil homme accepte et signe le contrat. De retour chez lui, désespéré et dans l’impossibilité de parler à sa fille, il se suicide. Xi’er, désormais la propriété de Huang, est violée et astreinte aux pires besognes. Quand elle est enceinte il veut se débarrasser d’elle pour éviter le scandale. Prévenue par une servante, elle s’enfuit la nuit dans la montagne. Les hommes de Huang la pourchassent, puis ils abandonnent pensant qu’elle s’est noyée dans la rivière. Refugiée dans une grotte, elle vole les offrandes du temple voisin pour se nourrir. Son enfant naît pour mourir, les cheveux de la jeune femme blanchissent et les gens pensent qu’un esprit erre dans la montagne.

Après des années elle est découverte et, sauver par l’Armée rouge, elle retrouve son fiancée. Ce film a une portée historique. C’est l‘un des premiers films réalisés sous Mao, autrement dit sous la « Chine nouvelle », le premier film chinois projeté en Europe et son sujet – un paysan pauvre et endetté, exploité par un seigneur qui lui achète et viole sa fille qui, maltraitée s’enfuit et est finalement secourue par l’Armée rouge – sert la propagande communiste. Le film a cependant été interdit pendant la Révolution culturelle, à cause de son parti pris romantique au détriment de la lutte des classes.

 

YE MEI GUI ZHI LIAN, THE WILD, WILD ROSE, (SAUVAGE, SAUVAGE EST LA ROSE)

WANG TIAN-LIN (1960, noir et blanc)

 Libre adaptation de Carmen de Georges Bizet – Grace Chang (Deng Siija), Lai Wang (Xueli), Ching Tien (Xiao Liu).

Je suis toujours émue quand je découvre qu’un cinéaste s’est lancé dans une adaptation de Carmen. Car je ne peux m’empêcher de penser avec tristesse à George Bizet qui est mort trois mois après sa création à l’Opéra-comique (3 mars 1875), effondré par la salve de critiques insultantes qu’avait suscité son œuvre. Il avait 37 ans et était en pleine maturité artistique. Il aurait suffit qu’il vive quelques mois de plus pour être assuré que Carmen était un chef-d’œuvre et non un échec : Carmen triomphait à Vienne dès novembre 1875 puis à Madrid en 1876. Ce n’est qu’en 1883, après sa consécration à l’étranger, que Carmen triomphera enfin devant un public parisien.

Ainsi donc voilà Carmen, transposé en mandarin, tourné en 1960 à Hong Kong dans le quartier de Wan Chai mais où l’atmosphère est celle d’avant-guerre dans un cabaret de Shangaï. Une comédie musicale mêlée à un film noir où la flamboyante chanteuse, qui se met en tête de séduire son nouveau jeune pianiste, plus par jeu que par un réel désir, insuffle un étonnant dynamisme au film.

 

MEI YOU HANG BIAO DE HE LIU (LA RIVIERE SANS BALISE)

WU TIANMING (1984)

Li Wei, Tao Yulin, Tang Qingming, Hu Ronghua, Song Baosen.

Wu Tianming, décédé en 2014 : « fait parti de la génération sacrifiée des réalisateurs chinois qui ont terminé leurs études juste avant la Révolution culturelle. Si sa carrière en a été affectée, il fait cependant figure de parrain de la 5ème génération par le rôle qu’il a joué à la tête du studio de Xi’an à partir de 1984 » (Brigitte Duan). En 1983, il obtient l’autorisation de réaliser « La rivière sans balise », son premier film. L’histoire se situe en pleine Révolution culturelle (1966-1977), une époque où le chaos règne un peu partout, comme la misère sociale et la corruption des élus locaux. Trois Hommes d’âge différents, Lao Pan, Zhao et Shigu convoient du bois sur une rivière du Hunan. Ils se querellent souvent, boivent, apprennent à mieux se connaître et finalement se laisse aller à des confidences. Lao Pan, le plus âgé, raconte qu’il n’a pas pu, faute d’argent, épouser Haihua, sa bien-aimée. Shigu, le plus jeune, explique qu’il a vécu une histoire presque similaire et espère pouvoir se venger un jour : Gaixu, sa fiancée, a été forcée par un jeune représentant de la Révolution culturelle d’épouser un autre homme. Quant à Zhao, la quarantaine, il travaille dur pour élever sa famille très pauvre.

Sur leur radeau, devenu leur refuge, ils sont en retrait du monde qui les entoure. Ils accostent dans plusieurs petites villes fluviales jusqu’au jour où Lao Pan retrouve fortuitement Haihua, son amour de jeunesse. Elle est veuve, et il la retrouve en train de mendier pour se nourrir. Choqué, il culpabilise de ne pas avoir su la garder près de lui. Lao Pan se fixe un objectif : aider Shigu, même au péril de sa vie, à rattraper le temps perdu, à retrouver celle qu’il aime, pour ne pas avoir à souffrir comme lui d’une séparation toute sa vie. Ce film dénonce aussi la répression sexuelle de l’époque.

 

DA HONGDENLONG GAOGAO GUA (ÉPOUSES ET CONCUBINES)

ZHANG YIMOU (1991)

Lion d’argent au Festival de Venise – Adaptation d’une nouvelle de Tong Su – Gong Li (Songlian), He Caifei (Meishan), Jingwu Ma (maître Chen Zuoquian), Cao Cuifen (Zhuoyun).

En Chine j’ai été très étonnée de découvrir que la polygamie avait été une pratique courante (ce que dénonce ce film) dans la culture chinoise jusqu’à l’avènement du communisme (1949). L’histoire, qui laisse peu de place à l’émotion et aux sentiments, se situe dans la Chine des années 20. Songlian, une jeune fille de 19 ans, est obligée d’interrompre ses études à la mort de son père. Pauvre, elle accepte sous la contrainte, de devenir la quatrième épouse de Chen Zuoqian, un homme riche beaucoup plus âgé qu’elle. Elle arrive dans sa résidence somptueuse, composée de nombreuses petites maisons où chaque concubine est retenue prisonnière dans un des pavillons. Songlian découvre les codes qui régissent la vie de cette micro communauté polygame. C’est dans ce huit clos, où plusieurs femmes se partagent un homme, que l’intrigue se joue.

Chaque jour les domestiques allument des lanternes rouges devant la porte de l’élue du soir, choisie par le maître. A cette occasion, la favorite de la nuit est préparée, lavée, parfumée, massée et parée. Songlian comprend rapidement l’avantage d’être la favorite et, étant la plus jeune, elle le sera souvent ce qui attise des jalousies. Les concubines se livrent une lutte sournoise et elles rivalisent de mesquineries. C’est toute l’intrigue du film. Le mari, toujours dans l’ombre, est comme déshumanisé, seules les femmes soumises sont observées à travers la violence de leurs relations, l’horreur du quotidien qu’elles partagent… jusqu’à la folie, la mort. L’immense propriété fortifiée, près de la ville de Pingyao dans la province du Shanxi, où a été tourné le film, draine toujours aujourd’hui un grand nombre de visiteurs.

BA WANG BIE JI (ADIEU MA CONCUBINE)

CHEN KAIGE (1993)

Première Palme d’or chinoise au Festival de Cannes – Inspiré d’un roman de Lilian Lee – Leslie Cheung (Douzi, Cheng Dieyi), Zhang Fengyi (Shitou, Duan Xiaolou), Gong Li (Juxian), Lu Qi (Master Guan).

Une intrigue dramatique et bouleversante qui se situe entre 1925 et 1977. Deux jeunes garçons Douzi (adulte Dieyi) et Shitou (adulte Xialou), abandonnés par leurs mères, se rencontrent à l’école de l’Opéra de Pékin où, après de nombreuses années d’un apprentissage très exigeant, ils deviennent des chanteurs de renom. Douzi interprète des rôles féminins, joués traditionnellement par des travestis. Dix ans plus tard, ils deviennent des stars de l’Opéra de Pékin et jouent ensemble Adieu ma concubine, une célèbre pièce de théâtre évoquant les adieux du Prince Xiang Ju à sa concubine Yu Ji, qui se suicidera à la mort de Xiang Ju, tué par le futur empereur et fondateur de la dynastie des Han.

