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Iraq

* "amour" en Kurde

Quelques précisions sur cette langue

Le kurde est une langue indo-européenne appartenant à la branche des langues iraniennes occidentales. Il est parlé par les Kurdes (environ 44 millions de personnes), qui peuplent une vaste région appelée Kurdistan et divisée entre la Turquie centrale et surtout orientale, l’Iran, notamment occidental, l’Irak septentrional et la Syrie septentrionale. D’importantes communautés kurdes sont également installées dans la CEI et dans les principales villes moyen-orientales. Depuis la fin des années 1960, une diaspora de plus de 5 millions de Kurdes est installée en Europe (en particulier en Allemagne), aux États-Unis, au Canada et en Australie. Elle est langue officielle en Irak.

Quelques références littéraires et cinématographiques

IRAK

Avant de parler cinéma peut-être est-il nécessaire de rappeler quelques faits historiques se rattachant au peuple kurde et à ses conditions de vie, thèmes le plus souvent abordés dans la filmographie. Le Kurdistan sera-t-il un jour un nouvel Etat du Moyen-Orient ? Le peuple kurde, depuis le traité de Lausanne en 1923, est réparti dans quatre États et aujourd’hui, selon l’Institut kurde de Paris, ils seraient 15 millions en Turquie (soit 20 % de la population du pays), 6 à 7 millions en Iran (de 8 % à 10 % de la population), 2 millions en Syrie (9 % de la population) et 5 millions en Irak (22 % de la population).  Le peuple kurde ne cesse de bouger, à cause des guerres et des persécutions, et très souvent les actualités braquent leurs projecteurs sur ce peuple et le drame qu’ils endurent depuis des décennies. Les Kurdes représentent aujourd’hui le plus grand groupe ethnique sans État au monde : entre 30 et 35 millions, selon les estimations.

 

CINEMA

Hiner Saleem est le cinéaste kurde irakien le plus connu et sa présence au Festival de Cannes en 2005 avec son film Kilomètre zéro en compétition, était un événement, une promesse pour le cinéaste : « C’est la première fois que notre pays est représenté. C’est un passeport pour un cinéma interdit, clandestin. Une magnifique récompense et un encouragement !»

Scénariste, réalisateur et producteur de cinéma Hiner Saleem, de son vrai nom Azad Shero Selim, est né en 1964 à Acra, dans le Kurdistan irakien. Adolescent il tente d’intégrer une école de cinéma à Bagdad mais, dans l’Irak de Saddam Hussein, ses origines kurdes sont un obstacle à ses ambitions et il fuit son pays à dix-sept ans. C’est en Italie puis en France qu’il parfait son apprentissage du cinéma. De retour en 1992, il amorce Un bout de frontière, interrompu par la guerre du Golfe. Mais sa carrière est lancée, il tourne Vive la mariée… et la libération du Kurdistan (1998), suivi de Kilomètre zéro, Passeurs de rêve. Puis il se penche sur le destin des Kurdes en Arménie avec Vodka Lemon (2003), et quatre ans plus tard avec Dol ou la Vallée des tambours (2007) il s’intéresse à ceux qui vivent en Turquie et en Iran. En 2004 il publie Le Fusil de mon père, un récit autobiographique, aux éditions du Seuil. Hiner Saleem, l’un des premiers défenseurs de la cause kurde, signe des œuvres engagées pour la reconnaissance des droits de son peuple. Ses films ont reçu de nombreux prix notamment à la Mostra de Venise, au Festival international du film de Locarno, au Festival de Cabourg…

 

VIVE LA MARIEE… et LA LIBERATION DU KURDISTAN

HINER SALEEM

(1998, Prix du Public au Festival de Mannheim-Heidelberg 1998)

Georges Corraface (Cheto), Marina Kobakhidze (Mina), Schahlia Aalam (Leila), Stéphane Lagarde (Christine)

Cheto, un réfugié politique kurde, vit à Paris où il fréquente une française, Christine. Mais son désir est de se marier à une belle kurde, vierge et patriote. Lui vient alors l’idée de confier une mission à son ami Misto Video : le décider à partir au Kurdistan avec un caméscope sous le bras pour réaliser une vidéo et permettre à Cheto de choisir une jeune fille. La belle est trouvée et le mariage est arrangé. Mais quand celle-ci arrive à Paris, ce n’est pas la jeune femme attendue…Sur le ton de la comédie, le cinéaste évoque les traditions de son pays où les femmes rêvent de liberté tout en étant soumise au machisme des hommes.