Dieyi, qui joue le rôle de la concubine, s’identifie de plus en plus à son personnage et tombe amoureux secrètement de Xialou. Le jour où il apprend qu’il est épris d’une jolie prostituée et veut l’épouser, il est désespéré. Leurs destins restent néanmoins liés pendant cinquante ans. Dieyi chante une dernière fois avec Xialou et se suicide sur scène. Le film est à la fois une grande fresque historique, qui présente 50 ans de l’histoire chinoise (1925-1977), un spectacle flamboyant, un étrange jeu de miroirs entre bouleversements collectifs et tragédies individuelles, et une approche, à travers le personnage de Dieyi, de l’homosexualité, un sujet tabou en Chine.

 

WO HU CANG LONG (TIGRE ET DRAGON ou TIGRE TAPI ET DRAGON CACHÉ)

ANG LEE (2000)

Oscar du meilleur film étranger – d’après le roman homonyme de Du Lu Wang – Zhang Ziyi (Jen), Michelle Yeoh (Yu Shu Lien), Chow Yun-Fat (Maître Li Mu Bai), Chang Chen (Lo), Chang Pei Pei ( Jade, la Hyène), Lang Sihung (le seigneur de Té).

Li Mu Bai, virtuose des arts martiaux, lassé de combattre, remets son épée « Destinée » à Shu Lien, une jeune femme qui pratique l’art du combat et dont il est secrètement amoureux. Mais cette épée, supposée avoir des pouvoirs magiques, devient vite un objet de convoitise. Elle va déclencher une série de vols, de trahisons, de duels etc. qui s’enchaînent dans une étourdissante chorégraphie. Un film qui célèbre les arts martiaux en mêlant amour et fantastique.

 

ANYANG DE YINGER (L’ORPHELIN D’ANYANG)

WANG CHAO (2000)

Grand prix du Festival international du premier film d’Annonay – Adapté d’une des nouvelles du réalisateur – Zhu Jie (Feng Yanli), Sun Guilin (Yu Dagang), Yue Sengyi (Boss Side).

Yu Dagang, un ouvrier de 40 ans, vit à Anyang dans la province du Henan où il se retrouve soudainement au chômage et sans ressources. Un soir, il est surpris de découvrir en pleine rue un couffin avec un nouveau-né abandonné par sa mère. Il trouve un message de Feng Yanli, une prostituée originaire de la Mandchourie, qui s’engage à verser la somme de 200 yuans tous les mois à celui qui acceptera de prendre soin de son bébé. Yu Dagang la rencontre et accepte l’offre. Une affection réciproque naît entre l’enfant et l’ouvrier, mais cette émouvante relation père fils se complique quand le proxénète, père supposé de l’enfant, découvre qu’il est atteint de leucémie et veut le récupérer.

 

BALZAC ET LA PETITE TAILLEUSE CHINOISE

DAI SIJIE (2001)

Premier roman de l’écrivain franco-chinois Dai Sijie (2000, éd. Gallimard) – Zhou Xun (la petite tailleuse chinoise), Chen Kun (Luo), Liu Ye (Ma), Suang Bao Wang (le chef du village), Xu Ju ( le vieux tailleur).

En pleine Révolution culturelle deux amis, Luo et Ma, fils d’intellectuels considérés comme « ennemis du peuple », sont retirés à leurs familles et envoyés aux confins du Tibet dans un camp de « rééducation » pour être initiés à la vie paysanne. Ils ne vont pas tarder à surprendre les villageois, Ma avec la musique, il joue du violon, et Luo avec ses talents de conteurs. Ils rencontrent la « Petite tailleuse », jolie mais inculte, dont ils tombent amoureux, l’un des deux le sera secrètement. Un jour ils trouvent par hasard une valise, ficelée par une grosse corde de paille tressée, contenant des piles de livres, bien sûr tous censurés, de Rousseau, Victor Hugo, Balzac, Flaubert, Dumas, Baudelaire, Doïetoievski, Tolstoï, Gogol, Dickens, Kipling etc. Devant cette fabuleuse découverte Luo déclare : « Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

Ce jeune passeur de mots, commence à lui lire  Le père Goriot de Balzac, et cette initiation à la littérature va effectivement la changer. Le réalisateur s’est inspiré d’une expérience vécue pour écrire ce roman quasi autobiographique. Comme toujours quand on passe de l’encre à l’écran certains préfèrent l’encre d’autres l’écran. Alors je vous conseille le film et le livre, car cette ode aux classiques de la littérature occidentale est une petite merveille. En refermant cet ouvrage on se dit avec jubilation que les livres sont les meilleurs véhicules de connaissances, d’évasion et de liberté.

 
YAN YU HONG YAN (UNE ROMANCE)

LIU TE-KAY (2002)

Adapté d’une nouvelle de Zhong Xiao Yang – Zhou Xun (Ning-Jing), Jeff Chang (Shuang), Shun-Ching Chiu.

Dans la Chine des années 40 Zhao Ning–Jing et Shuang-Ran, de lointains cousins, s’aiment mais lui est déjà fiancé. Dès l’âge de 14 ans, sa famille lui a imposé un mariage arrangé l’engageant avec une adolescente. Aujourd’hui il a découvert l’amour vrai et voudrait pouvoir renoncer à son engagement. Tiraillé entre la tradition familiale et la passion, il va tenter d’échapper à son destin. Mais Ning-Ging, lasse d’attendre Shuang-Ran, épouse, sans amour, un riche médecin. Vingt ans plus tard, des bouleversements politiques les amènent à Hong Kong où ils se retrouvent fortuitement. Ils décident de revivre leur amour de jeunesse et de rattraper les années perdues.

 

QING HONG (SHANGAI DREAMS)

WANG XIAOSHUAI (2005)

Prix du Jury, Festival de Cannes – Yuanyuan Gao (Qing Hong), Bin Li (Xiao Gen), Anlian Yan (Wu Zemin)

Nous sommes dans les années 1960. Époque où de nombreuses familles d’ouvriers ont accepté de quitter les grandes villes pour aller vivre à l’ouest du pays et participer au développement d’une industrie locale. Pour beaucoup d’entre elles c’est un drame et quand en 1980, le gouvernement autorise le retour à Shanghaï, le père de Qing Hong, une jeune fille de 19 ans, ne rêve que d’une chose retourner dans sa ville natale. Mais leur fille, qui aime Guizhou – la ville où elle a grandi, a ses amis et son amoureux Hong Gen, un jeune garçon issu d’une famille de paysans de la région – est loin de partager le même rêve que sa famille. Sur fond de conflit de génération, Qing Hong ose tenir tête à son père. Le film montre aussi la lente libéralisation des mœurs après la Révolution culturelle.

 

TUYA DE HÜNSI (LE MARIAGE DE TUYA)

WANG QUAN’AN (2006)

Ours d’or 57ème Berlinale – Yu Nan (Tuya, Prix d’interprétation féminine), Bater (Bater), Sen Ge (Sen Ge), Zhaya (Zhaya).

Le mari de Tuya, bergère et mariée avec deux enfants, est devenu infirme à la suite d’un accident. Vivant dans un coin perdu de la Mongolie intérieure, elle doit faire face à ce drame. Désespéré par son état et la dure vie qu’il lui impose, son mari l’incite à se trouver un autre homme pour l’aider. Mais c’est seulement à bout de force, qu’elle cherchera un mari. Pour l’envisager, elle doit d‘abord divorcer. Jeune et jolie les prétendants ne manquent pas, elle va cependant mettre un condition à celui qu’elle épousera : garder auprès d’elle son mari infirme. C’est la menace de voir disparaître ce mode de vie ancestrale – l’administration locale force les bergers à partir pour s’approprier ces terres en vue d’une expansion industrielle – qui a incité le réalisateur à filmer la particularité géographique et humaine de cette région aride du bout du monde, avant qu’il ne soit trop tard.

 

Sānxiá hǎorén (STILL LIFE)

JIA ZANGKE (2006)

Lion d’or à la Mostra de Venise – Han Sanming (San Ming), Tao Zhao (Shen Hong), Wang Hong Wei (Wang Dongming), Zhou Lan (Huang Mao).

Deux couples à la recherche de leurs conjoints se rencontrent par hasard à Fengdjie, une ville fantôme, dont la moitié va être engloutie sous les eaux du Yangtsé, par la construction du barrage des Trois-Gorges (1993-2009). Le chantier titanesque du plus grand barrage du monde, le rêve de Mao, où l’on pilonne le moindre reste d’un paysage urbain dévasté, est loin d’être achevé. Le cinéaste choisit d’y tourner sa fiction, une occasion de s’interroger sur le devenir des êtres dans un monde en mutation, de montrer le mal de vivre d’une génération sacrifiée au nom du progrès. Jia Zhangke, confie que « si il a choisi le cinéma, c’est parce qu’il permet de montrer le temps qui passe. »

Comment retrouver les traces de ceux qu’ils cherchent dans ce paysage bouleversé ? Lui, Sanming, un mineur du nord de la Chine, arrive dans l’espoir de retrouver son ex-femme, mariée de force avec lui, et surtout leur fille qu’il n’a pas vues depuis seize ans. Quand il arrive devant l’immeuble où ils ont vécus, tout est englouti au fond des eaux. Elle, Shen Hong, une jeune infirmière, cherche son mari disparu depuis deux ans. Le titre du film n’est pas anodin. Il évoque la fragilité entre la vie et la mort : en anglais « still life » veut dire encore en vie, en français « nature morte » signifie tout juste mort, le ressenti est différent. Cette fragilité du monde en suspens se perçoit dans cette ville menacée de disparition, comme dans la vie de cet homme partagé entre l’espoir de retrouver sa femme et la crainte de mourir dans un accident à la mine. Quand il la retrouve enfin, l’espoir renaît…

 

FANG ZHI GU NIANG (LA TISSEUSE)

WANG QUAN’AN (2009)

Yu Nan (Li Li), Cheng Zhengwu (Xu Xiao-Guang), Zhao Luhan (Zhao Luhan), Xia Yongquan (Bing Bing).

Li Li rageuse, traverse l’usine de tissage où elle est employée. On lui a baissé son salaire car elle a mangé à son poste de travail, une vidéo le prouve. Fatiguée, elle va voir son médecin qui lui annonce un verdict implacable : elle est atteinte d’un cancer du sang. Elle s’éffondre. Une fois passé le choc de cette nouvelle, Li Li comprend qu’elle veut vivre le peu de temps qu’il lui reste par touches de petits bonheurs. Elle semble absente, presque indifférente à ce qui l’entoure, y compris à son mari et à son fils Bing Bing. Elle décide de quitter la filature, dont la fermeture est imminente, où elle n’est qu’un robot. Le traitement coûte trop cher, elle sait qu’elle ne pourra pas être soignée. La « Faucheuse », elle, a décidé de lui voler sa vie, trés tôt, trop tôt… Elle n’a qu’un désir, partir pour Pékin, retrouver un amour de jeunesse, le seul homme qu’elle ait vraiment aimé. Mais peut-on revivre le passé, un premier amour ? Je retrouve dans ce film la précarité et l’exploitation du monde ouvrier et l’impossibilité, faute d’argent, d’accéder aux soins, des réalités qui m’avaient marquées dans la Chine urbaine et rurale, des années 1980.

 

MEMORY OF LOVE

WANG CHAO (2009)

Yan Bingyan (He Sizhu), Li Maiwen (Li Xun), Jiao Gang (Chen Mo).

Li Xun, chirurgien, reçoit un couple blessé dans un accident de voiture. La femme est Shizu, son épouse, et l’homme son amant. A son réveil elle a perdu la mémoire sur les trois dernières années de sa vie. Li Xun met à profit cette amnésie pour la reconquérir, lui rappeler le temps ou ils étaient passionnément amoureux. Mais l’amant va tenter de la faire revenir vers lui… Et si elle retrouvait la mémoire, lequel de ces deux hommes aimerait-t-elle ? Question qui taraude Li Xun. Si vs aimez Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel, vous aimerez ce film mélancolique sur un amour magnifié où les sentiments restent cependant tus.

 

NUIT D’IVRESSE PRINTANIÈRE

LOU YE (2009)

Prix du scénario au Festival de Cannes – Adaptation d’un roman homonyme de Yu Dafu, publié dans les années 1920 – Hao Qin (Jiang Cheng), Sicheng Chen (Luo Haitao), Zhuo Tan (Li Jing), Wei Wu (Wang Ping), Jiaqi Jiang (Lin Xue).

Nankin aujourd’hui. Wang Ping est marié et sa femme engage Lu Haito, un détective amateur, et Li Ping, sa petite amie, pour suivre son mari qu’elle soupçonne d’infidélité. Le mari a effectivement une relation extra conjugale, mais avec un homme Jiang Chen. Lu Haito troublé par ce dernier, sorte de dandy extraverti dont il suit les errances nocturnes dans les bas-fonds d’un Nankin interlope, perd le contrôle de la situation. Il se lance avec lui dans une équipée amoureuse poussée jusqu’à l’ivresse des sens, une relation sans lendemain, aux conséquences tragiques. Aborder l’homosexualité en Chine reste encore aujourd’hui un sujet très sensible.

 

WO DE FU QIN MU QIN (THE ROAD HOME)

ZHANG YIMOU (2009)

Ours d’argent Berlinale 2010 – Adapté d’une nouvelle de Bao Shi – Zhang Ziyi (Zhao Di, jeune), Sun Honglei (Luo Yusheng), Zhao Yulian (Zhao Di, vieille), Zheng Hao (Luo Changyu).

En 1997, le réalisateur apprend à Florence – où il est en train de travailler sur la mise en scène de « Turandot », l’Opéra de Puccini – que son père vient de mourir. Tout de suite il ressent un vif désir, réaliser un film à sa mémoire.   Très vite, il se met en quête d’une œuvre a adapté. Bao Shi publie une nouvelle relatant une histoire d’amour des années 1950 entre un jeune instituteur, venu enseigné dans un village, et une jolie paysanne. Ce récit ressemble à la propre histoire de ses parents et le projet prend forme. Le film suit la trame narrative de la nouvelle, mais elle se développe dans une atmosphère romantique due à l’évocation du passé et à l’amour pur et ingénu de Zhao Di pour Luo Yusheng. Ce dernier revient dans son village pour l’enterrement de son père qui doit se dérouler selon un rite ancestral. A cette occasion il trouve une photo, repense à l’histoire d’amour de ses parents et se retrouve projeté quarante ans en arrière. Son père arrive dans le village, comme jeune instituteur et la toute jeune Zhao Di tombe follement amoureuse de lui. Elle le lui fait savoir par de multiples attentions délicates et touchantes. Une relation commence à s’esquisser, quand un jour Luo Yusheng doit quitter brusquement le village. Zhao Di coure pour lui donner un bol de nourriture qu’elle casse en tombant. Le jour où il doit revenir, elle l’attend en vain sous une tempête de neige, et elle tombe malade. Quand il rentre deux ans plus tard, ils ne se quitteront plus jamais.

 

SHAN ZHA SHU ZHI LIAN (L’AMOUR SOUS AUBÉPINE)

ZHANG YIMOU (2010)

Adapté du célèbre roman d’Ai Mi – Zhou Dongyu (Jin Qiu), Dou Xiao (Lao Shan), Yu Xinbo, Xi Meijuan (la mère de Jin) , Jiang Ruijia, Gao Meiyi (Jin Qiu).

Vous découvrirez à travers ce film une histoire d’amour poignante avec pour toile de fond la Révolution culturelle, version un peu aseptisée. Inspirée de faits réels le film sublime la pureté des sentiments. Jin Qiu, fille de propriétaires terriens, donc d’un mauvais rang social, est envoyée à la campagne dans le village de Xiping. Elle fait la connaissance de Lao San, un jeune camarade chercheur en géologie, fils d’un militaire donc de bonne origine. L’alchimie passe entre eux et ils tombent secrètement amoureux. Mais la mère réprouve les sentiments de sa fille qui doit faire ses preuves, en raison de ses origines de classe, et le moindre faux pas peut ruiner son avenir. Impossible pour cette idylle romantique « très mal considérée » d’éclater au grand jour. Sa mère, elle-même enseignante, en est réduite à coller des enveloppes pour survivre. Jin Qiu demande à Lao San d’attendre qu’elle ait 25 ans, mais celui-ci est atteint de la leucémie, une maladie qu’il cache. Quand elle le retrouve, il est trop tard, il se meurt. Ils se jurent de s’aimer pour l’éternité et Jinq Qiu sombre dans un désespoir profond.