 

DOL OU LA VALLEE DES TAMBOURS

HINER SALEEM (2007)

Nazmî Kirik (Azad), Belçim Bilgin (Taman), Omer Chawshin (Ahmed), Rojîn Ulker (Jekaf), Tarik Akreyî, Ciwan Haco (Ciwan), Abdullah Keskîn (Cheto), Sipel Erdogan (Nazenin)

Le film commence dans la région montagneuse de Balliova (la vallée du miel) où l’on voit gravé sur la pierre le drapeau turc avec l’inscription suivante « Heureux celui qui se dit turc ». Plus loin dans la vallée une vache regarde ce drapeau et se meurt de voir le drapeau turc trôner au Kurdistan. Azad, Kurde, se rend dans son village au Kurdistan irakien pour retrouver sa fiancée et se marier. Mais en chemin il blesse un militaire turc et il se retrouve dans l’obligation de prendre la fuite. Il traverse des régions du Kurdistan irakien et iranien où il rencontre d’autres Kurdes qui vivent au cœur d’une nature superbe et sauvage et dont il partage des instants de vie marqués par l’isolement, la séparation, le rêve de liberté…

 

SI TU MEURS JE TE TUE

HINER SALEEM

(2011, Prix Coup de foudre au Festival de Cabourg)

Golshifteh Farahani (Siba) Jonathan Zaccaï (Philippe), Özz Nüjen (Mihyedin), Hiner Saleem (patron de la sandwicherie), Menderes Samancilar (Cheto)

Philippe, tout juste sorti de prison, rencontre le kurde Adval qui rêve de faire venir à Paris Siba, sa fiancée. Mais Adval meurt brutalement et Philippe se retrouve contraint d’organiser les funérailles. Siba débarque à Paris où elle apprend la nouvelle et, recueillie par des Kurdes, elle fait la connaissance de Philippe. Cheto, le père d’Adval, arrive à son tour à Paris où il découvre avec stupéfaction que son fils a été incinéré. L’urne va entraîner bien des problèmes, Siba la conserve, Adval souhaite la récupérer, comme pour garder l’âme de son fils, et il voudrait que Siba rentre en Irak pour épouser l’un des frères d’Adval et respecter les traditions. Siba ne rentrera pas, elle se libère de l’emprise religieuse et des codes patriarcaux, et va commencer une nouvelle vie en France. Cette tragédie comédie a été primé pour sa tolérance, son ambiance particulière et la poésie qui se dégage de Paris la nuit et aussi bien sûr pour la présence irradiante de la comédienne iranienne Golshifteh Farahani.

 

MY SWEET PEPPER LAND

HINER SALEEM

2014, prix de la jeunesse au Festival de Cabourg 2013, sélection « Un Certain Regard » au Festival de Cannes

Korkmaz Arslan (Baran), Golshiftech Farahani (Govend)

Une histoire d’amour et d’entraide dans le contexte de la Guerre d’Irak. Baran, après une longue absence, retrouve sa vieille mère qui aussitôt veut le marier. Opposé à cette emprise familiale, il fuit et accepte un poste de policier dans un village reculé du Kurdistan irakien. Très vite il veut mettre de l’ordre, lutter contre la corruption, une mission déjà tentée par son prédécesseur qui a été assassiné. Il va devoir lui aussi affronter Aziz Aga, le chef local, un mafieux violent et nerveux de la gâchette.  Govend – une jeune femme belle et instruite qui a fui comme Baran sa famille – arrive dans ce village comme institutrice. Elle a obtenu l’accord de son père pour s’y rendre, malgré la réticence de ses frères à la laisser libre d’exercer un métier. De par son assurance et sa liberté affichée – elle fait de la musique, elle reste parfois seule à parler dans une pièce avec un homme – les langues se délient et se plaisent à faire courir le bruit de sa liaison avec Baran. Ils sont différents tout simplement, ils sont amis, proches. Mais la rumeur, contraire aux bonnes mœurs, incite les villageois à retirer leurs enfants de l’école. Au fil du temps des sentiments vont effectivement naître entre Baran et Govend. Aziz Aga décide d’éliminer Baran, gênant pour exercer ses petits trafics, Govend est désespérée.  Tous deux revendiquent une liberté, une indépendance que les traditions et leurs entourages leur refusent. Leur histoire évoque aussi une partie de la société kurde qui n’est pas disposée à évoluer, tandis que l’autre souhaite au contraire faire entrer leur pays dans la modernité. Les deux acteurs principaux incarnent avec force leur rôle dans un décor grandiose, et Golshiftech Farahani est saisissante dans son combat pour diriger seule sa vie et choisir son destin.

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