 

L’AMOUR ÉTERNEL

GU CHANGWEI (2011)

Zhang Ziyi (Quiqin), Aaron Kwok (Deyi) Pu Cunxin.

Un vent de panique souffle dans un village où soudain une maladie infectieuse se répand comme une trainée de poudre. Les infectés par le virus, dit « maladie de la fièvre » (en réalité le sida), sont mis à l’écart dans l’école où bientôt la promiscuité et la peur engendrent des heurts. Quand Quiqin, une nouvelle infectée arrive, pour Deyi, déjà sur place, une lueur d’espoir renaît. Une romance commence entre eux et ils décident de se battre pour vivre leur amour improbable… Le film – dont les héros sont interprétés par des stars du cinéma chinois (Zhang Ziyi, actrice chinoise, Tigre et Dragon, 2046, Mémoires d’une geisha) et Aaron Kwok (acteur et chanteur pop hongkongais) – met en lumière une réalité qui a eu lieu en Chine comme, dans des proportions différentes, dans d’autres pays.

J’en rappelle les faits. Dans les années 1990 la Chine interdit l’importation des produits sanguins pour lutter contre le VIH. Les autorités sanitaires proposent aux paysans pauvres de vendre leur sang contre rétribution, ils sont nombreux à se présenter pour quelques menues monnaies. Cette collecte, qui a principalement lieu dans la province du Henan, se fait dans d’incroyables conditions sanitaires (seringues partagées, sang réinjecté après extraction du plasma). Plus tard on parlera des « villages sidas » où la maladie atteint environ 80% de la population, laissant beaucoup d’orphelins. Ce scandale est révélé en 1996, les pratiques sont interdites en 1998, en 2003 Ma Shiwen, un responsable de la santé, est arrêté pour avoir révélé des informations tenues secrétes, d’autres arrestations et emprisonnements suivront. Aujourd’hui de nombreuses associations continuent le combat, mais l’indemnisation des orphelins reste un sujet très sensible comme le sida.

 

GUI LAI (COMING HOME)

ZHANG YIMOU (2014)

Prix du Public au 28ème Festival de Cabourg – Adapté du roman de Yan Geling – Chen Daoming (Lu), Gong Li (Feng), Zhang Huiwen (Dan Dan).

Cette histoire familiale et intime se passe pendant et après la Révolution culturelle. Le réalisateur, qui aime confronter l’histoire intime à l’histoire collective, ne tente pas ici d’expliquer le maoïsme à cette époque, il cherche surtout à montrer la violence du communisme et ses répercussions dans la vie privée de milliers de chinois. Lu, le mari de Feng, opposant politique, est emprisonné depuis plusieurs années. Leur fille Dan Dan, future danseuse étoile, prépare un concours national et croit aux valeurs du régime pourtant combattues par son père. L’annonce soudaine de son évasion sème un vent de panique entre la mère et la fille. Ne va-t-elle pas être exclu du concours ? Finalement trois ans plus tard, alors que la Révolution culturelle touche à sa fin, Lu est réhabilité et peut rentrer dans son foyer. Mais Feng, qui a subi un choc traumatique, a perdu la mémoire et elle, qui l’a tant attendu, ne reconnaît plus son mari.

LITTÉRATURE

Si la France a rayonné de par le monde à travers la littérature, j’ai découvert, en m’intéressant à la culture chinoise avant de me rendre en Chine, que l’Empire du Milieu avait une littérature beaucoup plus ancienne que la nôtre, remontant au VIè siècle av. JC, bien que la civilisation chinoise soit bien antérieure, mais c’est à cette époque que se distingue plusieurs lettrés dont le plus connu est Confucius qui crée une école de philosophie.

Quand j’interrogeais nos interprètes sur leur connaissance de la littérature française, j’apprenais que La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas, avait été la première traduction d’une œuvre de langue étrangère en chinois et que les Chinois étaient depuis fort longtemps des passionnés de notre littérature. Récemment, en lisant une étude de She Xiebin, un universitaire de Changsha, je découvrais qu’il existe une vingtaine de versions chinoises du Rouge et le Noir de Stendhal, et que l’œuvre considérée comme la plus difficile à traduire en chinois, était    À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Cette traduction, qui n’a vu le jour qu’en 1994, a été possible grâce à une collaboration collective de 15 professeurs universitaires !

Mais revenons à mes conversations avec nos interprètes. Quand je leur demandais ce qu’ils avaient lu et aimé dans la littérature française, ils me répondaient presque unanimement : Les Misérables de Victor Hugo, Eugénie Grandet d’Honoré de Balzac, les Trois Mousquetaires et le Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas, De la Terre à lune de Jules Verne, L’Assommoir de Zola, Le Rouge et le Noir de Stendhal, Madame Bovary de Flaubert, et aussi des nouvelles de Maupassant. Par ailleurs je me souviens avec émotion d’un certain coucher de soleil au bord d’un lac tapissé de magnifiques lotus blancs et jaunes, où une interprète est venue me voir en me demandant si j’aimais le roman Jean-Christophe, dont elle ne se souvenait plus de l’auteur. Surprise de voir que je ne connaissais pas ce roman, je lui disais que j’étais ravie qu’une chinoise me fasse découvrir une oeuvre française et je lui promettais de lui écrire mon avis sur ce roman. Malheureusement j’ai perdu son adresse, pourtant gardée dans un précieux petit carnet où je notais mes impressions de voyages, et probablement perdu dans un avion ou un train. Dés mon retour j’achetais ce roman, considéré comme le chef-d’œuvre de Romain Rolland.

À mon tour, je leur avouais connaître bien peu de choses de leur littérature, ma connaissance se limitant aux spectacles de théâtre ou d’opéra chinois, que j’avais vu en Chine et souvent inspirés par la littérature. Je leur demandais de m’orienter pour découvrir les romans, les contes et les légendes les plus connus. Ils me conseillaient de lire les quatre romans les plus célèbres Trois royaumes, Au bord de l’eau, le Pavillon de l’Ouest et le Rêve dans le pavillon rouge et m’indiquaient des légendes qui avaient bercé leur enfance : les amants papillons, Le Bouvier et la Tisserande, et Le Serpent blanc. A travers ces récits, je découvrais une particularité de la littérature chinoise qui me séduisait beaucoup, c’était la poésie et l’originalité des noms de lieux (la colline d’or, la cour aux parfums de poiriers, le cabinet des fraîcheurs, la cour des herbes odorantes, le pavillon d’or, la Chambre écarlate), des héros ( Dragon lové, Charme de lotus, Jade magique, Étalon blanc, Phénix triomphal, Cloche d’or) et des héroïnes (Soie blanche, Brume de rivière, Perle de Pollen, Nuée d’azur, Cri de coucou, Lotus d’or, Désir de printemps, Vapeur de thé, Bouffée de parfum…)

 

ROMANS

Xi Xiang ji « Le pavillon de l’Ouest ou de l’Occident »

Wang Shifu (1260-1307)

Ce roman a pour origine l’Histoire de Yingying (Hingying zhuan) de Yuan Zhen (779-831), adaptée plus tard par le dramaturge Wang Shifu sous le nom de « Pavillon de l’Ouest ou de l’aile Ouest » et qui a choisi alors de lui donner une fin plus heureuse.

Ce roman d’amour, probablement le plus célèbre en Chine, se passe sous la dynastie Tang. Zhang Dong, un jeune lettré qui prépare le concours impérial, fait halte au temple de Pujiu où dans le jardin il rencontre la belle Cui Yingying, fille d’un ancien ministre. Troublé par cette rencontre, il décide de prolonger son séjour pour la connaître et se rapprocher d’elle. Le soir venu au clair de lune, Yingying va brûler de l’encens, Zhang lui déclame des vers derrière le mur qui les sépare. Elle lui répond par d’autres vers, il est saisit d’admiration. Une romance naît entre eux mais Sun Feihu, qui a jeté son dévolu sur Yingying, décide de l’enlever et, à l’aide de sa soldatesque, il encercle le temple. La mère, terrifiée, promet de fiancer sa fille à celui qui repoussera les bandits. Zhang, qui connaît le général Du Que Étalon blanc, lui lance un appel au secours, il intervient et les assaillants sont repoussés.

Mais la mère de Yingying, qui a déjà promit sa fille à un autre, ne respecte pas sa promesse. Zhang se languit d’amour, tombe malade et demande à la servante Hongniang de s’arranger pour qu’il puisse retrouver sa bien aimée. Volontiers complice et entremetteuse, elle se risque à organiser leur rencontre nocturne dans la chambre du pavillon de l’Ouest. La mère, qui a vent de l’affaire, somme sa servante de lui avouer ses secrets d’alcôve. Finalement la mère accepte de donner son accord pour le mariage à condition que Zhang réussisse ses examens impériaux. Le premier fiancé, dans l’espoir de récupérer sa belle, fait courir le bruit que Zhang est déjà marié. Son mensonge découvert, il se suicide. Zhang réussit son concours et il peut enfin prétendre épouser celle qu’il aime. La célèbre réplique de la pièce : « J’espère que tous ceux qui, sous le ciel, connaissent l’amour, pourront s’unir comme mari et femme », a symbolisé au fil des siècles le rêve de l’amour pur. Et cette œuvre a inspiré le scénario d’un des tous premiers films muets.

 

Hong Loug Meng ou Le rêve dans le pavillon rouge

Cao Xueqin

(éd. Gallimard, collection Bibliothéque de la Pléiade 1981)

Ce grand récit, transporte le lecteur dans la Chine aristocratique du XVIIIè siècle. Il narre une histoire d’amour entre Jia Baoyu « Jia Jade magique », réincarnation d’un morceau de jade et héritier d’une puissante famille mandchoue, et sa cousine Lin Daiyu «Jia Jade sombre ». Le héros, au grand dam de son père, se démarque des autres hommes de son temps qui courent le plus souvent après les titres et la gloire. Il préfère la poésie aux textes de Confucius et aime marivauder avec les femmes du gynécée. L’une d’elle, Lin Jade sombre, sensible à la musique et à la poésie, a une place particulière dans son cœur et, tout au long du récit, on suit leur relation amoureuse et tragique. Jia cependant papillonne, il n’est pas insensible au charme des Douze belles de Jinling et, bien qu’il s’en défende, il éprouve une certaine attirance pour un jeune comédien… Mais sa mère prend en main le destin de son fils, promis à une autre cousine Xue Baoyin « Merveilleuse Épingle de coiffure ». Quand Jia Jade Magique souhaite se marier avec Lin Jade sombre, la mère s’y oppose et use d’un subterfuge pour marier son fils. Le jour de leurs noces, Lin meurt de chagrin. Quand Jia découvre, trop tard, la supercherie, il fuit sa famille pour et se fait moine.

L’un des aspects les plus remarquables de ce roman, est qu’il nous initie à la culture chinoise dans les domaines les plus variés : les affaires de l’état, le mandarinat, les intrigues de cour, la puissance et le déclin d’une famille d’aristocrates, la piété filiale, l’éducation, la religion, la médecine, la peinture, la poésie, omniprésente dans l’œuvre, mais aussi à la culture du thé, la cuisine etc. Une étonnante fresque où défile environ 450 personnages.

 

Fleur en fiole d’or ou Jing Ping Mei cihua

Anonyme du XVIè siècle.

(éd. Gallimard Collection Bibliothèque de la Pléiade, 1985 – tome 1)

Cette publication, traduite pour la première fois en Europe occidentale, est celle de l’édition datée de 1618, retrouvée dans les années 30, et agrémentée pour la première fois de ses gravures anciennes.

Un grand écrivain chinois du XVIè siècle qualifiait cet ouvrage d’œuvre « éblouissante ». À l’époque le manuscrit, de par son caractère sulfureux et probablement aussi parce qu’il dénonçait les travers de la société, circulait sous le manteau. Les faits et gestes du riche marchand Ximen Qing, qui forment la trame du récit, sont prétextes à une foule d’anecdotes qui nous éclairent sur la vie quotidienne : cérémonies religieuses bouddhiques ou taoïques (la prière, les offrandes, le génie du foyer…), banquets, soins médicaux, fêtes et rites (à l’occasion d’une naissance, des fiançailles, du mariage et de la mort), le luxe inouïe des vêtements y est décrit avec précision etc. Il est question aussi de la servitude des femmes, de corruption, de rivalité, de jalousies etc.

Mais ce roman doit surtout son succès à la « verdeur des descriptions licencieuses ». En effet le Héros, véritable Don Juan chinois, mène une existence de luxe et de luxure. Il a du temps, de l’argent, une imagination florissante, de nombreuses femmes (épouses, concubines, servantes…) Pour satisfaire ses joutes libertines, relevant le plus souvent d’un érotisme torride, il se pare d’une ceinture bouillie aux aphrodisiaques, d’un anneau de soufre, d’un « capuchon d’amour » … Les amants jouent avec des fruits, feuillettent un album érotique pour s’en inspirer, jouent avec des cartes aux formules paillardes ou aux figures lascives, s’aspergent mutuellement de vin etc. Tout un programme !

 

Tête bêche

Liu Yichang (éd. Picquier, 2013)

Quand Liu Yichang arrive à Hong Kong en 1948, il a 30 ans et les événements en Chine rendent son séjour définitif. Auteur prolifique Tête bêche est le seul de ses romans traduits en français. Si vous avez aimé le très beau film In the mood for love, lisez ce livre dont s’est inspiré le cinéaste Wong Kar-wai qui voue une profonde admiration à cet écrivain. A propos de ce roman et de son film il dit : « Tête-bêche est un terme français utilisé en philatélie pour désigner deux timbres reliés entre eux et imprimés en sens inverse l’un de l’autre. Pour moi, tête-bêche n’est pas uniquement un terme de philatélie ou un procédé littéraire. Tête-bêche, c’est aussi l’intersection des temps ». Les deux héros évoluent dans le Hong Kong des années 60, une ville en pleine mutation. Ils fréquentent les mêmes lieux, assistent aux mêmes événements, se croisent, se frôlent mais ne se rencontrent jamais. Elle est jeune, rêveuse et tournée vers l’avenir ; lui, plus âgé, est habité par le passé. Un jeu de miroirs subtil écrit dans un style minimaliste.

 

L’Eternité n’est pas de trop

François Cheng (2002, de l’Académie française) poète, romancier, essayiste et traducteur de Baudelaire, Rimbaud, René Char…

Né en 1929 dans la province de Shandong, François Cheng arrive en France en 1949, à l’âge de 20 ans, au moment de l’avènement de Mao. Son exil occidental, ne lui fait pas oublier son pays natal bien au contraire, il ne cessera d’être une source d’inspiration. Ce magnifique roman évoque une passion amoureuse se déroulant à la fin de la dynastie des Ming, au XVIIème siècle. Ce proverbe chinois que François Cheng aime citer, donne une des clefs pour réfléchir sur la portée de son livre : « voir la montagne (état ordinaire de perception), ne plus voir la montagne (état d’obscurité), re-voir la montagne « le revoir est une illumination qui rappelle que le propos de la vraie vie n’est pas la domination mais la communion »

Dao-Seng, médecin et devin, s’est retiré dans un monastère sur les hautes cimes des montagnes où il vit dans la paix et le silence avec un secret qu’il garde depuis trente ans : son amour pour Lan-Ying, une femme qui lui est apparue à l’âge de vingt ans. Il a seulement croisé son regard, mais ce souvenir et l’émotion ressentie, ne cessent de le hanter. Il n’a pas encore prononcé ses vœux, mais il aimerait se libérer de l’emprise qu’a sur lui cet amour obsessionnel. Aussi décide-t-il de descendre dans la vallée pour tenter de retrouver la seule femme qu’il n’ait jamais aimée. Ils se reconnaissent et se découvrent une passion intacte l’un pour l’autre. Malgré les épreuves qui les attendent ils vont vivre un amour absolu, loin du désir charnel, mais dans un intense partage spirituel : « Dans cette chambre, il y a elle, il y a moi, il y a ce qui se passe entre nous ». À la fin du récit, après avoir appris sa mort, il peut enfin dire à la femme aimée : « L’éternité n’est pas de trop. Je viens ! » L’amour de Dao-Sheng et de Lan-Ying fait irrémédiablement penser aux couples mythiques, « Orphée et Eurydice » ou « Tristan et Iseult ».

 

POÉSIE

Au cours de mes cinq voyages en Chine je suis me rendue à chaque fois à Guilin, un des plus beaux sites du monde. La beauté de la rivière Li bordée de mille et une collines ou pitons rocheux est un spectacle inoubliable d’une indicible poésie. C’est sur de frêles embarcations que l’on découvre la beauté de ces paysages qui se déploient au fil du fleuve avec un subtil jeu de reflets sur l’eau et les rizières. Selon l’heure et la lumière le décor se nuance et quand soudain la brume se lève, des voiles de nuages enveloppent le paysage dans une ouate translucide et tout semble en suspend… Comme les Impressionnistes auraient aimé Guilin ! C’est pourquoi depuis la nuit des temps tous les peintres et poètes chinois s’y rendent, un lieu d’inspiration privilégié pour les artistes.
Le poète chinois est souvent peintre. Le paysage et d’une façon générale la nature, reste l’un des thèmes favoris des peintres comme des poètes. La montagne et l’eau sont une constante dans l’imaginaire chinois. C’est à Guilin que j’ai découvert la poésie chinoise. Nos interprètes avait toujours avec eux un recueil de poésies chinoises, pas toujours traduite français, alors ils s’improvisaient le plus souvent traducteurs et nous passions de délicieux moments dans ce décor à couper le souffle. Bien souvent, ils avaient aussi dans leurs poches, j’appréciais cette délicatesse, quelques poèmes français qu’ils étaient heureux de nous lire. Ainsi à Guilin j’ai entendu des poèmes de Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Max Jacob, René Char et Aragon. Un interprète plus âgé nous avait parlé de Shen Baoji, l’un des éminents traducteurs de poésie française, qui avait obtenu une bourse pour aller en France pendant 6 ans, de 1928 à 1934, pour parfaire sa connaissance du français. Me penchant à nouveau aujourd’hui sur son parcours, j’ai lu que pendant 60 ans il a fait connaître une centaine de poètes et d’écrivains français en Chine et qu’il a traduit plus de 700 poèmes français. Une tâche éminemment difficile, comme chacun sait, en ce qui concerne la poésie.

Les éditions Gallimard ont publié en 2015, une Anthologie de la poésie chinoise, un choix de 1850 poèmes de 450 auteurs. Tous les poèmes présentés ci-dessous évoquent l’amour et la diversité des sentiments, mais à ma grande surprise cette volumineuse anthologie contient assez peu de poèmes, dit d’amour. Les Chinois auraient été, semblent-ils à certaines époques, peu enclin à s’épancher sur le sentiment amoureux, et plus prolifiques, pour parler du désir…

La lune à son lever (Yue Chu)

Anonyme, Le Classique des Poèmes « Shijing » (221-145?)

La lune luit à son lever.
Charmante dame au beau visage
Dont la démarche nonchalante
Étreint mon cœur d’accablement.

La lune éclaire à son lever.
Charmante dame au doux minois
Dont la démarche languissant
Étreint mon cœur d’affliction.

La lune brille à son lever.
Charmante dame qui flamboie
Dont l’allure si séduisante
Étreint mon cœur d’un vif émoi.

 

L’éphémère (Fouyou)

Anonyme, Le Classique des Poèmes « Shijing » (221-145 ?)

Ah ! Les ailes de l’éphémère
Sont une robe bigarrée !
Mon cœur n’est que tristesse amère…
Reviens vers moi pour demeurer !

Les élytres de l’éphémère
Sont des vêtements chamarrés !
Mon cœur n’est que tristesse amère…
Reviens vers moi te reposer !

Il sort du cocon l’éphémère,
Blanc comme neige est son habit !
Mon cœur n’est que tristesse amère…
Reviens vers moi et prends logis !

 

Élégies de Chu (Chu ci)

Qu Yuan (343-279)

« Neuf déclamations » Chansonnette

Vis-à-vis de ma belle j’exprime mes rancœurs,
Car le jour ni la nuit elle n’amende son cœur,
Me montre du dédain du fait de sa beauté,
Se moquant de mes vers sans jamais m’écouter.

« Neuf déclamations » Recueil de pensées (Chou si)

Mon cœur est éploré et mes pensées obscures ;
De soupirs infinis s’accroissent mes blessures.
Mes pensées tortueuses, ne peux les dissiper,
Elles occupent mes nuits et mes heures allongées,
Attristé des dégâts qu’un vent d’automne inflige ;
À telle extrémité, pourquoi courber les tiges ?
Souvent je songe au lys aux nombreuses colères,
Cela blesse mon coeur de longs chagrins amers.
J’aspire à quitter, m’enfuir éperdument ;
Voyant d’autrui les fautes, dès lors je m’en défends.
De mes doux sentiments, j’ai composé ces vers,
A sa belle personne les ai donc offerts (…)

De ces tristes blessures, mon cœur fut tant ému !
En disant ma passion, je lui offris ces vers,
Mais faisant la sourde oreille le lys n’écouta guère
Or un homme mordant n’a rien de séduisant,
La foule courtisane me pensa médisant.
Ce que j’ai exprimé était pourtant sincère
Pourquoi jusqu’à ce jour, n’avoir pu m’en servir ?
Mon franc-parler pourquoi fut-il potion amère ?
Je voulais que mon lys pût enfin resplendir,
Que les Trois et les Cinq lui servent de patrons
Et que, pour moi, Peng Xian fût un vrai parangon. (…)

 

Rapsodie de la déesse (Shennü Fu)

Song Yu (332-284)

A quoi ressemblait votre rêve ?
Après le crépuscule, mon esprit fut brouillé
Comme si quelque chose d’heureux allait se produire
Mais je restais confus et songeur à la fois,
Sans comprendre vraiment quel en était le sens.
De sa beauté perçue, je crois me souvenir :
C’est celle d’une femme à l’étrange apparence.
Endormi, j’ai donc pu la contempler en rêve,
Réveillé, j’ai n’ai su faire savoir ma peine.
Sans joie et dépité, j’ai perdu tout entrain.
J’apaise donc mon cœur et modère mon souffle,
Revoyant à présent celle dont j’ai rêvé (…)

 

Il est quelqu’un que j’aime (You suosi)

Zhang Zhengjian (536-584)

Au gynécée profond, depuis si longtemps seule,
Son chagrin s’accumule et s’enroule sa peine.
Cris d’oies – soie déchirée -, que de tristes pensées !
Montée vaine à la tour du retour espéré…
Voir les fleurs lui rappelle les herbes de l’hiver,
Sous la lune elle pense à l’automne, aux frontières.
Ses pensers amoureux jour après jour s’envolent,
Ses pleurs avec les ans emportent son visage

 

Longues pensées d’amour (Chang Xiangsi)

Li Bai (701-762)

Les fleurs ornaient la pièce, quand la belle était ici ;
Une fois la belle partie, il ne reste plus qu’un lit.
Sur le lit déserté, une couette brodée enroulée ;
Son parfum demeure, trois années ont passée,
Pourtant son parfum n‘a pas disparu ;
La belle n’est pas revenue.
À terre feuilles jaunies ; d’amour je me languis ;
La mousse verte, la rosée blanche l’humidifie.

 

Chanson de la femme fidéle

Tchang Tsi (VIIIè-IXè siècle)

Vous saviez que j’avais un mari,
Et vous m’avez donné deux perles lumineuses…
Touchée par l’affection qui s’y exprime,
Je les ai cousues à ma blouse rouge.

La demeure de ma famille, au parc royal, se dresse altière ;
Mon mari tient la hallebarde dans le palais de la Clarté brillante.
Je sais bien que votre dessein est pur comme un rayon venu du ciel ;
Mais, au service d’un mari, j’ai juré d’être en la vie et la mort.
Je vous rends les perles brillantes ; deux larmes, semblables les accompagnent.
Pourquoi ne vous ai-je connu quand je n’avais pas encore de mari ?
(Anthologie poésie chinoise classique p. 326)

 

La première fois, je la vis pour la perdre aussitôt… (Dang chu jusan)

Liu Yong (987-1053)

La première fois, je la vis pour la perdre aussitôt,
Je m’étais dit, tu ne verras plus jamais son visage,
Mais l’autre jour, je la rencontrai par hasard à une nouvelle fête,
Comme nous buvions, profitant d’un moment de liberté,
Elle fronça les sourcils et soupira longuement,
Ressuscitant des peines anciennes qui ne finissent pas.

Ses yeux éclairés par les larmes,
Elle murmura à mon oreille,
Toutes sortes d’obscurs reproches.
– Comment supporter que dans ton cœur
Mille choses restent cachées.
J’aimerais tellement te croire
Et penser que tu n’as pas d’autre lien…
À ce moment il ne me restait plus qu’à faire taire mes doutes
Et partir avec elle au loin pour toujours.

 

Dans les bras l’un de l’autre… (Xiangwei xiangbao zhengqing nong)

Guan Yunshi (1286-1324)

Dans les bras l’un de l’autre, pleins d’amour ardent,
Peut-on s’imaginer l’un à l’ouest, l’un à l’est ?
Il vaudrait mieux ne s’être jamais rencontrés,
Si c’est pour ajouter à la peine
Et le voir bientôt dépeuplé, le pavillon coloré (…)

 

Assis serrés, blottis… (Aizhe kaozhe yunchuang tongzuo)

Guan Yunshi (1286-1324)

Air « souliers brodés de rouges »

Assis serrés, blottis à la fenêtre aux nuages,
Enlacés, lovés, dans nos chants deux à deux sur l’oreiller
de lune,
On écoute et l’on compte, on s’afflige, on redoute… car la
quatrième veille est passée.
La quatrième veille est passée et notre amour n’a pas eu son content,
Notre amour n’a pas eu son content en cette nuit qui file
comme la navette du tisserand.
Ciel ! Allons !
Qu’est ce que cela t’aurait coûté de rajouter une veille ?

 

Souvenirs d’amour (Siqing)

Li Bangyou (XIVè siècle)

Air «  les chercheurs d’or (sur une autre mode) »

Au tout début lorsqu’on s’est rencontrés,
Tout ce que je voulais, c’était vieillir auprès de lui.
Mais son cœur a bientôt changé,
Plus rien de bon n’en est resté.
Il y avait un couteau de caché dans son sourire,
Et de la tromperie dans ses promesses de laque et de glu.
Maintenant il a jeté la pêche sucrée,
Pour aller chercher la jujube acide.
Et moi je suis ici, à me ronger les sangs :
Comment vais-je faire, pour oublier tant de tourments ?

 

Avant propos au « Pavillon des pivoines » (Mudan ting ji tici)

Tang Xiangzu (1550-1616)

De toutes les filles qui ont aimé, en est-il une qui aima comme Du Liniang ?
Elle rêva d’un homme et en tomba malade, malade sans espoir de guérir, malade à en mourir après avoir peint son propre portrait pour laisser un souvenir d’elle dans ce monde. Depuis trois ans au séjour des morts, elle obtint d’être rappelée à la vie pour retrouver celui qu’elle avait vu en rêve. Une femme telle que Du Liniang, on peut l’affirmer, est quelqu’un qui a aimé.
Sait-on comment s’éveille ce sentiment, soudain si profond qu’un vivant peut en mourir, un mort en revenir à la vie ? Aimer sans en mourir, mourir sans pouvoir revivre, c’est ne pas connaître la suprême intensité du sentiment. L’amour vécu en rêve ne serait-il pas véritable ? Les gens qui vivent dans un rêve sont-ils si rares en ce monde ? Si un attachement profond ne naît que sur un oreiller commun, si un lien intime doit attendre l’abandon d’une carrière, on ne peut parler là que d’une attirance charnelle (…)

Hélas ! Les affaires de ce monde ne peuvent se résoudre entièrement dans ce monde. Un esprit qui n’est pas éclairé interprète tout à travers la raison. Si l’on se contente de dire qu’il n’ y a là de raison, comment peut-on comprendre que c’est parce qu’il y a là du sentiment ?

 

Amour printanier (Chunqing)

Chen Zilong (1608-1647)

Air « La Randonnée du jeune homme »

Jardin de fleurs brillantes de rosée sous la lune,
Marchons, main dans la main.
Oreiller de jade glacial,
Rideau au parfum éventé,
Amants à l’avenir incertain.

Ne pleurons pas d’avance notre séparation,
Ne brisons pas notre rêve.
Félicité fugitive,
Peine plus vive,
Alternées jusqu’à l’aube.

 

La chambre vide (Kong wu)

Wang Yanhong (1593-1642)

Pauvre chambre, la poussière assombrit la natte,
Le vent souffle le froid sur les habits de la défunte.
Les drogues du médecin sont encore auprès du lit,
L’encens du coffret partagé entre les servantes.
Le dénuement de mon épouse aggrave ma peine,
Je n’ai pas le talent d’écrire son éloge funèbre.
Seul et désolé je vais m’enivrer au banquet mortuaire,
Je la convie à boire au milieu de mes larmes.

 

Écrire un rêve (Xie meng)

Gong Zizhen (1792-1841)

Air  « Les Sables lavés par les vagues »

Les beaux rêves sont les plus difficiles à garder,
Ils m’ont emporté vers les îles des Immortels,
Je les cherche pour les retrouver au fond de mon cœur.
Ils disparaissent sans laisser de trace avant de redevenir familiers

Tel ce pavillon rouge.

À l’intérieur, on murmure des mots d’amour,
Lampe et feu allumés, rideaux tirés,
Est-ce une féerie, une illusion ou bien sa tendresse ?
Maintenant je suis seul dans l’affliction, seul à devoir
la dissiper,
Et seul à maîtriser la douleur de la séparation.

 

Poème écrit à mon épouse au printemps (Chunri zeng nei)

Fan Zengxiang (1846-1931)

Ensemble nous écoutons sous la fenêtre le chant
des oiseaux,
De ses blanches mains, elle fait bouillir le thé que nous goûtons à deux.
La teinte pâle de sa robe semblable au reflet du lac me ravit,
Sous le voile de tulle, à l’abri des jeunes saules, nous dormons ensemble.
Devant le miroir, elle dessine ses sourcils sombres
comme les monts au printemps,
Elle écrit pour son époux des poèmes d’amour pleins de talent,
Et brode ces vers avec amour sur le vêtement en soie de Wu.

 

Une génération (Yi dai ren)

Gu Cheng (1957-1993)

Toi et moi (Ni he wo)

Le proche et le lointain (Yuan he jin)

 

 

POÉMES À CHANTER (ts’eu) des Yuan (1260-1367)

Trois poèmes d’amour

Kouan Han-k’ingp (Anthologie de poésie classique, éd. Gallimard, 1962)

1

Nuages de mes torsades, brumes de mes temps, plus noires que l’aile des corbeaux…

Mes lotus d’or se laissent deviner, voilés d’une gaze écarlate.

Ne me prends pas pour la fleur commune, qui pousse au-delà de l’enclos.

Je te maudis, mon bel ennemi bien-aimé !

A demi je succombe, à demi je me joue

2

Hors des croisées de gaze bleue, silence, personne…

A genoux au pied de mon lit, il brûle de m’embrasser.

Je maudis ce coeur inconstant, mais je me tourne vers lui.

Tout en l’accablant de reproches et d’injures,

À demi je le repousse, à demi je m’abandonne.

3

Lumière éteinte de la lampe d’argent, spirales d’encens envolées…

Je me glisse sur la soie des courtines, les yeux noyés de pleurs, seule maintenant !

La mince couverture me semble encore plus mince,

À demi tiède, à demi froide.

Sentiments printaniers

Siu Tö-k’o

Depuis que mon brillant bachelier est parti,

Je ne songe qu’à être encore avec lui.

Je l’aperçois soudain, passant devant ma porte ;

L’appeler ? Mais je crains les regards indiscrets.

Je chanterai tout haut le Chant de Eaux, comme autrefois

Pour qu’il reconnaisse ma voix.

Pensée printanière

Tchang K’o-kieou

A ma joie se mêle l’effroi…

Souriante, je viens à toi.

Je m’appuyais à la rocaille ; la rosée gelait ma manche.

C’est que je n’ai pas l’habitude des rendez-vous secrets !

Mais j’ai craint de trahir mon serment solennel…

Mes pas furtifs ont parcouru le kiosque aux brocarts et aux parfums ;

J’ai cherché, j’ai guetté le moindre bruit du vent,

Me cachant, attendant le moment de l’amour.

Près des murs blancs, les fleurs jouaient avec leur ombre ;

Le rideau rouge cachait la lune brillante.

Chut ! D’un souffle, j’éteins la lampe au manche court.

CONTES et LEGENDES

Les Amants papillons

Un haut fonctionnaire autoritaire et tyrannique annonce à sa femme qu’il a décidé de marier sa fille unique Zhu Qin-Taï, à un des héritiers de la famille Ma. Mais sa fille doit avoir des aptitudes littéraires et artistiques avant d’être présentée à son futur époux. Elle doit suivre un enseignement dans une Ecole de futurs lettrés mais en Chine, sous la dynastie des Jin, l’éducation n’est pas accessible aux filles. Pour l’intégrer Zhu Qin-Taï doit se déguiser en garçon et pendant trois ans, elle réussit à rester dans cette institution sans éveiller le moindre soupçon sur sa sexualité. Elle se lie d’amitié puis tombe amoureuse d’un élève, Liang Shanbo, qui ne semble pas indifférent, au contraire. Mais ce jeune homme se sent coupable d’éprouver des sentiments pour un autre garçon… A aucun moment il ne s’aperçoit qu’elle est une fille. Quand son père est malade, elle quitte l’école, confie sa véritable identité à une femme et lui demande de remettre à Liang un pendentif de jade, come cadeau de fiançailles.

Plus tard, quand Liang découvre sa véritable sexualité, son amour s’en trouve d’autant plus renforcé mais, trop pauvre, il ne peut prétendre l’épouser. Désespérés, les amants sont séparés par leur famille, mais ils se jurent un amour éternel. Le drame arrive, Liang meurt et Zhu est obligée de se marier avec l’homme choisit par son père. Le jour de la noce, le cortège passe devant le cimetière où repose Liang. Soudain, un terrible orage éclate et la procession nuptiale est interrompue. Zhu apprend que c’est que son bien aimé repose ici. Un coup de tonnerre fracassant rompt le silence, le sol se fissure et la tombe s’ouvre. Zhu n’hésite pas à s’y jeter et les amants sont réunis pour l’éternité. De la tombe s’envolent deux papillons, réincarnations de Liang et de Zhu. Une magnifique et bouleversante histoire d’amour, considérée comme le Roméo et Juliette chinois, bien que cette légende soit bien antérieure à Shakespeare. Inscrite au patrimoine oral et immatériel de l’UNESCO, cette légende a connu de nombreuses adaptations au théâtre, à l’opéra, à la télévision et au cinéma.

Le Bouvier et la tisserande

La tisserande ne tisse pas des étoffes mais, en tant que fille de l’empereur céleste, elle tisse des nuages et des brumes. Un jeune bouvier, orphelin et chassé de sa maison, cultive laborieusement la terre seul, mais avec l’aide de son précieux bœuf, qui serait immortel et venu du ciel. Une nuit, le bœuf apparaît en songe au bouvier et lui dit d’aller dès le lendemain voir les fées se baigner dans la Voie Lactée. À son réveil, le bouvier se cache dans les roseaux et aperçoit les vêtements de la tisserande, laissée sur la rive. Les fées s’envolent et la tisserande choisit de rester sur terre parmi les mortels et accepte de vivre auprès du bouvier. Ils sont heureux jusqu’au jour où l’empereur céleste et l’impératrice Wang, apprenant le mariage de leur fille avec le bouvier, entrent dans une vive colère. Ils envoient des gardiens célestes pour la capturer et la ramener auprès d’eux. Le bouvier se met à courir pour tenter de la rattraper, mais l’impératrice tire une épingle d’or de ses cheveux et d’un simple geste elle rend la Voie lactée, profonde et houleuse, donc infranchissable, pour les séparer à jamais.
Des milliers de pies, témoins du désarroi profond de la tisserande et du bouvier, se rassemblent pour former avec leurs plumes un pont au-dessus de la voie lactée, offrant ainsi la possibilité aux amants de se retrouver. Touchée par cette ruse des pies l’impératrice les autorise à se retrouver sur le pont des pies une fois l’an, le 7 du 7éme du mois lunaire.
Cette merveilleuse histoire est à l’origine de la fête traditionnelle romantique très célèbre en Chine et qui a lieu le 7 du 7e mois lunaire (environ en août).

Le serpent blanc

Comme toujours dans l’univers des contes et des légendes de nombreuses versions ont vu le jour à travers les âges, la plus connue et la plus classique remonte au Ming. Deux-sœurs serpents, Bai Suzhen, le serpent blanc, (plus tard Dame blanche) et Xiao Qing, le serpent vert, sont deux esprits qui décident de se métamorphoser en jeunes filles. Elles se rendent au Lac de L’Ouest à Huangzhou, réputé pour sa beauté, où elles font connaissance du jeune lettré Xu Xian. Prenant pour prétexte de lui emprunter un parapluie Bai Suzhen à trouver  une astuce pour le revoir. Ils tombent amoureux, se marient, deviennent apothicaires et prodiguent des soins à leur entourage. Le moine Fahai du Temple de la Colline d’or apprend que la Dame blanche est en fait l’esprit d’un serpent et, offusqué par son union avec un homme, il sépare le couple. Il révèle à Xu Xian, la raison de sa colère et de sa décision de les séparer. Le moine ruse pour qu’elle redevienne serpent et il éloigne Xu Xian en l’enfermant dans son Temple. Les deux sœurs Bai Shuzen et Xiao Qing tentent de faire sortir le malheureux en implorant le moine qui refuse. La Dame Blanche décide d’user de ses pouvoirs. Elle fait monter les eaux du lac qui inondent le Temple et se livre à une série de combats. Elle gagne puis épuisée, elle est enceinte, elle finit par perdre. Le moine la saisit et l’enferme dans une coupe en or qu’il cache sous la pagode située au bord du lac. Le couple se retrouve prisonnier du moine. Mais la sœur Xiao Qing, le serpent vert, s’étant enfuie après le combat, réfléchit pour mettre tous ses pouvoirs surnaturels à profit et les libérer. Elle finit par vaincre le moine Fahai qu’elle pousse dans un crabe. La Dame blanche et Xu Xian enfin libres poursuivirent leur destinée.

 

SINGAPOUR

 

MEE POK MAN

ERIC KHOO (1995)

Joe Ng (Mee Pok Man), Michelle Go (Bunny), Kay Tong Lim (Mike Kor), David Brazil (Jonathan Reese).

A Singapour Mee Pok Man, qui tient une échoppe de nouilles, est secrètement amoureux de Bunny, une prostituée qui vient souvent manger chez lui. Introverti il est atteint d’une sorte de mutisme depuis la mort de son père. Comme lui, il exerce le même métier, habite le même lieu et souffre d’un manque de lien social. Pour Bunny c’est l’inverse, elle a une famille, des collègues et des clients. Cependant elle voudrait rompre avec cette vie, qui lui procure plutôt un mal être que du bonheur. Tous les deux sont différemment seuls. Un soir Mee ramène chez lui Bunny. Il va découvrir le désir, la tendresse, l’intimité entre deux êtres, des instants filmés avec poésie. Mee est bouleversé par ce qu’il vit. Au fond, il poursuit un rêve universel celui d’aimer et d’être aimé.

BE WITH ME

ERIC KHOO (2005)

Theresa Chan (elle-même), Lawrence Yong (le fils), Lynn Poh (Ann), Seet Keng Yew (Fatty Koh)

Un scénario original avec très peu de dialogue (les personnages communiquent surtout par SMS, courrier, lettre…) qui met en scène quatre récits avec un point commun, le mal d’amour et la solitude urbaine. Un vieil épicier vit avec le fantôme de sa femme, dont il n’accepte pas la mort. Un agent de sécurité obèse, amoureux d’une jeune femme employée dans le même immeuble que lui, tente d’écrire une lettre pour lui déclarer sa flamme. Deux adolescentes se rencontrent sur internet et vivent une idylle secréte. Puis soudain on passe au quatrième récit, aussi troublant qu’émouvant. Celui de Theresa Chan, une vraie sourde et aveugle depuis l’âge de 14 ans, qui du fait de son double handicap, communique par l’écriture. Elle confie un manuscrit autobiographique à l’assistant social qui s’occupe d’elle. Elle est habitée d’une force remarquable et finit par apprendre à vivre et à parler l’anglais.

 

 

 

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